L’état des droits humains au Vietnam

PJ Orsini

En dépit de sa volonté de développement et d’ouverture, le Vietnam n’est toujours pas un état démocratique. Dirigé par un parti unique, le Parti communiste du Vietnam (le PCV), les droits humains y restent précaires, préoccupants, et la lutte difficile. Dans ce combat, une partie de la diaspora vietnamienne lutte depuis l’extérieur pour l’avènement des droits humains dans leur pays. Ainsi, l’on peut se demander comment l’État parti vietnamien répond-il aux activistes selon qu’ils soient dans ou en dehors du pays.

Le contraste entre la propagande communiste du parti unique et la quintessence du capitalisme entre les mains de ce Vietnamien…

Faire progresser les droits humains : la difficulté d’agir sur place…

Classé 124e en 2017 par l’Institut Fraser quant à l’indice de liberté, le Vietnam n’est pas un exemple en la matière des droits humains (4).

Auparavant quasi-inconnue, la notion et la pratique des droits de la personne a commencé à changer incrémentalement dès la fin des années 1980, lorsque le pays a adopté sa politique de marché et a ouvert son économie au monde avec le doi moi (6). Une déclaration basée sur l’idéologie socialiste, en 1992, a amené les notions de droits humains dans le discours officiel (2). Pour autant, l’État parti vietnamien a considéré les droits humains d’un point de vue strictement économique, social et culturel, et ce au dépens des droits politiques et civils individuels (2).

Ne considérant pas ces droits, l’État parti abuse de sa force sur quiconque voudrait l’avènement de ces libertés au pays, et ce jusqu’à nos jours, matant toute opposition aux politiques et idéologies du Parti unique (6).

Amnesty International recense ainsi deux abus majeurs : la répression de la dissidence et la torture et autres mauvais traitements réservés aux opposants, ce qui bafoue complètement les libertés d’expression, d’association et de réunion (1). Ainsi, parmi les cibles du gouvernement se trouvent les militants prodémocratie, dont surtout ceux qui militent par l’intermédiaire du web, et les militants luttant pour l’environnement et les droits sociaux (1). Souvent arrêtés de manière arbitraire et chargés d’accusations vagues, leurs procès sont complètement en dehors des normes internationales de justice, surtout en raison du recours à la torture, pratiquée par des individus en collusion avec la police d’état (1). Harcelés et agressés au-delà du possible, certains dissidents sont même mystérieusement morts avant leur procès…

Dissidents politiques harcelés et réprimés par l’État-parti communiste vietnamien

La solution : les diasporas vietnamiennes ?

L’absorption du Sud-Vietnam et l’unification résultante du pays sous l’égide des communistes du Nord, en avril 1975, ont entraîné un exode massif. 75 % des quelque 4 millions de Vietnamiens établis aujourd’hui dans un peu plus d’une centaine de pays étrangers, sur une population actuelle d’environ 90 millions d’habitants, ont quitté leur pays après 1975 (5). La plupart d’entre eux se sont relocalisés aux États-Unis, en France, au Canada, en Australie, ou encore au Royaume-Uni. Ils sont communément désignés par le PCV sous l’étiquette de Viêt Kiêu (5).

Il n’y a pas de données officielles – ni au Vietnam ni dans les pays d’accueil – permettant de savoir si les émigrants vietnamiens quittent le pays, depuis 1975, pour des raisons politiques ou économiques. Néanmoins, il est estimé que bon nombre d’entre eux sont activement anticommunistes, et ne souhaitent que l’avènement des droits humains civils et individuels pour les vietnamiens. D’ailleurs, lors de manifestations de diasporas, le drapeau brandi est celui dans l’ancienne république du Sud-Vietnam (2).

Ainsi, on recense chaque pays abritant une conséquente diaspora vietnamienne abrite des associations de vietnamiens. L’immense majorité de ce militantisme associatif est anti-communiste, surtout depuis l’effondrement du bloc de l’Est (5). À ceux-ci se joignent des militants qui utilisent les arts comme moyen de pression. Parmi eux des écrivains, dont certains ayant vendu des milliers d’ouvrages, sont devenus de véritables référents pour la dissidence. Enfin, le développement récent d’Internet a été un catalyseur pour la cyberdissidence. De nombreux blogueurs de la diaspora profitent de cet outil désormais accessible à 40 millions de Vietnamiens pour inciter à la lutte (5).

En outre, Amnesty International est la principale organisation non gouvernementale impliquée dans la défense des droits humains au Vietnam et, plus généralement, pour toute l’Asie du Sud-Est défendant ardemment la libération des prisonniers politiques et religieux… (1)

Manifestation de Vietnamiens aux États-Unis, réclamant l’amnistie des prisonniers politiques et religieux. On note la présence exclusive du drapeau du Sud-Vietnam…

La réponse du gouvernement vietnamien : ouverture ou fermeture ?

Face à ces actions, surtout en raison de la menace que représente la cyberdissidence, le Parti communiste a renforcé la censure, créant même une cyber police au sein du ministère de la Sécurité publique (5). La principale conséquence de cette censure est le blocage systématique de tout site web publiant du contenu soit dissident, soit plaidant en faveur des droits de l’Homme. Cela ne va pas aider la cause des prodémocraties, d’autant plus que les fournisseurs d’accès à Internet appartiennent au Parti-État… (2)

Face à ces mobilisations des diasporas et des ONG, le gouvernement vietnamien accuse les Américains d’utiliser la diaspora et les droits humains comme couverture pour s’ingérer dans les affaires vietnamiennes et étendre leur hégémonie (3).

Enfin, les efforts pour institutionnaliser les droits humains de ont échoué. Et même si la constitution a été récemment amendée, en 2013, pour inclure des références aux droits humains, les perspectives d’un régime des droits de l’homme cohérent restent incertaines… (6)

 

Bibliographie

 

(1) Amnesty International. 2018. Rapport 2017-2018 sur les droits humains au Vietnam. En ligne : https://www.amnesty.org/fr/countries/asia-and-the-pacific/viet-nam/report-viet-nam/ (page consultée le 27 mai 2018).

 

(2) Bui, Thiem H. 2014. “Deconstructing the “Socialist” Rule of Law in Vietnam: The Changing Discourse on Human Rights in Vietnam’s Constitutional Reform Process”. Contemporary Southeast Asia: A Journal of International and Strategic Affairs 36 (1).

 

(3) Donohoe, Miriam. 2011. “Vietnam accuses US of interference”. Dans The Irish Time. Em ligne : https://www.irishtimes.com/news/vietnam-accuses-us-of-interference-1.299156 (page consultée le 27 mai 2018).

 

(4) Institut Fraser. 2017. “The Human Freedom Index 2017 : a Global Measurement of Personnal, Civil and Economic Freedom”. En ligne : https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/human-freedom-index-2017-web.pdf (page consultée le 28 mai 2018).

 

(5) Journoud, Pierre. 2015. « Les relations ambivalentes entre l’État-parti vietnamien et les Vietnamiens de l’étranger ». Hérodote 157 (2) : 97-111.

 

(6) Vu, Giao Cong et Tran, Kien. 2016. “Constitutional Debate and Development on Human Rights in Vietnam”. Asian Journal of Comparative Law 11 (2): 235-262.

 

 

 

 

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