Nirmine El Chami
La corruption est l’une des menaces fondamentales de la sécurité internationale et peut causer des perturbations au niveau économique, culturel, diplomatique, etc. Cinq décennies de régime militaire ont plongé le Myanmar dans la pauvreté et la corruption. Toutefois, la venue d’un gouvernement quasi-civil en 2011 apporte des réformes politiques et économiques radicales visant à attirer les investissements étrangers et à assainir l’économie (Chêne 2012, 1). Or, une ONG rapporte que la Birmanie serait toujours en tête des pays les plus corrompus dans le monde. Qu’est-ce qui explique cette omniprésence de la corruption dans les secteurs privés et publics de la Birmanie, malgré les efforts du gouvernement d’Aung San Suu Kyi de s’attaquer de plus en plus aux problèmes de cet enjeu international (Saw 2015,1) ?
Une démocratie incomplète ?
En 2012, le parti démocratique d’Aung San Suu Kyi remporte la majorité des votes et met terme au règne oppressif des militaires birmans. Mais est-ce vraiment la fin de leur emprise sur les rouages étatiques ? La Birmanie est malheureusement loin de s’être débarrassée des griffes des militaires qui continuent d’exercer leur influence dans la sphère politique et nuisent parallèlement à la consolidation des réformes contre la corruption (Chêne 2012, 1). Toutefois, une amélioration graduelle peut être notée depuis l’arrivée du parti démocratique au pouvoir, le taux de corruption ayant chuté, même s’il reste toujours important dans la région.
Les causes de la corruption : les traces du régime militaire.
La corruption avait permis au régime d’assouvir ses propres intérêts. Mais quelles sont les causes qui leur a permis d’établir une polarisation politique importante ouvrant la voie à différentes formes de corruption ? L’une des causes est les nombreuses restrictions commerciales établies par la junte qui ont amené les importateurs à corrompre les fonctionnaires. Dans la même démarche, le contrôle des prix a également incité des individus ou des groupes à soudoyer des fonctionnaires pour obtenir le bien avec des taux inférieurs au marché. Une autre cause de la corruption est l’hétérogénéité des taux de change en Birmanie, notamment le taux de certificat d’échange, le taux de dollars américains et le taux du marché noir. Ces écarts entre ces taux ont conduit à des tentatives de corruption pour s’approprier le taux de change le plus avantageux. Il y a également les bas salaires dans la fonction publique qui ont incité les fonctionnaires dans les ministères birmans à utiliser leurs postes pour collecter des pots de vin. Un autre problème de corruption exclusivement birman concerne les dotations en ressources naturelles (pétrole, or, etc.). En outre, le régime militaire birman s’est retrouvé être le seul gouvernement dans le monde à mettre son propre peuple face à des risques de pénuries de carburant aiguë et à exporter les ressources naturelles nationale pour favoriser ses intérêts privés. D’autres facteurs sociologiques sont en causes. En Birmanie, la plupart des postes de haut niveau dans la fonction publique étaient et sont toujours occupés par les familles des responsables militaires. On pourrait ainsi conclure que des privilèges et des traitements de faveurs sont récurrents dans la société birmane militaire. (Burma Digest)
Est-ce toujours le cas avec le gouvernement démocratique en place ? Oui, ces moteurs engrainant la corruption persistent toujours, malgré les réformes du gouvernement actuel visant à les enrayer. Ainsi, une loi anti-corruption voit le jour en 2013, jalonnée par une commission spéciale anti-corruption. Les fonctionnaires publics surpris en train de pratiquer une quelconque forme de corruption doivent donc être forcé de payer une amande et risquent de purger une peine allant jusqu’à quinze ans. La loi stipule également que les fonctionnaires accusés d’accepter des pots de vin doivent afficher leur source de revenus avec transparence. Une liste de « personnes autorisées » a également été établi par la commission où les personnes identifiées doivent déclarer tous leurs avoirs. Cependant, la loi ne touche pas toutes les causes de corruption en Birmanie et un cadre effectif pour éliminer la corruption manque toujours (Saw 2015, 5). Des progrès ont également été fait dans le secteur public, notamment par l’augmentation des salaires et une transparence du secteur des ressources naturelles. Par ailleurs, le Myanmar est devenu un pays candidat Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) en 2014. Cependant, plusieurs causes de la dominance des militaires sont encore en vigueur dans le régime actuel. (Saw 2015, 8)
Des réformes pour faire avancer les choses au Myanmar
Pour conclure, malgré des graduelles améliorations envisagées par le nouveau gouvernement, la Birmanie est toujours classée comme l’un des pays les plus corrompus de l’ASEAN. En outre, bien que des progrès dans la lutte contre la corruption ont été entérinés dans certaines régions, il reste encore beaucoup de place pour d’autres améliorations. Les recommandations pour renforcer la lutte contre la corruption au Myanmar comprennent notamment une surveillance plus stricte du pouvoir discrétionnaire des bureaucrates au pouvoir et la suppression des restrictions économiques telles que le contrôle des prix. Finalement, une réforme dans l’éducation peut aider à sensibiliser le peuple birman sur la corruption et l’affaiblir afin de faire avancer les choses dans le pays. (Saw 2015, 8)
Bibliographie
Burma digest. « Corruption in Burma: How the causes and consequences reflect the current situations » , https://burmadigest.wordpress.com/2006/04/23/corruption-in-burma-how-the-causes-and-consequences-reflect-the-current-situations/ ( En Ligne)
Chênes, Maria. 2012. « Overview of corruption in Myanmar» , transparency international (no 349) : 1-9.
Saw, Khaing Sape. 2015. « Tackling Myanmar’s Corruption Challenge » FOCUS ASIA (no. 13) : 1-9.