Le décembre 1975, l’abdication du roi laotien Sisavang Vatthana est acceptée, mettant fin à une monarchie veille de 6 siècles et proclamant l’établissement de la république démocratique populaire du Laos.1 La monarchie est immédiatement remplacée par un gouvernement dont la principale priorité est l’instauration d’un régime économique socialiste. L’adoption de ce régime mènera rapidement à une centralisation des décisions autour du parti politique en place, ce qui déstabilisera fortement les dynamiques économiques, politiques et sociales du Laos.2
Ère de changements
Dès 1980, le gouvernement laotien se penche sérieusement sur la question du développement économique du pays. Il décide alors de s’engager dans un premier plan quinquennal afin d’assurer la croissance du pays. Contrôle des prix, subventions étatiques et autosuffisance alimentaire sont un menu. À la fin de sa mise en oeuvre en 1985, on constate un certain succès, mais ce dernier reste mitigé. Le pays décide donc d’employer les grands moyens afin de s’assurer du développement économiquement. À l’image de la péresroïka en Russie, ou de la Đổi mới au Viet Nam, le gouvernement met en place un plan de réforme majeur nommé New Economic Mechanism ( Konkai Xettakit Mai ). 3&4
Le New Economic Mechanism pose les bases d’une nouvelle structure économique en laissant une place importante à l’économie de marché au sein des frontières. D’emblée, le plan touche la privatisation. Le pays s’ouvre au commerce international et permet, sous certaines conditions, aux acteurs étrangers d’investir en territoire laotien.5 La réforme tente ensuite de mettre en place des conditions propices aux investissements étrangers. On parle notamment du développement d’infrastructure, du développement d’un droit de propriété clair, du développement du capital humain.6 Par la suite, le plan s’attaque au marché de l’emploi. Les salaires sont ajustés au jeu de l’offre et de la demande pour s’adapter à la demande grandissante de travailleurs dans les industries naissantes des zones urbaines.7 Finalement, le plan structure l’activité financière du pays pour s’assurer d’atteindre ses objectifs macroéconomiques à travers une politique de taux de change, une gestion des taux d’intérêt, une gestion de la masse monétaire, etc. Bref, le plan est ambitieux, et ses impacts se font encore sentir aujourd’hui.8
Rôle de l’État transformé
Dès 1988, les réformes en agriculture débutent et nombreux sont ceux qui doivent passer de la faux au marteau. L’agriculture représente, au début des années 90, 60% de l’économie et 85% des travailleurs. L’exode rural se fait sentir.9 Malgré tout, ce n’est pas ce qui touche le plus le secteur agricole. Le concept de droit de propriété des terres touche particulièrement les paysans. Pour la première fois, ce qui leur appartient est déterminé par un État centralisé et loin d’eux, ce qui aura comme impact de chambouler les relations que l’État a avec les paysans, plongeant ces derniers dans un nouveau système qui leur est imposé.10
Ce nouvel environnement ayant transformé les lois et les normes affecte aussi les gouvernements régionaux. Leur autonomie politique, économique et administrative s’affiblit pour passer aux mains du gouvernement de Vientiane.11 À la façon des pays de l’ancien bloc de l’Est, on observe la création de nouvelles institutions liées au parti. Avec les réformes, ce parti représentant le gouvernement central, gagne un fort contrôle sur l’administration, mais aussi sur tout ce qui touche la fiscalité au pays. Cette centralisation permettra toutefois de contribuer à une application efficace des réformes, et à des négociations efficaces avec des acteurs de la société civile comme le Lao Federation of Trade Unions, facilitant une transition paisible.12
Ces réformes ont eu un coût important pour la nation, allant même jusqu’à la rendre partiellement dépendante de l’aide internationale.13 Cependant, certains partagent un optimisme par rapport au futur de la nation. Bien qu’elle soit aujourd’hui encore très pauvre, ses réformes des dernières décennies sont considérées comme fructueuse malgré le lent développement, surtout considérant que son histoire et sa géographie la plaçait dans une situation initiale difficile.14 Par exemple, une récente étude a montré que l’ouverture aux investissements étrangers a fortement contribué au développement du désir d’entreprenariat, surtout des secteurs plus traditionnels du pays.15 Cette transition vers l’économie de marché est récente, et pour se démarquer à travers l’économie internationale, le Laos devra continuer à mener ses réformes avec succès.
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Bibliographie
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Encyclopedia Britanica. 2020.New Economic Mechanism. En ligne. https://www.britannica.com/topic/New-Economic-Mechanism-Laotian-history (page consultée le 16 avril 2020).
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Tachibana, Towa. 2014. «How one becomes an ‘entrepreneur’ in a transition economy: the case of manufacturers in Laos». Development Studies Research Vol. 1 (No.1):186-201