L’éducation au Timor-Leste: Les langues d’instruction.
Le 30 août 1999, les Timorais sont invités à voter sur le statut de leur région. En effet, ils avaient l’option entre: devenir une province indonésienne plus autonome ou se séparer de l’Indonésie afin de former un État à part entière. Après avoir constaté un haut taux de participation, des milices indonésiennes ont détruit plus de 70% des installations du pays, s’attaquant principalement aux écoles. Une fois la paix rétablie, la construction d’un système éducatif était de mise (Webster 2017:47).
Les langues nationales
Après près de 25 ans d’instruction en indonésien, on aurait pu s’attendre à ce que le Timor-Leste conserve cette langue dans l’administration et l’éducation afin de commencer sur des bases solides. Toutefois, les Timorais ont choisi le portugais et le tétum comme langues nationales (Araùjo e Corte Real 2014:157).
Benjamim de Araùjo e Corte Real, explique l’importance des deux langues nationales du Timor-Leste, mais aussi la place des autres langues locales. Dans un contexte où l’Indonésie a forcé l’instruction dans tous les villages, que cette langue a été imposée et est liée à de douloureux souvenirs de l’époque coloniale indonésienne, les Timorais ne pouvaient pas conserver cette langue (2014:166).
Le portugais, lui aussi venu de l’extérieur, n’a pas cette mauvaise connotation au Timor-Leste; on associe cette langue à l’émancipation du peuple puisqu’elle a influencé les dialectes de la région et qu’elle a persisté dans l’illégalité. Pour ce qui est du tétum, il s’agirait d’une lingua franca dans la région depuis le XIVe siècle ainsi que la langue de l’église en 1982 (Araùjo e Corte Real 161-163). En plus de ces deux langues, il y aurait 22 autres langues qui enrichissent la culture timoraise (Durand 2008:72).
AP Archive. (2015). Ramos Horta – Portuguese & Tetum Official Language
Les langues et l’éducation
Bien que le Timor-Leste avait choisi d’utiliser le portugais comme langue principale d’instruction, l’implantation de celle-ci dans le système éducatif ne s’est pas faite par magie après l’indépendance en 2002. En effet, 14% des Est-Timorais disaient parler le portugais* (Araùjo e Corte Real 165), ce qui n’allait pas faciliter la tâche du recrutement des enseignants. Plutôt que de retirer brusquement l’indonésien de l’éducation, le premier gouvernement opta pour un retrait progressif de celui-ci. Ce choix permettait de trouver à court terme des professeurs qui ne parlaient pas portugais et accommodait les élèves qui ont commencé leur scolarité en indonésien. (Araùjo e Corte Real 166).
Première langue d’instruction, le portugais était « enseigné dès la pré-primaire , selon la disponibilité des professeurs timorais détenteurs d’une formation – pré-invasion indonésienne – en langue portugaise…» Simultanément, des expériences sur l’enseignement conjoint de tétum furent conduites. En effet, cette langue n’ayant pas avant 2004 une orthographe officielle ni de manuel fut introduite de manière improvisée et inégale à travers la Nation (Araùjo e Corte Real 167).
Une lusophonie généreuse
Les pays lusophones sont les pays d’expression portugaise qui se sont regroupés ensemble pour former la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP). Ces Nations étaient parmi les premiers alliés du Timor-Leste à l’ONU alors que la communauté internationale était indifférente (Araùjo e Corte Real171-172). Aujourd’hui, les liens avec les pays de la CPLP sont forts. Ces derniers, soucieux du développement de leur partenaire, contribuent à la reconstruction du pays, notamment dans le domaine de l’éducation.
C’est principalement grâce au Portugal et au Brésil que le Timor-Leste a pu former une armada de professeur d’expression portugaise. Les différentes formations mises en place s’assurent que les professeurs timorais soient aptes à articuler des concepts scientifiques afin de les enseigner dans cette langue. L’ajout de cours de 1er cycle en portugais améliore notamment la qualité du Portugais (Albergaria P et Martinho M 2015:2366-2367).
Voici un exemple de coopération entre le ministère de l’Éducation du Timor et l’Université de Aveiro conduit en 2011:
300 heures de formation scientifique sur des sujets tels que la biologie, les mathématiques, la chimie, etc;
301 enseignants timorais ayant été éduqués en indonésien ou en tétum;
Motivés et conscients de leurs propres lacunes, les participants se sont supportés mutuellement afin de s’approprier les matières. Ces derniers avaient pleinement conscience du rôle qu’ils allaient jouer dans la construction du Timor-Leste (Albergaria P et Martinho M 2368).
«La soif d’éducation au Timor-Leste persiste. Les enseignants qui ont participé aux formations ont surpassé toutes les attentes»
(Albergaria P et Martinho M 2015:2368).**
Université nationale Timor Lorosa´e (UNTL)
Département de philosophie de l’UNTL. UNTL(s. d.). département de philosophie
Fondée en 2000, l’UNTL est encore aujourd’hui l’unique université au Timor-Leste. Situé à Dili, l’UNTL permet à 11 000 élèves de recevoir des cours donnés par 630 professeurs, dont 422 seraient Timorais. Depuis 2011, il est possible de persévérer jusqu’au doctorat. En 2016, il y aurait eu 36 diplômés au-delà du premier cycle***. La formation favorise l’utilisation du portugais aux autres langues puisque celle-ci permet de consommer une plus grande variété de contenu scientifique que le tétum (Araùjo e Corte Real 168).
Les autres langues
Dans l’optique d’encourager l’usage des 22 autres langues parlées sur le territoire, un projet pilote fut mis en place. Ce dernier a comme objectif d’enseigner dans la langue maternelle des élèves du primaire. Ce projet, mis en place en 2011, s’assurait aussi que les jeunes timorais apprennent le portugais et le Tétum (Araùjo e Corte Real176-177). Bien que l’apprentissage de trois langues semble exigeant, il est courant pour les Timorais de parler 2-3 langues, voire 7-8 selon l’éducation (Araùjo e Corte Real 159).
*L’auteur précise que ces chiffres officiels sont contestables par son expérience empirique. Il estime que les Est-Timorais sous-estiment leur maîtrise du portugais (165).
** Texte original: There remains a real hunger for education within East Timor. The teachers who participated in the course described here surpassed the trainers’ highest expectations
*** http://www.untl.edu.tl/pt/universidade/factos-e-numeros
Bibliographie
Albergaria P et Martinho M. (2015). The Empowerment of Education in East Timor Through In-service Teacher Training. Procedia – Social and Behavioral Sciences Vol.191 p.2364-2368
Araùjo e Corte-Real B, Cabasset C et Durand F. (2014). Timor-Leste contemporain l’émergence d’une nation. Paris: Les Indes savantes.
Durand F. (2008). Timor-Leste en quêtes de repères. Perspectives économico politiques et intégration régionale 1999-2050. Toulouse: Éditions Arkuiris.
Webster D. (2017). Flowers in the wall, Truth and reconciliation in Timor Leste, Indonesia and Melanesia. Calgary: University of Calgary Press.
Sources en portugais
Université Nation du Timor Lorosa’e. http://www.untl.edu.tl/en/64-english/university/95-history consulté le 28 mars 2020.
Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP). https://www.cplp.org/ consulté le 28 mars 2020.