Par Mikaelle Hotte
Pour plusieurs, la Thaïlande est reconnue comme étant la capitale de la liberté sexuelle asiatique, plus précisément dans la ville de Bangkok, dont le quartier de la prostitution est divisé en rues d’offres spécialisées (Roux 2009, 33). C’est réellement à partir de l’arrivée de clients occidentaux dans les années 1970 que les identités sexuelles au niveau social commencent à être plus définies, et ce, surtout dans les discours (Roux 2009, 33). La question de la prostitution est mise en lumière par l’explosion d’étrangers au pays qui profitent de la souplesse des autorités face aux travailleurs du sexe et de l’acceptation sociale relativement répandue envers les relations homosexuelles . À partir de ceci, comment le nouveau processus de formation des identités sexuelles a mené à une plus grande acceptation de celles-ci ? Et comment la création des communautés de minorités sexuelles a obligé la gestion étatique de crises qui les touchent, comme celle du sida ?
Formation de l’identité sexuelle
Il est important de spécifier qu’avant d’arriver à cette certaine flexbitlité sociale face aux identités et orientations sexuelles qui s’inscrivent hors de l’hétéro-normativité, la culture traditionnelle thaïlandaise divise les identités sexuelles en trois groupes rigides (Roux
2009, 33). Cette représentations’appuye sur lesidentités sexuelles faites dans les mythes bouddhistes, soient mâle, femelle et hermaphrodite (Roux 2009, 33). De plus, la langue thaïe ne fait pas de distinction entre les sexes, les genres et les identités sexuelles, obligeant une trajectoire d
ans le discours (Roux 2009, 33). De ce fait, les relations entre hommes et transgenres (hommes adoptant une attitude féminine) étaient tolérées, ne remettant pas en cause les définitions de genres et d’orientations sexuelles qui leur étaient associées (Roux 2009, 33). Par contre, celles entre deux hommes ne représentaient aucune identité spécifique, rendant donc leurs relations problématiques aux yeux des normalités traditionnelles (Roux 2009, 33). Seules les relations entre deux hommes qui occupaient d’autres sphères de leur vie de façon virile, comme être encore dans un mariage hétérosexuel ou avoir des enfants, étaient tolérées (Roux 2009, 33). La sexualité est perçue comme quelque chose de plus ou moins permanent et surtout fluide (Roux 2009, 35). On emploie donc le mot pour désigner une préférence et non une orientation sexuelle complète (Roux 2009, 35).
La conception de l’homosexualité comme vécue en Occident n’est acceptée que dans les grands centres, où une grande partie de l’économie dépend des services sexuels de tous genres (Roux 2009, 34). Les milieux ruraux accordent encore un sens plus traditionnel, et même plus flottant, au terme de l’homosexualité (Roux 2009, 34).
Pour ce qui est des relations lesbiennes, la stigmatisation est beaucoup plus forte, et ce, entre femmes elles-mêmes, et restent plutôt inexplorée due à leur invisibilité (Roux 2009, 35).
Gestion de la crise du VIH
Puisque l’économie des services sexuels est intrinsèquement ancrée dans la culture thaïe de la deuxième moitié du 20e siècle, le pays sera le premier de sa région à être affecté fortement par la crise du sida dans les années 1970 (Pannetier, Lelièvre, et Le Coeur 2016, 7). Ainsi, les premiers groupes de personnes affectés seront les prostitués, plus précisément ceux issus de la communauté gaie (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 7). Au tournant des années 1990, de plus en plus d’hommes au nord du pays sont affectés, par leur plus grande tendance à avoir recours à la sexualité commerciale (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 7).
Il faudra environ 10 ans aux autorités avant de démarrer des campagnes nationale, illustrant une stigmatisation latente de leur part (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 8). Deux campagnes sont alors mises en place ; une visant à désinciter la clientèle de la prostitution à y avoir recours et une autre par le biais de distribution de condoms dans les secteurs des villes les plus à risque (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 7), comme présenté dans la courte vidéo suivante : https://www.youtube.com/watch?v=9V2hDTWLuOc. Ce genre de campagnes est issu du modèle plus libéral et occidental, visant à responsabiliser la population par rapport à leur vie sexuelle au lieu d’éviter la question (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 8). Les campagnes ont eu l’effet escompté, diminuant drastiquement les cas répertoriés dès 2000 (Pannetier, Lelièvre, and Le Coeur 2016, 8).
Sources :
Pannetier, Julie, Éva Lelièvre, et Sophie Le Coeur. 2016. “Maladies, stigmatisation et temporalités: réflexions autour d’une enquête biographique en Thaïlande.” Érudit. 2016. http://www.erudit.org/fr/livres/actes-des-colloques-de-lassociation-internationale-des-demographes-de-langue-francaise/trajectoires-ages-vie-selection-darticles-issus-travaux-presentes-au-xviiie–978-2-9521220-5-4/004403co/.
Roux, Sébastien. 2009. “« On m’a expliqué que je suis ‘gay’ ».” Autrepart n° 49 (1): 31–45