Par Noémie Valdivia
L’article 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant stipule « [qu’]un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans ». Cette définition ne pourrait être plus claire. Cette même convention oblige les États parties à reconnaître « le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail » (article 32), à « s’engag[er] à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle » (article 34), et à « [prendre] toutes les mesures appropriées […] pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à quelques fins que ce soit et sous quelque forme que ce soit » (article 35). Les Philippines ont ratifié cette convention, donc le gouvernement doit respecter tous ces articles. Mais ces-derniers sont-ils réellement respectés?
Une enfance volée
L’ancienne directrice générale d’UNICEF, Ann Veneman, déclara que « le trafic et l’exploitation sexuelle privent les enfants de leur dignité et mettent en péril leur sécurité, leur santé et leur éducation » (Plasencia 2007). Les experts estiment qu’il y a entre 60 000 et 100 000 enfants philippins impliqués dans le trafic sexuel. Avec ces numéros désolants, il est évident que les Philippines ne respectent pas complètement les articles 34 et 35 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Non seulement les Philippines sont un pays d’origine, de transit, et de destination du trafic humain, mais ils font aussi face à un trafic intérieur. En effet, si un certain nombre d’enfants philippins sont trafiquer notamment en Malaisie ou au Japon, plusieurs se déplacent à l’intérieur du pays et se retrouvent dans des régions touristiques du pays, comme Sabang, Boracay, ou Mindanao (ECPAT 2016, 4).
Selon l’Organisation internationale du travail, environ 1 million des 4,5 millions de victimes d’exploitation sexuelle sont des enfants (Organisation internationale du travail 2012). L’exploitation sexuelle des enfants inclut la prostitution, la pornographie juvénile, le tourisme sexuel d’enfant, ainsi que tout autre activité incitant à la violence sexuelle (UNICEF Philippines 2018, 286). Les Philippines sont les 4e pays du monde ayant le plus d’enfants prostitué (ECPAT 2016). Ils sont aussi dans le top 10 des pays produisant le plus de pornographie juvénile (UNICEF Philippines 2018, 288)
Ces données sont quelques peu inquiétantes considérant les obligations découlant de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le gouvernement agit-il afin d’améliorer la situation? En 2003, le gouvernement philippin adopta le Anti-Trafficking in Persons Act, une loi pénale déclarant le trafic d’enfant comme un crime contre l’humanité (UNICEF Philippines 2018, 278). Dans le code pénal philippin, l’article 335 stipule que d’avoir des relations sexuelles avec des filles de moins de 12 ans constituerait un viol (UNICEF Philippines 2018, 288). Ces lois sont à première vue bénéfiques face à la lutte contre le trafic d’enfant. Malgré les probables bonnes intentions du gouvernement philippin, l’âge de 12 ans ne constitue pas l’âge adulte, et plus encore, l’article du code criminel ne vise que les jeunes filles. Les jeunes garçons ne sont protégés par aucune loi.
Mais pourquoi?
Pourquoi les enfants sont-ils visés par l’exploitation sexuelle? Il est évident que la pauvreté des familles a un rôle à jouer. Culturellement, un enfant est vu comme la propriété des parents, et il est normal pour les enfants de travailler afin d’aider la famille économiquement (Zafft et Tidball 2010, 18). Les enfants se voient même mettre de la pression pour qu’ils aident le revenu familial. Plusieurs parents ne portent pas attention au travail que font leurs enfants; c’est pourquoi certains entrent dans le commerce sexuel. Tant que l’enfant gagne de l’argent, le moyen pour y parvenir importe peu. Pour ces familles, l’argent est plus important que la stabilité physique et social de l’enfant (Zafft et Tidball 2010, 18). Il est également tabou de discuter de sexualité, et conséquemment de violence sexuelle, ce qui n’aide pas les enfants à éviter l’exploitation sexuelle.
Le tourisme a évidemment son rôle à jouer. Dans les régions les plus touristiques, les communautés dépendent économiquement du tourisme. C’est ici que le tourisme sexuel entre en jeu; les enfants vivent dans des conditions horribles et sont privés de leur enfance. À Boracay, les enfants dorment sur le plancher et doivent constamment performer des actes sexuels (Zafft et Tidball 2010, 11). De plus, l’ancien président Marcos à promu le tourisme aux Philippines, afin de relancer l’économie suite à des nombreuses années de corruption (Zafft et Tidball 2010, 15). Sans avoir de preuves concrètes, la promotion de ce tourisme aurait pu encourager le tourisme sexuel d’une manière ou d’une autre.
L’exploitation des enfants, qu’elle soit sexuelle ou non, est un gros problème aux Philippines. Les enfants en ressortent avec des troubles de santé physique et mental irréversibles, avec des séquences physiques, et des traumatismes sexuels (Plasencia 2007). Malheureusement, les trafiquants continuent à viser les enfants puisqu’ils sont dociles et peu éduqués, ce qui ne fait que continuer le problème.
Bibliographie
ECPAT Philippines. 2016. Stop Sex Trafficking of Children & Young People.
Organisation des Nations unies. 1948. Déclaration universelle des droits de l’homme.
Organisation des Nations unies, 1989. Convention relative aux droits de l’enfant.
Organisation internationale du travail. 2012. « 21 millions de victimes du travail forcé dans le monde selon l’OIT». https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_182005/lang–fr/index.htm.
Plasencia, Leonardo. 2007. « La prostitution infantile dans le monde ». https://www.arpd.fr/438+la-prostitution-enfantile-dans-le-monde.html.
UNICEF Philippines. 2018. Situation Analysis of Children in the Philippines.
Zafft, Carmen. R et Sriyani Tidball. 2010. « A Survey of Child Sex Tourism in the Philippines » Interdisciplinary Conference on Human Trafficking at the University of Nebraska : 1-22.