Le trafic humain en Thaïlande : un réseau lucratif

Par Priscilla Phan

 

Des enfants victimes de la traite des personnes

Le 18 mai 2018, les autorités thaïlandaises ont démantelé ce qu’elles croient être une majeure opération transnationale de trafic humain responsables du trafic de plus d’une centaine de femmes du Uganda vers la Thaïlande et d’autres parties de l’Asie[1]. Cet événement n’est pas un cas isolé en Thaïlande, un pays gravement affecté par le traite des personnes régional et international où résident autant de trafiquants que de victimes. Par ailleurs, en été 2017, des dizaines de personnes dont un haut gradé de l’armée, des policiers et des politiciens thaïlandais ont été condamnés à des longues années de prisons suite à un démantèlement d’un grand réseau de traite de personnes qui a exploité des milliers de personnes. Les membres du réseau sont soupçonnés d’avoir perçu des millions de dollars sur plusieurs années et ils devront rembourser 163 000 euros aux victimes rohingyas[2]. Ce billet tentera d’étudier et de résumer les causes directes et annexes du trafic humain en Thaïlande.

 

La situation du trafic humain en Thaïlande

Afin de démontrer l’ampleur de la traite des personnes en Thaïlande, voici quelques données. En 2015, approximativement 4 millions de migrants résident en Thaïlande ce qui constitue 5,76% de la population totale du pays. Environ 90% de la population migrante totale qui habite en Thaïlande provient des pays voisins soit le Cambodge, le Laos et le Myanmar[3]. Beaucoup de ces migrants rentrent de façon irrégulière et restent dans une situation irrégulière ce qui les rend vulnérables aux violences et à l’exploitation pendant le voyage. Ces vulnérabilités sont amplifiées pour les enfants qui sont victimes de la traite des personnes[4]. Non seulement la Thaïlande est un pays de destination et de transit pour du trafic humain régional, mais c’est également un pays d’origine pour des nombreuses victimes qui sont trafiquées en Europe de l’Est et Europe du Sud[5].

 

Illustration des flux migratoires dans la région

Les causes de la traite des personnes en Thaïlande

Une des plus grandes causes du trafic humain en Thaïlande provenant des pays voisins comme le Cambodge, le Laos et le Myanmar est le manque d’opportunités dans ces pays[6]. En effet, ces trois pays ont une longue histoire de migration vers la Thaïlande. À plusieurs endroits, il est très facile de traverser la frontière qui est marquée par la rivière du Mekong soit par bateau, par transport mobile ou même à pied. Plusieurs nationaux de ces pays migrent illégalement ou sont victimes de traite de personnes en Thaïlande dans l’espoir de trouver une meilleure vie. Afin de passer la frontière, ils doivent habituellement payer une somme d’argent aux trafiquants. C’est à cause du boom économique de la Thaïlande des récentes dernières années qui fait en sorte que c’est devenu un pays populaire comme destination pour les personnes trafiquées même si le Vietnam et le Cambodge sont tous les deux considérés comme des pays développés[7]. Ainsi, la cause principale de migration irrégulière en Thaïlande est dû à du trafic pour travail forcé, mais on retrouve également en Thaïlande la traite des personnes pour exploitation sexuelle et pour le trafic des enfants[8].

 

L’avenir des enfants, victimes d’exploitation

Les enfants sont souvent manipulés par les trafiquants en gagnant leur confiance et leur loyauté. Le trafic d’enfants peut se produire avec ou sans le consentement ou la connaissance des parents ou dans certains cas, les trafiquants trompent les parents en leur faisant promettre que leurs enfants auront une belle vie, mais dans les faits, ceux-ci sont exploités pour le travail et pour le sexe[9]. C’est à cause de la pauvreté extrême de ces pays et le niveau d’éducation peu élevé de la population que les parents sont convaincus aussi facilement par les trafiquants que leurs enfants auront un meilleur avenir en Thaïlande que s’ils restaient dans leurs pays d’origine. Sans autre choix que de croire à cet espoir et en pensant au meilleur pour leurs enfants, les parents vivent dans une désillusion que leur progéniture serait mieux ailleurs que de mourir de faim dans leur village natal.

 

Le quotidien des enfants exploités au travail

 

En somme, ce billet se veut seulement être une courte introduction à la situation très complexe autour de la traite des personnes en Thaïlande.  Il faut également réaliser qu’il est extrêmement difficile de savoir les chiffres exacts concernant le nombre de trafiquants et de victimes à cause des difficultés de recensements, de l’illégalité des actions et le faible taux de dénonciation de la part des victimes. Les racines de cette menace peuvent se rapporter à l’ASEAN et à son influence sur les relations internes et externes dans la région, mais également cela peut être dû à l’histoire des relations bilatérales de la Thaïlande avec ses pays voisins ainsi qu’à ses propres politiques internes qui sont problématiques. Dans un autre billet dédié spécifiquement aux solutions amenés à combattre la traite des personnes et des défis que cela amène, je vais discuter plus en profondeur de la situation particulière de l’ASEAN et de ses difficultés ainsi que ce que la communauté régionale et internationale a fait comme action depuis les dernières années[10].

 

Bibliographie

[1] « Thailand’s Anti Human Trafficking Task Force (TATIP) Takes Down Ugandan Prostitution Ring », Chiang Rai Times, Thaïlande, 18 mai 2018, en ligne : <https://www.chiangraitimes.com/thailands-anti-human-trafficking-task-force-tatip-takes-down-ugandan-prostitution-ring.html>.

[2] Sally Mairs et Thanaporn Promyamyai, « Thaïlande : des policiers et des politiciens condamnés pour traite des humains », Agence France-Presse, Bangkok, pour la Presse canadienne, 19 juillet 2017, en ligne : <http://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201707/19/01-5117497-thailande-des-policiers-et-des-politiciens-condamnes-pour-traite-detre-humains.php>.

[3] UNODC, « Trafficking in persons from Cambodia, Lao PR and Myanmar to Thailand », Bangkok, Thailand, Août 2017.

[4] Ibid.

[5] UNODC, Global Report on Trafficking in Persons 2016 (United Nations publication, Sales No. E.16.IV.6)

[6] Naparat Kranrattanasuit, ASEAN and Human Trafficking: Case Studies of Cambodia, Thailand, and Vietnam, Human Rights and Humanitarian Law E-Books Online, Collection 2014, vol 109, 2014.

[7] Ibid.

[8] Supra note 2.

[9] Ibid.

[10] Supra note 6; M. Ford, L. Lyons, W. van Schendel, Labour Migration and Human Trafficking in Southeast Asia, London, Routledge, 2012.

 

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