Par Félix Hébert
En 1986, l’inflation au Viet Nam atteignait 453%. Imaginez payer cet automne un Pumpkin Spice Latte au prix de 4,45$ au Starbucks, l’année suivante il sera au prix de 20,15$, puis l’automne suivant, ce sera 91,30$. Si vous n’avez plus les moyens de vous le payer à ce prix, vous arrêterez d’en consommer. Mais si vous avez une famille à nourrir et que c’est le prix du pain et des vêtements qui augmente à ce rythme, vous êtes coincés. 1 2
C’est exactement ce que vivaient qu’a vécu nombre de familles vietnamiennes à cette époque. L’économie planifiée mise en place par le gouvernement communiste a affamé la population. De plus, l’aide en provenance de l’Union soviétique diminuait rapidement. Le pouvoir de redresser l’économie du pays reposait donc entre les mains du gouvernement vietnamien, mais comment fallait-t-il s’y prendre? 3
Dans cette situation, le Viet Nam a choisi d’entamer une transition économique, cette dernière ayant pour but de développer des relations économiques internationales. Dans un contexte de mondialisation, le pays a décidé d’ouvrir ses frontières au commerce extérieur en appliquant la politique du Đổi Mới, ce qui signifie en français la politique de rénovation.
Le pays a donc tenté de rénover son économie en trouvant de nouveaux partenaires commerciaux. Mais avec quels pays le Viet Nam peut-il encore commercer à une époque où le socialisme bat de l’aile? Après la chute de l’Union soviétique, il ne reste que peu de possibilités. La Corée du Nord? Cuba? La Chine? Économiquement et idéologiquement, la Chine semble un choix viable à l’époque, mais certains conflits opposant ces deux nations au dernier siècle ont peut-être nui à la possibilité d’en venir à des accords. 3
Pourtant, le parti au pouvoir a continué de proclamer le socialisme comme étant la bonne solution. D’après un communiqué paru en 1990, le parti affirmait qu’ « il est vrai que le monde capitaliste semble florissant et que le monde socialiste semble désordonné, mais les apparences sont décevantes. » Mais une telle affirmation du gouvernement signifie-t-elle que la population partageait le même avis? 4
De nombreuses années après la fin de la guerre du Viet Nam, sans que les Occidentaux n’interviennent dans le pays, l’économie ne semblait pas s’améliorer. Les critiques du socialisme se sont donc multipliés menant à une série de bouleversement dans le pays. Est-ce la peur de l’isolement, devenue plus forte que l’idéologie communiste qui a mené le parti à pencher pour le « hoi nha, soit l’intégration »? 4
C’est donc une autre rénovation qui prit le dessus. Une rénovation de l’économie vers des idéaux moins communistes qui se poursuit encore aujourd’hui. Effectivement, le Viet Nam a complètement changé ses fondations en permettant partiellement au libre-marché de s’établir dans le pays, tout en intégrant progressivement des partenariats économiques, pour la plupart régionaux. 4
Selon l’auteur David W. P. Elliot, c’est l’intégration du Viet Nam à l’Association of South-East Asian Nations en 1995 qui a fait le bris entre la place qu’occupait le pays à l’international autrefois et celle qu’il occupe aujourd’hui. Ce serait pour l’auteur le pas le plus important du pays vers une intégration à l’économie mondiale, qui elle mènerait à des relations gagnant-gagnant et non à des relations internationales dans lesquelles on retrouve un gagnant et un perdant. 4
Aujourd’hui le Viet Nam semble continuer son intégration autant économique que politique au commerce mondial. Le pays a d’ailleurs signé de nombreuses ententes de libre-échange durant les dernières années – EU-Vietnam free tarde agreement, the Korea Free Trade Agreement et le Eurasian Economic Union Free Trade Agreement. L’objectif d’un traité de libre-échange est de progressivement réduire les obstacles au commerce entre les nations. Ces signatures signifient une plus grande intégration au commerce international pour le Viet Nam. 5
En plus de ces signatures, le Viet Nam a en 2017 présidé le forum de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC). Les 21 membres de l’APEC se trouvent partout autour du Pacifique, il n’est donc plus question d’un partenariat régional, mais d’un partenariat à l’échelle mondiale. On peut donc s’interroger à savoir quel rôle prendra le Viet Nam dans le commerce mondial dans les futures années, bien que son adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce puisse être une piste pour le type de développement qui sera entrepris pour le futur. 6
Avec un taux de croissance du PIB avoisinant les 7%, des exportations de 243 milliards en 2016, une place de plus en plus importante sur la scène internationale et une économie plus ouverte que la Corée du Sud, l’Australie ou même les États-Unis, le Viet Nam est incontestablement plus intégré à l’économie mondiale qu’avant la politique de Đổi Mới. 7
Une plus grande ouverture sur le monde signifie aussi être plus ouvert à la concurrence. Le Viet Nam pourra-t-il continuer à soutenir une croissance aussi fulgurante? S’il réussit, le parti au pouvoir devra s’adapter à l’arrivée d’une classe moyenne ainsi qu’aux défis qu’elle amène. Malgré tout, le Viet Nam semble être optimiste. Tel que décrit par son slogan lors de sa présidence de l’APEC en 2017, l’idée est de « créer un nouveau dynamisme, de promouvoir un futur partagé. » 8
TAGS : Viet Nam, Économie, mondialisation, transition économique.
1 Nguyen Tri Hung, p. 1.
2 Brad Tuttle, en ligne.
3 David W. P. Elliot, en ligne.
4 Matteo Migheli, p. 939-942.
5 CIA, en ligne.
6 Office of the United States representatives
7 Renaud Bouret, p. 6.
- APEC, en ligne.
Bibliographie
Nguyen, Tri Hung. 1999. The inflation of Vietnam in transition. Antwerp (Pays-Bas): Centre for International Management and Development et Centre for ASEAN Studies.
Tuttle, Brad. 2017. Starbucks Quietly Raised Prices the Same Day Pumpkin Spice Lattes Returned. En ligne. http://time.com/money/4929069/starbucks-pumpkin-spice-latte-coffee-price-increase/ (page consultée le 20 mai 2018).
- P. Elliot, David. 2012. Changing worlds: Vietnam’s transition from the Cold War to globalization. Oxford: Oxford University press.
Migheli, Matteo. 2012. « Do the Vietnamese Support the Economic Doi Moi? ». Journal of Development Studies (no. 7). 939–968.
Central Intelligence Agency. 2018. The World Factbook: Vietnam. En ligne. https://www.cia.gov/library/publications/resources/the-world-factbook/geos/vm.html (page consultée le 20 mai 2018).
Office of the United States Trade Representative. 2018. US-APEC Trade Facts. En ligne. https://ustr.gov/trade-agreements/other-initiatives/asia-pacific-economic-cooperation-apec/us-apec-trade-facts (Page consultée le 20 mai 2018).
Bouret, Renaud. 2013. Relations économiques internationales. Montréal : Chenelière éducation.
APEC. 2017. Creating new dynamism, fostering a shared future. En ligne. https://www.apec2017.vn/ap17-c/page/theme (page consultée le 20 mai 2018).