Selon le World Port Ranking, Singapour possède le deuxième port au monde pour le trafic de conteneurs en 2016 après Shanghai[1] en termes de volumes transportés. « Les mutations économiques mondiales depuis 1945 ont considérablement changé le rôle géostratégique des océans ; ils sont devenus des enjeux stratégiques et économiques aussi important que ceux des continents voisins »[2]. Dans un monde globalisé, où près de 80% du commerce s’effectue par voie maritime, la gestion portuaire constitue un défi pour l’économie Singapourienne ; le détroit de Malacca est l’objet de tensions liées à la souveraineté et à la sécurité maritime.
Malacca, cœur de toutes les rivalités
Dans un contexte de mondialisation et de financiarisation de l’économie, la cité-État développe son statut de port mondial par une politique de modernisation des infrastructures portuaires et d’investissement dans les hautes technologies renouvelant les transports. Ainsi, « chaque année, ce sont environ 140.000 navires qui fréquentent le port, soit environ 400 millions de tonnes de marchandise manutentionnées passant par le détroit »[3]. Au regard de ces données, l’on comprend bien que le secteur portuaire est une artère vitale dans l’économie singapourienne. Cette importance induit une ligne politique et des priorités qui peuvent être source de conflit. Singapour, la Malaisie et l’Indonésie demeure les trois pays responsable de la gestion et de la sécurité maritime du détroit ; pour cela, un système de coopération est développé. La coopération trilatérale a abouti à la mise en place de conditions de navigation dans le détroit ; l’on parle par exemple de systèmes d’aides à la navigation 1977 ou d’un système de signalement obligatoire des navires en transit en 1998[4].
Toutefois, les rivalités géopolitiques constituent un défi au sein du triangle de croissance Indonésie-Malaisie-Singapour. De par sa nature de grand port international, Singapour promeut une liberté de circulation qui gêne le développement économique de ses voisins. Face à cela, les revendications malaisiennes et indonésiennes sur les zones économiques exclusives limitent l’accès aux ressources nécessaires de Singapour[5].
En sus, au-delà de cet aspect domestique, sur la scène internationale, la Cité-État entend mener une politique d’équilibre des forces afin de stabiliser la région et sa croissance économique.
Sécurité maritime
La sécurité du détroit est l’une des préoccupations en lien direct avec l’activité portuaire.
La prospérité de Singapour dépend en grande partie de la sureté des voies maritimes ainsi pour assurer la sécurisation du détroit, l’aide des puissances extérieures est une solution
La piraterie dans le détroit est loin d’être un fruit du hasard ; l’expansion asiatique a joué un rôle dans un retour fulgurant de cet acte criminel. « En 2000, sur 469 attaques ou tentatives d’attaque de navire répertoriées dans la monde, 242 ont eu lieu en Asie du Sud Est, dont 75 dans le détroit de Malacca et 5 dans le port de Singapour »[6].
L’essor économique Singapourien amène une situation sociale et urbaine explosive où la population touchée par la pauvreté se tourne vers la piraterie pour subvenir à ses besoins ; à savoir que la croissance économique et le développement économique ont provoqué un élargissement des inégalités.
Récemment, les États-Unis ont montré une volonté d’intervenir dans ce réseau ; Singapour, qui fait office de base navale américaine, applaudit cette approche et semble être prête à collaborer. Fervent partisan de la libre circulation, Singapour cherche ainsi à croître son économie par des alliances avec des partenaires stratégiques notamment extérieurs face à la lourdeur financière. Toutefois, la Malaisie et l’Indonésie ne souhaitent pas une implication importante des autres États et lancent donc en 2004, avec Singapour, une Patrouille Maritime du Détroit de Malacca (MSCP)[7].
Dès lors, Singapour a intérêt à maintenir un équilibre au sein-même des différents forums entre une Chine grandissante et les États-Unis ; pour cela, celle-ci va multiplier ses accords (ADM, ADMM-Plus, MILAN…)[8].
[1] World Shipping Council. 2016. Top 50 container ports. En ligne. http://www.worldshipping.org/about-the-industry/global-trade/top-50-world-container-ports (page consultée le 17 juin 2018).
[2] Fau, Nathalie. 2013. « Les enjeux économiques et géostratégiques du détroit de Malacca». Géoéconomie 4 (no 67) :123-140.
[3] Menindes, Arnaud. 2010. Le détroit de Malacca, enjeu asiatique et mondial majeur. Mémoire, École de Hautes Études Internationales (EHEI), Paris.
[4] Frécon, Éric. 2010. « Géopolitique de la piraterie au Sud-Est asiatique, Conflit de représentations ». Outre-Terre 2 (no 25-26) : 101-123.
[5] Menindes, Arnaud. 2010. Le détroit de Malacca, enjeu asiatique et mondial majeur. Mémoire, École de Hautes Études Internationales (EHEI), Paris.
[6] Idem 5.
[7] Fau, Nathalie. 2013. « Les enjeux économiques et géostratégiques du détroit de Malacca». Géoéconomie 4 (no 67) :123-140.
[8] Desplanque, Simon. 2013. Singapour: une petite puissance à la charnière des océans. Note d’analyse, Université Catholique de Louvain (UCL), Belgique.
Iconographie
Jordan, Frédéric. 2012. L’écho du champ de bataille. En ligne. http://lechoduchampdebataille.blogspot.com/2012/01/lutte-contre-la-piraterie-maritime.html (page consultée le 21 juin 2018).
La mer en Asie orientale. En ligne. https://www.lelivrescolaire.fr/index.html#!manuel/1188895/histoire-geographie-4e-2016/chapitre/1189184/mers-et-oceans-un-monde-maritimise/page/1189189/la-mer-en-asie-orientale/lecon (page consultée le 21 juin 2018)