La Malaisie: ancienne colonie du Royaume-Uni

Par Angelina Halal

Les origines britanniques de l’UMNO en Malaisie

Lorsque le gouverneur Sir Harold MacMichael arrive en Malaisie en 1946, il convainc neuf sultans qui contrôlaient 9 États malais de renoncer à la souveraineté de la Malaisie au profit d’un statut de colonie. Les sultans acceptent de devenir une colonie britannique. En avril 1946, un décret du gouverneur approuvé par Londres, proclame l’Union Malaise. Cette proclamation soulève la colère des élites chinoises et indiennes qui dénoncent l’Union Malaise par son caractère autoritaire. Les élites malaises créent la United Malays National Organisation (UMNO), qui devint par la suite et pendant 60 ans le principal parti politique malais et celui qui a dirigé tous les gouvernements et partis politiques de la Malaisie depuis l’indépendance, soit depuis 1957 jusqu’à récemment (Éthier, 2017).

Le logo de l’UMNO.

Les élites malaises créent l’UMNO pour deux raisons. D’abord, parce qu’elles sont en désaccord que les pouvoirs des sultans aient été diminués par l’administration britannique. Ensuite, parce que les élites malaises ne sont pas d’accord avec la volonté des Britanniques d’accorder des droits égaux aux Malais, aux Indiens et aux Chinois. Selon elles, les Malais sont majoritaires et doivent avoir plus de droits que les minorités indiennes et chinoises. En effet, avant la guerre, la Malaisie faisait partie d’une colonie britannique et les Britanniques avaient réservé tous les postes de fonctionnaires aux Malais qui avaient donc un privilège par rapport aux Indiens et aux Chinois. En 1946, les Malais avaient peur de perdre ce privilège avec l’égalité de droit entre Malais, Indiens et Chinois que voulaient instaurer les Britanniques (Carter, 2008).

 

Les tensions ethniques et politiques en Malaisie et les Britanniques

Face à ces hostilités, en 1947, le Royaume-Uni décida d’instaurer la fédération de la Malaisie qui maintenait en place une structure coloniale, mais laissait aux sultans leurs pouvoirs d’avant la guerre. En bref, le Royaume-Uni a accordé à l’UMNO ce qu’elle voulait: la loi d’égalité des droits fut oubliée et les Britanniques se sont ralliés aux revendications des Malais en créant la fédération de la Malaisie en 1947. D’un autre côté, le Parti Communiste Malais (PCM) était largement constitué de Chinois qui réclamaient l’indépendance et voulaient instaurer un régime communiste en Malaisie: ils vont déclencher une rébellion armée contre les colonisateurs britanniques. Cependant, les Britanniques vont remporter contre les rebelles communistes par la répression militaire (Éthier, 2017).

 

La constitution malaise, imposée par le Royaume-Uni dans le cadre d’une pseudonégociation

Ainsi, en 1948 et progressivement les Britanniques vont élargir les libertés démocratiques au sein de la fédération et vont introduire les élections au niveau local et municipal en 1952. En 1954, ils introduisent les élections des parlements dans chaque État de la Malaisie, et finalement, en 1955, les Britanniques acceptent que les députés du parlement national soient élus au suffrage universel. Entre temps, de 1948 à 1955, les Chinois et les Indiens vont créer chacun un parti politique pour défendre leurs intérêts. Les Indiens et les Chinois acceptent la domination des Malais, parce qu’ils sont majoritaires et parce qu’ils leur donnent une partie du pouvoir au sein du gouvernement. Voyant cela, les Britanniques acceptent d’envisager l’idée de l’indépendance pour la Malaisie, mais a des conditions: la Grande-Bretagne doit diriger le processus d’indépendance et l’adoption d’une nouvelle constitution en Malaisie. La constitution de la Malaisie est rédigée par Lord Reid of the United Kingdom, va être adoptée formellement en 1957 puis imposée par les Britanniques, dans le cadre d’une pseudonégociation (Éthier, 2017).

 

Le premier changement de parti politique en Malaisie après plus de 60 ans

Mahatir Mohamad, 92 ans, a remporté les législatives en Malaisie, à la tête de la coalition d’opposition.

Dans plusieurs pays, les conflits interethniques empêchent l’instauration d’une démocratie minimale. En Malaisie, les Indiens et les Chinois auraient voulu avoir des droits égaux, mais les Malais refusaient et ils étaient majoritaires. Par exemple, en 1969 éclate dans plusieurs villes du pays des émeutes qui sont dirigées essentiellement par les Malais qui disent ne pas avoir assez de droits économiques par rapport aux Chinois et aux Indiens (Éthier, 2017). 

Nous pouvons dire que les Britanniques ont joué un rôle important dans la création d’un système de partis ethnique avant l’indépendance. En effet, les Britanniques ont contribué à la ségrégation économique des 3 principales ethniques, mais également, à la promotion d’un État unitaire l’UMNO qui laissait de côté les minorités, et à l’embauche de malais dans l’administration chinoise. Suite à une crise politique entre 1959 et 1971, des nouveaux partis politiques vont se créer par des Malais, par des Indiens… Ces derniers vont être rattachés à l’alliance au pouvoir UMNO qui va devenir le Barisan National (BN). Dès lors, nous pouvons parler d’une démocratisation de la vie politique malaise (Éthier, 2017).

Le 9 mai 2018, l’homme d’État Mahathir Mohamad, qui avait déjà dirigé le pays en 2003, a mené à la victoire la coalition de l’opposition contre le BN. Pour Elsa Lafaye de Micheaux, spécialiste de la Malaisie et maître de conférences, c’est « une grande page qui va s’ouvrir, une page nouvelle de l’histoire de la Malaisie ». De plus, pour Ahmad Fauzi Abdul Hamid, professeur de sciences politiques « (…) on sent que les gens sont heureux et ravis que le peuple ait enfin gagné ». En effet, le programme politique de la coalition de l’opposition de lutte contre la corruption, transparence et partage équitable des richesses du pays donne espoir. Cet agenda a aussi « proposé un bien meilleur programme concernant les minorités, les races et les religions ». Au-delà de cela, cette transition politique illustre également l’éloignement de la Malaisie des puissances coloniales et des élites malaises (RFI, 2018).

 

Bibliographie

Carter, Alexandra. 2008. « Le Long Retour du colonisateur : les Britanniques et le choc de la Seconde Guerre mondiale en Malaisie (1941-1948) ». Revue Relations Internationales 2 (no 134): 19-35. En ligne. https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-2-page-19.htm

Éthier, Diane. 2017. « Régimes politiques de l’Asie du Sud-Est ». POL 2860 (Université de Montréal).

Philip, Bruno. 2018. « Malaisie : victoire historique de l’opposition ». Le Monde (Paris), 9 mai. En ligne. https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/05/09/malaisie-victoire-historique-de-l-opposition-aux-elections-legislatives_5296868_3216.html

RFI. 2018. « Elections législatives en Malaisie: victoire historique de l’opposition ». Radio France internationale (Issy-les-Moulineaux), 11 mai. En ligne. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20180510-legislatives-malaisie-victoire-opposition-mahathir-mohamad

 

 

 

 

 

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