Par Roxanne Lord D’Onofrio
L’Asie du Sud-Est est connue depuis maintenant quelque temps pour sa grande production d’amphétamine et d’opiacés[1]. C’est aux frontières entre la Thaïlande, le Laos et la Birmanie, que se dresse le Triangle d’Or, berceau d’une importante part de la production de drogues. Les activités de productions sont principalement localisées au nord-est de la Birmanie[2]. La Birmanie compose donc encore aujourd’hui avec un grave problème de production de drogues. Le pays est aujourd’hui un des plus grands producteurs au monde de drogues et exporte sa production jusqu’en Amérique du Nord.[3]
Mais comment un phénomène d’une si grande ampleur s’est-il développé ? Il s’agit selon plusieurs experts, du résultat de la géopolitique de la région et d’opportunité. Effectivement, la région occupée par le Triangle d’Or correspond à un espace peu peuplé entre les frontières. À la fois polyethnique et interétatique, la région favorise les mouvements illégaux[4].
La région du Triangle d’Or est un territoire difficile d’accès par son relief, mais aussi difficile de contrôle dû à son caractère interétatique. Dès lors, les producteurs de drogues ont pu exploiter ce terrain pour leurs activités illicites et en faire le plus important lieu de production. En ce qui concerne comment certains groupes en sont venus à s’installer dans cette région, lorsque le Parti Nationaliste chinois à envahit le nord du pays en 1949, il a poussé les populations autochtones à s’établir au long des frontières[5]. Le climat du nord est propice à la production du pavot. Ainsi, ces populations sont devenues les pionnières de la production d’opiacés au Triangle d’Or. Le territoire birman est à ce moment sous contrôle des Chinois et ceux-ci imposent une taxe très lourde aux producteurs. Ainsi ceux-ci entament une production plus élevée, ce qui concrétise la vocation du territoire nord-birman à la production du pivot, et de l’opium [6].
Le commerce quant à lui s’est annexé aux réseaux du commerce du thé déjà existant[7]. À la suite de crises internes de chaque pays frontalier, d’autres populations sont venues s’installer aux lieux du Triangle d’Or. Un groupe en particulier, les Hui se sont installés en Birmanie. Ils étaient de grands commerçants avec des liens commerciaux établis. Ils ont pu utiliser leurs connaissances pour faire le commerce des opiacés. L’empressement du gouvernement chinois de régler son problème de drogue en 1949, ce qui permet à l’Asie du Sud-Est de prendre la relève[8]. De plus, la Guerre froide et la participation des États-Unis dans les conflits d’Asie du Sud-Est à cause de la menace communiste ont servi à propulser le marché de l’opium. En fait, les groupes soutenus par les Américains devaient se financer, et ils l’ont fait grâce au commerce de l’opium. Somme toute, ce sont les partis communistes de la Birmanie qui ont le plus contribué à l’établissement du Triangle d’Or en instrumentant l’économie de l’opium.
Aussi, la Chine vient s’ingérer dans le conflit politique de la Birmanie et finance le parti communiste. La lutte antidrogue en Thaïlande décourage certains trafiquants et a mené à la création d’une route pour la contourner. En somme, les conflits qui règnent en Birmanie favorisent l’économie informelle, car l’industrie de la drogue offre un mode de financement efficace aux groupes insurgés.[9]
Aujourd’hui, la Birmanie reste un des plus grands producteurs de drogue au monde. Sa production n’est pas seulement dédiée à l’Asie du Sud-Est, elle est aussi ouverte à l’exportation vers les pays occidentaux. Il est estimé qu’en 2013, la Birmanie produisait 25% de la production mondiale d’opium[10]. La production d’opium en Birmanie ne s’est donc pas essoufflée avec le temps. Au contraire, le climat du Nord est favorable à la culture du pavot et permet un bon rendement[11].
La production d’opium faite au Triangle d’Or commence à susciter l’intérêt de la communauté internationale à la fin des années 90 quand la production dépasse les 2 000 tonnes d’opium récoltées par an. Cependant, celle-ci malgré les sanctions ne peut pas s’ingérer dans les affaires d’un État, sans son accord. Aussi, le gouvernement birman est corrompu. Ainsi, la corruption, le réseau de clientélisme et la faiblesse des institutions rendent l’application des lois anti-narcotrafiquant inefficace[12]
Bibliographie
Pierre-Arnaud Chouvy. (2003). Le Triangle d’Or : les fondements géohistoriques des chemins de la drogues. Outre-Terre, N06, Genèves.16 pages
Sarah Éthier-Sawyer. 2014. Dompter le dragon : l’économie politique de la drogue et le conflit armé en Birmanie. Thèse de maitrise. Département de science politique. Université de Montréal.
Bertil Lintner. 2010. « Le crime organisé en Asie. Du Triangle d’or à l’Extrême-Orient russe », Pouvoirs, n° 132, p. 57-76. [en ligne] (Consulté le 26 avril 2019). URL : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-1-page-57.htm
[1] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.1
[2] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.1
[3] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.12
[4] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.1
[5] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.10
[6] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.11
[7] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.5
[8] Pierre-Arnaud Chouvy.2003p.7
[9] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.5
[10] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.1
[11] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.10
[12] Sarah Éthier-Sawyer.2014. p.36
Bibliographie
Pierre-Arnaud Chouvy. (2003). Le Triangle d’Or : les fondements géohistoriques des chemins de la drogues. Outre-Terre, N06, Genèves.16 pages
Sarah Éthier-Sawyer. 2014. Dompter le dragon : l’économie politique de la drogue et le conflit armé en Birmanie. Thèse de maitrise. Département de science politique. Université de Montréal.