Le parti révolutionnaire populaire Lao: Historique d’une domination politique

Le Parti Révolutionnaire Populaire Lao (PRPL), constitue un pilier central de la politique laotienne depuis plusieurs décennies. Arrivé au pouvoir en 1975 par la prise de Vientiane, la capitale, par les forces révolutionnaires, le PRPL existait depuis plusieurs années déjà sous le nom de Pathet Lao, un parti révolutionnaire issu de l’amalgame de plusieurs divisions du Parti Communiste Indochinois (PCI). Depuis sa victoire sur les forces royalistes et sa prise de contrôle de l’État, le PRPL s’est imposé comme la force dominante laotienne jusqu’à aujourd’hui. Aux rênes d’un pays qui évolua dans l’ombre de ses puissants voisins (Chine, Thaïlande, Vietnam), le PRPL réussira à s’adapter aux aléas des grandes tendances économiques internationales. Il est assez impressionnant de constater ainsi la survie d’un parti d’affiliation socialiste à travers plusieurs décennies de changement structurels radicaux au sein de la région. C’est cette capacité d’adaptation aux nouvelles réalités politico-économiques qui sera analysée ici, dans l’optique d’expliquer la perduration du PRPL à travers l’Histoire récente.

 

Une identité forte

Ayant combattu des forces loyales au gouvernement monarchique lao, il serait logique d’affirmer que le PRPL voulu se placer en rupture avec les symboles appartenant à ce passé aristocratique. Or, il faut souligner que le Laos était et est toujours un pays aux multiples facettes, en particulier sur le plan de l’ethnicité. Historiquement, les membres de la noblesse lao ont toujours fait figures d’autorité rassembleuses, la stratégie du Parti s’organisa donc autour de l’occupation de postes importants par des figures aristocratiques sympathiques aux causes nationales et marxistes, tel que le Prince Souphanouvong, figure marquante à ce jour de la révolution laotienne qui occupera des postes de la plus haute importance. (Evrard et Pholsena, 2005)

Le Parti devait aussi s’assurer d’obtenir une certaine cohésion nationale pour éviter de fragiliser encore plus sa situation aux rênes d’un pays ethniquement diversifié. Les déplacements de population effectuées par le régime depuis 1975 sont un bon exemple de politiques du genre. En concentrant les populations montagnardes pour favoriser un développement rural, le Parti contribuait également par ces décisions à l’assimilation de plusieurs groupes afin de créer un « ensemble « national » lao ». (Evrard et Pholsena, 2006, p : 26).

Le PRPL entreprit également de populariser la cause socialiste par l’entremise de la religion bouddhiste. Loin d’atteindre le niveau de synergie entre l’État et la religion comme en Birmanie ou en Thaïlande voisine, ces politiques contribuèrent tout de même à l’unification de la population derrière ce parti qui proposait un amalgame idéologique populaire (Evrard et Pholsena, 2006).

Cette création d’une identité nationale forte, d’unification symbolique du peuple transcendant au possible les ethnicités est une réflexion qui puise ses racines notamment dans la pensée communiste. Que cela soit en U.R.S.S., en Chine ou au Nord-Vietnam, ces politiques de concessions des identités ethnoculturelles ont été effectuée dans un optique de respect des particularités de la population afin qu’elle se reconnaisse davantage dans un État évoluant autour d’un projet socialiste. Ces politiques favorisent la stabilité politique et furent particulièrement utiles pour la durabilité du PRPL. (Pholsena, 2009).

 

 

L’adaptation au monde extérieur

Bien que le PRPL ait réussit à maintenir un certain système de durabilité idéologique, les forces politico-économiques internationales représentent un défi pour le Parti, qui dû adapter le modèle socialiste qu’il défendait originellement pour pérenniser sa présence au pouvoir. Si le PRPL défendit un modèle socialiste durant les premières années de son règne, la fin de la Guerre Froide et l’effondrement du monde communiste vint précipiter son adaptation à une économie plus libéralisée à partir des années 1980.

La rigide discipline de parti, établie au cœur du PRPL suite à plusieurs décennies de luttes pour le pouvoir et par la suite face aux guérillas contre-révolutionnaires, contribua certainement à la capacité de l’exécutif du Parti de se maintenir au pouvoir suite aux nécessaires transitions qu’imposait le contexte international. En effet, les années 1980 virent arriver au Laos la montée d’un nouveau groupe économique d’entrepreneurs, se positionnant pour une libéralisation de l’économie et la normalisation des relations avec les voisins riches du pays qu’étaient la Thaïlande et la Chine. Le PRPL adopta en 1986 un « Nouveau mécanisme économique » axé sur la libéralisation de l’économie et l’ouverture au commerce extérieur. Il est d’ailleurs pertinent de soulever que les dirigeants ayant mis cette politique en place étaient de la même garde que les révolutionnaires de la prise de Vientiane de 1975, démontrant surement une grande capacité d’adaptation du Parti. (Rathie, 2012). Le récent changement de garde progressif que virent les années 2000 au sein du PRPL amena aux postes décisionnels une relève formée dans les meilleures écoles occidentales. Il serait intéressant de voir comment les priorités de cette nouvelle garde s’acclimateront au symbolisme historique en place depuis 1975.

Le PRPL est encore à ce jour aux commandes du Laos. À travers ses nombreuses adaptations au contexte interne et externe qui lui ont assuré sa longévité, il a réussi à se positionner comme une force stable qui poursuit sa gouverne du pays. On observe d’ailleurs toujours un fort clientélisme au sein des cercle économiques et politique dont la source se trouve à être les dirigeants du Parti et leurs proches. (Rathie, 2012). On peut se demander si le projet de pays socialiste que défendaient les révolutionnaires Lao du temps du PCI est resté longtemps dans l’esprit des dirigeants du PRPL. L’adaptation remarquable qui a fait sa longévité peut en effet témoigner d’une relative absence de rigidité idéologique, ce qui l’a peut-être sauvé si on le compare avec d’autres expériences de la région.

 

Bibliographie :

1 : Evrard, O., & PHOLSENA, V. (2005). De la révolution à l’après-socialisme: les temps de la construction nationale en RDP Lao. Gentil D., Boumard Ph., Le Laos, doux et amer25, 15-36.

 

2 : Pholsena, V. (2009). Nommer pour contrôler au Laos, de l’État colonial au régime communiste. Critique internationale, (4), 59-76.

 

3 : Rathie, M. (2012). Histoire et evolution du Parti révolutionnaire populaire lao. History and Evolution of the Lao People’s Revolutionary Party], in Laos: Sociétés et Pouvoirs [Laos: Societies and Powers], ed. Vanina Bouté and Vatthana Pholsena. Paris: Les Indes Savantes-IRASEC.

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