Par Éric Ruduard Bodoule
L’éclatant succès de l’Organisation des Nations Unies (ONU) aussi bien au Libéria qu’en Sierra Léone, où elle a efficacement contribué à la construction de la cohésion nationale et participé à la mise en place des institutions favorables à la démocratisation, susceptible de conduire progressivement ces états à un niveau de croissance relativement acceptable, a ravivé l’espoir de nombreuses communautés en l’ONU. Les Rohingyas de la Birmanie font justement partie de ces peuples qui, marginalisés et terrorisés par les exactions de la junte militaire au pouvoir, attendent de la justice internationale souvent incarnée par les Nations Unies, comme les israélites attendaient la manne au désert. Une intervention dont la probabilité se dissipe de plus en plus en augmentant la fracture sociale, qui ne peut que maintenir sinon aggraver la misère et l’immobilisme de la société birmane.
Toute chose qui amène à se questionner sur les fondements du laxisme onusien, préjudiciable aussi bien au développement politique, économique que social de la Birmanie, mais également aux respects de la dignité humaine. Il s’agit en d’autres termes de comprendre ce qui caractérise la mollesse des Nations Unies en Birmanie? La pérennité d’un tel climat en Birmanie laisse-t-elle une place au développement?
La Sécurité internationale une farce?
La multiplication des foyers de tension en Birmanie met en lumière la faillite de la sécurité internationale qui semble dépendre des seuls intérêts des grandes puissances, notamment des membres permanents du conseil de sécurité des Nations Unies. La tragédie que continue de vivre aujourd’hui encore les musulmans Rohingyas, ne peut que confirmer l’aliénation de l’ONU par son conseil de sécurité.
Les intérêts Chinois en Birmanie
La chine du fait non seulement de son industrialisation mais aussi et surtout de ses ambitions hégémoniques est très dépendante des hydrocarbures quelle tentera de conquérir non sans garantir la pérennité de ses approvisionnements. (L’Huillier 2007,37) C’est entre autres ce qui étaye sa relation avec la Birmanie dont elle est devenue le premier partenaire économique et militaire, marquant ainsi la forte dépendance de la Birmanie vis-à-vis d’elle. Le mutisme de la Chine devant les exactions de la junte militaire, malgré toutes les sirènes de la communauté internationale tienne donc de cette réalité, tant il est vrai qu’en relation internationale les États ne sont guidés que par le seul impératif catégorique qu’est l’intérêt national égoïste. (Battistella 2015,129)
La carrure de grande puissance de la Chine semble diluer et compromettre fondamentalement les principes phares de sécurité, des droits de l’homme et de la responsabilité de protéger qui ont de tout temps guidé l’action des nations unies dans d’autres contrées. Sinon comment comprendre la passivité de la communauté internationale devant les atrocités commises à l’endroit des Rohingyas? Comment comprendre également que la Chine supposément engagée dans la préservation de la sécurité internationale à travers notamment l’octroi d’un important contingent de casque bleus dans les missions onusiennes, accélère la vente du matériel militaire à la junte birmane. Lequel matériel est utilisé contre des populations musulmanes sans défense?(Https://www.lemonde.fr/…/la-tragedie-des-rohingya-en-birmanie-profite-a-la-chine_521)
Tout porte en réalité à croire que l’inactivisme des Nations Unies et des autres membres du conseil dit de sécurité repose sur le seul droit de véto, véritable bourreau des peuples sans défenses qui tombent encore sous l’effet des armes chinoises. Il apparait donc de toute évidence que le conseil de « sécurité » en particulier et les Nations Unies en générale, loin de garantir et d’assurer la sécurité internationale en veillant au respect des droits universels de la personne et la paix entre les peuples, semble plutôt s’affirmer en défenseur des intérêts des puissances industrialisées. Mc Falls dans doit-on intervenir? met en lumière aussi bien les paradoxes que les contradictions qui découlent de ces interventions humanitaires onusiennes dans le monde, lorsqu’il soutient sans ambages aucune qu’en réalité, l’intervention dite humanitaire a d’autres buts que ceux qu’elle évoque. (Mc Falls 2009,219)
N’est-ce donc pas là ce qui justifie le laxisme de l’ONU qui visiblement apparaît plutôt comme la géante organisation dont l’objectif semble plutôt militer en faveur de la promotion et de l’expansion d’un capitalisme dur qui ne cède aucune place à l’éthique? Dans tous les cas, la tragédie des rohingyas et le silence onusien laisse transparaitre la volonté des grandes nations à soutenir absolument la pérennité des intérêts Chinois. Ce qui ne peut aucunement favoriser le développement de la Birmanie qui reste d’une part la proie des violences ethniques et d’autres part celle de la Chine dont la finalité est de maintenir la Birmanie attachée au piquet de la dépendance. Une attitude qui en même temps qu’elle trahit l’esprit du multilatéralisme promu par l’ONU, met un bémol quant à la valeur intrinsèque de l’aide au développement et des investissement chinois.
L’ambivalence de l’ONU qui tient de son double discours est incompatible au développement social, politique et économique des peuples. Puisqu’en plus de laisser transparaitre une certaine injustice en ce sens que l’ONU n’intervient pas avec la même intensité partout où la sécurité humaine est menacée, fragilise son aura d’antan et ternit ses capacités dissuasives. C’est du reste ce qui explique la radicalisation de la rébellion et la multiplication des foyers de tension en Birmanie, ce qui plutôt que de favoriser le développement du pays, favorise plutôt l’enrichissement de la minorité au pouvoir.
Le fait que la présence de l’ONU à travers ses interventions humanitaires est de plus en plus contestée dans des pays qui connaissent des crises est tributaire de cette ambivalence qui ne semble servir que les intérêts des grandes puissances.
Bibliographie
Dario, Battistella.2015. Théories des relations internationales. 5eEd. Paris : Presses de Sciences
Mc Falls, Laurence.2009, « Doit-on intervenir ? » dans La politique internationale en question. Québec : les presses de l’université de Montréal, 214-223
Hervé, L’Huillier.2007. « Les Chinois à la conquête des hydrocarbures de la planète.
Esquisse d’une approche intégrée », Revue internationale et stratégique, vol (1), N°65, p. 37-50.