Par Benji Belcou
L’empire portugais qui est d’influence catholique a occupé le Timor-Leste durant 450 ans. Son intérêt premier était d’origine économique et concernait l’exploitation et la commerce à l’international du bois de santal dont le Timor-Leste bénéficiait. Ainsi les portugais ne développaient pas les infrastructures, l’éducation, l’administration, ni même la religion.. Mais lorsqu’il s’agissait de défendre le peuple de l’oppresseur, qu’il soit Japonais ou Portugais, l’Église Catholique se rangeait du côté du peuple. Si bien qu’elle a été expulsée de la région par les portugais, étant donné qu’elle faisait face au régime colonial. Mais ce n’est qu’à l’annexion du Timor-Leste par l’Indonésie que l’Église Catholique a véritablement pris position.
En 1975, l’Indonésie qui possédait déjà la partie Ouest de l’île veut le Timor-Leste, la partie Est de l’île. Ainsi elle déploie ses milices dans la région. Dans un désir d’une véritable intégration du Timor-Leste à l’Indonésie, ils imposent le Bahasa Indonesia, la langue indonésienne, comme lange du peuple timorais. Dans ce même contexte d’intégration elle exige du peuple timorais, de tradition animiste, qu’il choisisse une religion monothéiste. Exigence qui correspond au premier point de la philosophie d’État Indonésienne, la ‘pancasila’, la croyance en un Dieu unique. Pour faciliter l’intégration l’Indonésie aurait souhaité que le Timor-Leste choisisse l’Islam[ii] qui est la religion majoritaire dans le reste de l’Indonésie. Cependant le peuple, par son passé portugais et se sentant aussi rejoint par le message du Christ, choisit le Catholicisme.
L’image d’un Dieu partageant la souffrance de son peuple afin que celui-ci obtienne la libération, se rapproche de ce que vit le Timor-Leste.[iii] Le peuple se sentait rejoint par ce message d’espoir, disant qu’il ne souffrait pas en vain. Durant l’occupation indonésienne de 1975 à 1999 le peuple timorais a fait face à de perpétuelles violences, meurtres, tortures, viols, famines, esclavage sexuel. On estime que les morts liés à cette période s’élèvent à 102,800 morts. Pourtant le peuple n’a pas cessé de demander l’indépendance face à cette violence.
En effet à travers les représentants religieux, plusieurs demandes auprès des instances internationales ont été faites. Durant l’annexion l’administrateur apostolique de Dili, Monseigneur Belo à écrit une lettre à l’ONU pour les avertir de la violence et de l’asservissement auquel le peuple timorais faisait face. Bien qu’il n’y ait pas eu de réponses de l’ONU[iv] cela a montré l’implication de l’homme dans ce conflit. Il a aussi continué d’être le médiateur entre les forces indonésiennes et le parti politique local, le FRETILIN (Front Révolutionnaire pour l’Indépendance du Timor Oriental), tout en montrant l’intérêt du peuple local pour sa liberté. Monseigneur Belo obtient le prix Nobel de la paix en 1996, pour avoir défendu le peuple au péril de sa vie. Par cette prise de position d’un homme religieux pour le peuple timorais, l’Église Catholique a été rapproché de la cause du peuple. Sans compter qu’elle était la seule instance de la région à avoir un lien avec le reste du monde, pour pouvoir demander de l’aide.
Avant l’annexion le Timor-Leste avait plusieurs ‘hommes politiques’ qui étaient, dans la culture timoraise, des liens entre le monde concret et le monde spirituel. Mais à l’arrivée des Indonésiens ces hommes s’éloignaient de leur rôle spirituel mais aussi de leur rôle de leaders. Il ne restait que l’Église pour prendre une telle position.[v] D’autant plus qu’elle était directement liée au Vatican, qui avait fait placer Monseigneur Belo à la tête de l’Église au Timor-Leste. Ainsi il a utilisé sa position pour amener le reste du monde à connaître la situation à laquelle le peuple timorais faisait face.[vi] C’est ainsi que de nombreux incidents ont pu être documenté, les famines et le massacre de Santa Cruz. Cela a suscité le soutient de certains pour le Timor-Leste plutôt que pour l’Indonésie. En constatant les violences faites au timorais des pays tel que les États-Unis d’Amériques et le Japon ont cessé de donner des fonds à l’Indonésie.[vii]
L’Église Catholique a aussi travaillé à unir le peuple. En faisant la liturgie en Tetum, qui est l’une des nombreuses langues locales de la région et en intégrant des éléments animistes aux célébrations. Cela a permis au peuple de se rapprocher de la religion et de mieux comprendre l’Évangile et de se reconnaître dans ce message. De plus les célébrations constituaient les seuls véritables instants ou les rassemblements de timorais étaient autorisés.
Pour reprendre les termes de Patrick Smythe, la religion catholique se présente dans la situation du Timor-Leste comme étant une ‘spiritualité de résistance’.[viii] Lorsque le peuple timorais a identifié un ennemi commun en l’Indonésie, il a trouvé la force de résister en se reconnaissant en la personne du Christ qui porte les souffrances de son peuple, pour lui offrir la vie. L’Église Catholique a su utiliser les outils dont elle disposait pour défendre le peuple du Timor-Leste. Son message, une langue pour unir le peuple et le rendre plus fort, des moments d’unité du peuple.
Aujourd’hui bien que la région reste majoritairement catholique, l’Église ne s’implique plus autant dans la sphère politique au Timor-Leste, d’ailleurs ses représentants n’ont pas voulu participer à la gestion du pays après 2002.
BIBLIOGRAPHIE
[i] Dunn, James, East Timor: A Rough Passage to Independence (p.39-40) (Double Bay, Aus:Longueville Books, 2003). Dans, Joel Hodge (2016) Chapter 3 East Timor: History, Religion and Culture. Resisting Violence and Victimisation: Christian Faith and Solidarity in East Timor (p.57) London; New York; Routledge
[ii] Joel Hodge (2016) Chapter 3 East Timor: History, Religion and Culture. Resisting Violence and Victimisation: Christian Faith and Solidarity in East Timor (p.57-58) London; New York; Routledge
[iii] Joel Hodge (2016) Chapter 3 East Timor: History, Religion and Culture. Resisting Violence and Victimisation: Christian Faith and Solidarity in East Timor (p.59) London; New York; Routledge
[iv] A paz é possivel em Timor-Leste (dir.), Je suis Timorais, témoignages du Timor-oriental, 1990, p.47. dans B. de Araújo e Corte-Real, C. Cabasset et F. Durand (2014) Ruptures, Luttes et Inculturation au pays le plus catholique d’Asie. Timor-Leste contemporain : L’émergence d’une nation (p.198) Paris : Les Indes savantes ; Bangkok : IRASEC
[v] B. de Araújo e Corte-Real, C. Cabasset et F. Durand (2014) Ruptures, Luttes et Inculturation au pays le plus catholique d’Asie. Timor-Leste contemporain : L’émergence d’une nation (p.195) Paris : Les Indes savantes ; Bangkok : IRASEC
[vi] Joel Hodge (2016) Chapter 3 East Timor: History, Religion and Culture. Resisting Violence and Victimisation: Christian Faith and Solidarity in East Timor (p.61) London; New York; Routledge
[vii] B. de Araújo e Corte-Real, C. Cabasset et F. Durand (2014) Ruptures, Luttes et Inculturation au pays le plus catholique d’Asie. Timor-Leste contemporain : L’émergence d’une nation (p.202) Paris : Les Indes savantes ; Bangkok : IRASEC
[viii] Joel Hodge (2016) Chapter 3 East Timor: History, Religion and Culture. Resisting Violence and Victimisation: Christian Faith and Solidarity in East Timor (p.59) London; New York; Routledge