L’Indonésie et LA REDD+ : vers une plus grande efficacité ?

À travers le monde, il est de plus en connu que les forêts indonésiennes sont massacrées au profit, entre autres, de la production d’huile de palme, une réalité qui est de plus en plus décriée par la communauté internationale et environnementale. Durant la COP 2011 (Conference of Parties 2011) tenue à Montréal a été avancé le concept de REDD+ (Reducing emissions from deforestation and forest degradation), un programme basé sur la compensation financière offerte aux pays prenant l’initiative de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en n’exploitant pas les ressources forestières s’y trouvant. Les pays sont récompensés à travers des crédits de carbone (Brockhaus 2012, 31). L’Indonésie participe à ce programme. En ce sens, cet article répondra à la question suivante : comment expliquer l’inefficacité de la REDD+ selon le cas indonésien? Le texte analysera la politique locale, les limites du programme et proposera des solutions.

Forêt sur l’île de Bornéo, The Economist, 16 novembre 2016

Le programme REDD+

D’abord, soulignons que le programme REDD+ de l’ONU vise le paiement de services écosystémiques à l’aide d’une large structure incluant plusieurs acteurs comme les agences gouvernementales allouant les terres, les firmes, les gouvernements, les organisations internationales, la société civile et les propriétaires de territoires forestiers (Brockhaus 2012, 169). Une telle diversité d’acteurs agit comme une limite à son efficacité, puisqu’elle complexifie la mise en œuvre du programme et entraîne de nombreux conflits d’intérêt.

Programme efficace?

Par la suite, l’auteur Luttrell (2014, 70) mentionne le fait que la corruption et l’élitisme sont toujours d’actualité en Indonésie, particulièrement dans le secteur des ressources naturelles. Par exemple, on crée des institutions ad hoc, par des membres du gouvernement par exemple, afin d’offrir des emplois à ses alliés plutôt que de réformer des institutions peu efficaces. L’auteur donne la REDD+ Task Force, mise sur pied pour agir directement sous la supervision présidentielle, à titre d’exemple. Il faut comprendre que l’existence de ce phénomène de patronage empêche une application optimale du programme REDD+. Un autre défi du même genre est lié au système d’allocation des terres indonésien considéré comme manquant de transparence, d’équité et d’efficacité depuis l’époque coloniale. (Brockhaus 2012, 33) Ces faiblesses sont reflétées dans le processus d’allocation des terres de la REDD+. Bref, le système élitiste demeure puissant en Indonésie.

Les limites du programme

Puisque l’implantation d’un tel programme est complexe, une féroce volonté politique est nécessaire afin que les compensations, le financement et la répartition des terres soient réalisés efficacement et que l’argent aille au bon endroit. Pourtant, Brockhaus (2012, 168) dénonce le fait que les acteurs participant à l’initiative onusienne n’aient pas confiance les uns envers les autres. Cela se reflète à travers le manque de communication entre eux, mais également entre les niveaux de gouvernance. De plus, en raison de ce manque de confiance, ce sont les grands joueurs tels que les compagnies forestières et le gouvernement qui imposent leur volonté aux autres et qui manipulent les structures politiques (Brockhaus 2012, 168). Le problème est clairement expliqué par Brockhaus:

Conflicts of interest between agencies governing different sectors or operating at different governmental levels, policy stakeholders, and status quo interests, coupled with a lack of coordinated information between levels, provide an opportunity for powerful actors to control information and resource flows, directing institutional development according to their interests (2012, 169).

L’auteur ajoute que les problèmes de coordination et de confusion ressortent plus particulièrement au niveau local. En 2013, 40 projets locaux liés au programme REDD+ se mettaient en place (Brockhaus 2012, 169), un nombre important.

Vers une mise en application optimale?

Quelques pistes de réflexion pertinentes pour améliorer l’efficacité du programme REDD+ sont offertes par les auteurs consultés. D’abord, face au manque de confiance entre les différents niveaux de gouvernance et acteurs, de considérables réformes institutionnelles doivent être apportées, le but étant de faire en sorte que se dissolvent les réseaux de patronage (Brockhaus 2012, 169). Ensuite, bien que le travail de nombreuses ONG soit reconnu quant à la protection de l’environnement et des droits des peuples indigènes, on suggère de radicaliser leurs efforts de sorte que l’enjeu de la déforestation fasse partie du débat public, ce qui n’est toujours pas le cas selon Luttrell (2014, 72). Dans le même ordre d’idées, une plus grande politisation de la population peut être un outil de taille si cette population choisit de mettre de la pression sur les gouvernements. Il s’agit de «make politics more accountable to the public» (2014, 73), donc d’inclure la population dans les choix économiques du pays, en ce qui a trait à sa dépendance aux ressources naturelles notamment. Dans le cas indonésien, il s’agit d’une option intéressante, puisqu’elle a déjà fonctionné dans le passé: la pression publique a été la principale cause de réformes anticorruption, dont la création d’une commission anticorruption est née (Luttrell 2014, 72).

En somme, un programme aussi complexe que le REDD+ nécessite des structures politiques adéquates pour fonctionner de façon optimale. En réponse aux défis présentés ci-haut, il apparait évident que le programme sert les intérêts de certains propriétaires, politiciens et bureaucrates. Néanmoins, la Norvège et l’Indonésie ont signé un accord faisant en sort que le premier offrira 1 milliard de dollars au deuxième afin de protéger les écosystèmes indonésiens (Gallemore 2015, 168). Il s’agit d’un moyen persuasif d’une simplicité impressionnante. De telles ententes bilatérales «nord-sud» mèneront-elles au succès de REDD+ ou compliqueront-elles davantage le processus?

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Bibliographie

Brockhaus, Maria, et al. 2012. «An Overview of Forest and Land Allocation Policies in Indonesia: Is the Current Framework Sufficient to Meet the Needs of REDD+?», Forest Policy and Economics 18. 30-37.

Gallemore, Caleb et al. 2015. «Transaction Costs, Power, and Multi-Level Forest Governance in Indonesia», Ecological Economics 114. 168-179.

Luttrell, Cecilia et al. 2014. «The Political Context of REDD+ in Indonesia: Constituencies for Change», Environmental Science & Policy 35. 67-75.

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