de Stephanie Melody Yan
De délicieux plats de rue authentiques à bas prix ont un coût élevé en Indonésie. Selon le ministère de la Santé, en 2017, il y a eu 163 éclosions de maladies d’origine alimentaire à travers le pays (FAO, 2019). Manger dans la rue est un pari où l’intoxication alimentaire et la diarrhée sont considérées comme les conséquences les moins nocives pour les consommateurs. Alors que les infections virales, bactériennes et parasitaires sont parmi les plus dangereuses. La vente de nourriture de rue est une des formes de revenus les plus accessibles aux Indonésiens peu scolarisés. Cependant, en raison de leur manque d’éducation, de nombreux vendeurs ignorent ou ne respectent pas les mesures d’hygiène, menant à la propagation de maladies d’origine alimentaire. L’assainissement étant un problème grave en Indonésie, comment la cuisine de rue peut-elle rester un commerce durable ?
Il s’avère assez difficile de maintenir une bonne hygiène lors de la vente dans un étal de rue. Le plein air, la chaleur, les mouches et la proximité des clients ne sont que quelques facteurs.
(crédit photo: Exotic Expeditions, 2015)
Un ancien métier
Largement connus sous le nom de vendeurs à cinq pattes, deux jambes pour le vendeur et trois roues sur le chariot, les vendeurs de rue indonésiens existent depuis l’ère coloniale néerlandaise. À l’origine, les Néerlandais avaient placé les locaux au bas du système hiérarchique et seuls les emplois manuels leur étaient disponibles. En revanche, avoir l’esprit d’entreprise et gérer ses propres revenus pour vendre des marchandises dans la rue était estimée comme une position plus élevée et bien respectée (Seruni 2004). Cependant, leur situation a radicalement changé au fil des ans ; sous le règne de Suharto, ils étaient considérés des plaies pour le développement de la ville et poursuivis dans les rues (Malasan, 2017). Après la crise financière de 1997, de nombreux Indonésiens se sont retrouvés sans emploi, sans autre choix que de se tourner vers le secteur informel. Comme ce domaine n’est pas réglementé par le gouvernement, il n’y a pas de formation obligatoire en salubrité pour les nouveaux commerçants.
Hygiène : facultative.
En 2004, une étude menée à Jakarta a déterminé qu’une mauvaise hygiène du lavage des mains, un contact direct avec les aliments et un faible niveau d’éducation étaient les facteurs dominants dans la propagation des maladies d’origine alimentaire (Vollaard, 2004). La contamination fécale de l’eau potable (dans 65 % des échantillons), de l’eau de vaisselle (dans 91 %) et des glaçons (dans 100 %) était fréquente selon ses analyses.
Une recherche sur les qualités microbiennes de certains plats indonésiens prouve que tous les aliments ne sont pas également à risque pour les bactéries. Le riz frit et le poulet grillé avec sauce aux arachides avaient un faible nombre acceptable de coliformes et aucun Escherichia coli n’a été trouvé. Un autre mets contenant des légumes et du tofu s’est révélé avoir des niveaux de contamination plus élevés. Il a été constaté que les températures de service contribuent à cet écart (Kampen, 2009).
La nourriture frite est une collation de base pour les automobilistes et les passants locaux. Cependant, la qualité et l’hygiène de l’huile de friture sont discutables.
(crédit photo: Mark Weins, 2016)
Un problème indonésien
En moyenne, les vendeurs de rue ont un niveau d’éducation inférieur à celui des travailleurs de la restauration, ainsi qu’une faible connaissance des facteurs de transmission et des pratiques de manipulation des aliments (Vollaard, 2004). La majorité de ces petits entrepreneurs ont des installations limitées avec de l’eau courante propre ou sont financièrement incapables d’en faire une possibilité. Cependant, cela ne doit pas être utilisé comme excuse pour servir de la nourriture de qualité inférieure aux normes de santé. Le manque de savon et une hygiène de vaisselle inadéquate sont des erreurs fréquemment commises.
Le blâme ne peut pas être entièrement imputé aux cuisiniers de rue. Les trottoirs encombrés sous la chaleur et l’humidité sont des lieux de reproduction par excellence pour les bactéries et sont un endroit attrayant pour les mouches, elles-mêmes propageant des maladies. De plus, la mauvaise qualité de l’eau est un problème de santé majeur, car elle n’est pas seulement servie pour être consommée telle quelle, mais aussi comme glace utilisée dans les aliments et les boissons. Les produits gelés sont particulièrement mangés en grandes quantités dans les pays tropicaux et dans ce cas, fréquemment signalés pour la présence d’Escherichia coli et la salmonellose (Waturangi, 2013).
Un avenir sain ?
L’arrêt de la cuisine de rue n’est pas une possibilité viable, car c’est une activité économique essentielle pour les groupes à faible revenu et les citoyens ont peu d’alternatives, hygiéniques ou non. Il appartient aux autorités de santé publique et au gouvernement de veiller à ce que des approvisionnements en eau potable soient accessibles pour tous et que les vendeurs reçoivent une formation appropriée quant à la manipulation des aliments. Des normes plus strictes en matière de sécurité sanitaire des aliments doivent être imposées, non seulement pour les vendeurs de rue, mais pour tous les acteurs au long de la chaîne de manipulation de celles-ci, les producteurs agricoles, les transporteurs et les distributeurs.
Alors que l’Indonésie gagne en popularité en tant que destination touristique pour ses plages et ses temples, elle doit améliorer ses normes de santé et d’hygiène pour être concurrentielle au niveau international. Selon le rapport sur la compétitivité des voyages et du tourisme du Forum économique mondial en 2019, l’Indonésie s’est classée 102e en matière de santé et d’hygiène sur 140 pays (WEF, 2019). Au début de 2020, les responsables gouvernementaux ont annoncé qu’ils donneraient aux régions touristiques une priorité absolue en matière d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable. En plus des problèmes d’intoxication alimentaire, l’État a mis l’accent sur la gestion des déchets et la qualité des toilettes publiques.
Cependant, dans des cas tels que Jakarta, où le développement urbain s’est orienté vers des projets grandioses, peut-être verra-t-on un exode du marché informel et des citoyens à faible revenu avec celui-ci (Malasan, 2019).
Bibliographie
FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nations. (2019) Saving Lives with Safer Food. http://www.fao.org/indonesia/news/detail-events/en/c/1197200/ (consulté le 21/03/2020)
Kampen, Jenny Van (2009) « The microbiological quality of street foods in Jakarta as compared to home-prepared foods and foods from tourist hotels. » International Journal of Food Sciences and Nutrition 1 (49) : 17-26.
Malasan, Prananda Luffiansyah (2019) « The untold flavour of street food: Social infrastructure as a means of everyday politics for street vendors in Bandung, Indonesia. » Asia Pacific Viewpoint 1 (60) : 51-64.
Malasan, Prananda Luffiansyah (2017) « Feeding a Crowd: Hybridity and the Social Infrastructure behind Street Food Creation in Bandung, Indonesia. » South East Asian Studies 3 (6) : 505-529.
Vollaard, Albert et al. (2004) « Risk factors for transmission of foodborne illness in restaurants and street vendors in Jakarta, Indonesia. » Epidemiology and Infection 132 (5) : 863-872.
Waturangi, Diana E. et al. (2013) « Edible ice in Jakarta, Indonesia, is contaminated with multidrug-resistant Vibrio cholerae with virulence potential. » Journal of Medical Microbiology 62 (3) : 352-359.
World Economic Forum. (2019) The Travel & Tourism Competitiveness Report 2019. https://www.weforum.org/reports/the-travel-tourism-competitiveness-report-2019 (consulté le 31/03/2020)