Par Hugo Ballesteros
La Thaïlande est souvent considérée comme l’un des pays les plus attractifs parmi les membres de l’ASEAN. Que ce soit pour son immense marché domestique, sa main d’œuvre « low-cost », ou encore son climat des affaires très accommodant : le pays a été une terre d’accueil privilégiée, notamment par les grands entrepreneurs chinois qui dominent le marché aux cotés d’autres Firmes Multinationales occidentales. Cependant, ces implantations ont eu des effets douloureux pour la survie de l’industrie locale. Comment expliquer que la Thaïlande soit l’un des pays qui séduit le plus les investisseurs étrangers? Nous analyserons d’abord les raisons qui poussent les FMN à s’implanter en Thaïlande, puis nous expliquerons comment les capitaux chinois ont trouvé leur place sur le marché thaïlandais, avant de montrer les limites de notre explication.
Un pays parmi les plus attrayants
L’attractivité de la Thaïlande vis-à-vis des FMN repose en premier lieu sur la taille de son marché domestique dont la population totale avoisine les 70 millions ainsi pour sa main-d’œuvre « bon marché » qui permet aux firmes de baisser considérablement leur coût de production (Caouette,2017). De plus, il existe de nombreux fournisseurs pouvant assurer l’approvisionnement aux compagnies étrangères désirant s’y implanter (Andrews, 2003). Le pays présente d’innombrables atouts.
Par ailleurs, le gouvernement s’efforce de légiférer des mesures complaisantes à l’égard des FMN, et plus généralement du monde des affaires, pour faciliter l’implantation de ces compagnies (Caouette,2017). Le pays a la réputation d’être très ouvert aux investissements étrangers, notamment depuis la crise de 1997. Par exemple, le « Thailand Board of investment » a mis en place un allègement fiscal très compétitif dans les années 2000 (Andrews, 2003).
D’autre part, la Thaïlande a misé sur des industries clés en vue de rester compétitive sur le marché international. En l’occurrence, c’est le plus gros marché automobile en Asie. Des FMN telles que Honda, Toyota, Ford, GM, Renault, Mazda, Alfa Romeo, PSA ont annoncé leur volonté de faire de Bangkok leur centre d’activité stratégique n°1 en Asie (Andrews, 2003).
Il existe également une volonté stratégique d’utiliser le potentiel de « plate-forme de correspondance import-export » du pays. Il est effectivement possible d’utiliser le pays comme base pour ensuite s’étendre aux alentours dans la région (Andrews, 2003).
D’autant plus que les infrastructures sociales sont d’une bonne qualité. Les écoles et les hôpitaux ont été rénovés et améliorés par l’État thaïlandais. C’est un signe de développement encourageant pour le pays. (Caouette,2017).
L’intégration réussie des FMN chinoises qui dominent le marché Thaïlandais
En Thaïlande, les activités commerciales et industrielles sont dominées par une trentaine de conglomérats multinationaux dont la direction est d’origine sino-thaïlandaise (Mackie, 1992).
Historiquement, les implantations des compagnies chinoises en Thaïlande n’ont pas toujours été les bienvenues : initialement issus de la diaspora chinoise, les immigrants sino-thaïlandais sont arrivés à la fin du XIXe siècle. Cependant la période de grande dépression suivie de la Deuxième Guerre mondiale a donné naissance à des mouvements nationalistes. Puis lorsque le parti communiste thaïlandais est arrivé au pouvoir en 1965, le sentiment antichinois a de nouveau jailli de la société civile qui s’est mis à revendiquer au premier plan les droits des entreprises nationales (Mackie, 1992).
Toutefois, les conglomérats chinois dominent aujourd’hui largement le marché notamment dans le secteur de la finance et de l’immobilier, en ayant délaissé les activités manufacturières jugées peu rentables (Mackie, 1992).
En somme, l’assimilation des immigrants issus de la diaspora chinoise au monde des affaires thaïlandais n’a pas d’équivalent en Asie du Sud-Est tant leur intégration a été un exemple de réussite (Caouette,2017).
La Thaïlande, le pays le plus corrompu en Asie du Sud-Est
Toutefois, le potentiel d’attractivité du pays est biaisé par quelques inconvénients. Premièrement, la prédominance linguistique du thaï sur l’anglais freine certaines FMN d’investir dans le pays, sous peine de devoir investir dans des coûts de traduction supplémentaires. Néanmoins, il semble que de plus en plus de Thaïs parlent anglais et que ce dynamisme ne risque pas de s’arrêter (Caouette,2017).
En outre, le pays ne garantit pas suffisamment d’inspection et les standards internationaux ne sont pas tout le temps respectés. Cela pose un réel problème d’éthique : si les normes sécuritaires, environnementales ou sanitaires sont bafouées, l’entreprise met en péril sa réputation sur le marché (Andrews, 2003).
Finalement, le principal problème en Thaïlande est la corruption qui persiste dans les rouages administratifs, gouvernementaux et lors des processus électoraux du pays (Caouette, 2017). Cette corruption omniprésente rajoute des complications à la fluidité du commerce. Les investisseurs prennent en compte des coûts supplémentaires avant de s’introduire sur le marché. Le manque de transparence est un facteur qui montre les limites de l’attractivité de ce marché (Andrews, 2003).
Bibliographie
Andrews, Tim G. Nartalin Chompusri, and Bryan J. Baldwin. « Chapter 2 : Rise of Multinationals » The Changing Face of Multinationals in Southeast Asia. London : Routledge, 2003 : pp.28-52
Mackie, Jamie, « Changing Patterns of Chinese Big Business in Southeast Asia », Southeast Asian Capitalists. (sous la dir.) Ruth McVey. Ithaca : Southeast Asia Program Publications, Cornell University, 1992 : pp.161-190
Courrier International (2012) En Thaïlande le commerce traditionnel est laminé http://www.courrierinternational.com/article/2012/10/11/en-thailande-le-commerce-traditionnel-est-lamine
Caouette, Dominique. 8 Juin 2017. “Diasporas Chinoises et Firmes Multinationales
en Asie du Sud-Est” Cours 11, Asie du Sud-Est. Montréal : Université de Montréal