Par Jacqueline Poncet
Encah a 55 ans. Elle vit dans une région rurale d’Indonésie avec son mari. Ensemble, ils cultivent le riz sur les terres qui bordent leur maison. Cette culture est leur source de revenus. Entin a trois enfants à charge. Elle habite un petit village où elle tient une échoppe de produits en tout genre. Son mari travaille dans les champs avoisinants. Mammah a 50 ans. Elle vit aussi dans un petit village où son mari travaille dans les champs. Elle a aménagé une petite boutique devant sa maison. Ces trois femmes vivent dans des conditions similaires, qui se caractérisent notamment par le fait qu’elles appartiennent à ces 70% de femmes dans le monde qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation fait qu’elles sont exclues du système bancaire traditionnel. Leurs profils sont trop risqués pour qu’une banque accepte de leur faire un prêt selon les modalités communes. Aussi, ces trois femmes ont recours à des organismes de micro-finance pour développer leur projets.
Un retour sur l’histoire de la microfinance
Elle se développe au Bangladesh à la fin des années 1970 grâce à l’économiste et prix Nobel Muhammad Yunus. Ses recherches l’ont poussé au constat que les produits financiers n’étaient pas adaptés à la réalité du plus grand nombre au Bangladesh. Aussi, il met en place le projet de la Grameen Bank. L’idée consiste à offrir aux personnes démunies l’opportunité de quitter leur marginalisation financière en accédant à un système de financement et de micro-entreprenariat. Les microcrédits sont des sommes d’argents faibles accordées aux entrepreneurs pauvres afin qu’ils puissent lancer leurs projets. Les taux d’intérêts sont peu élevés. La microfinance s’est rapidement imposée comme un outil efficace de développement économique et de lutte contre la pauvreté.
La microfinance en Indonésie
Sur le modèle de la Grameen Bank, l’Indonésie développe son organisme de microcrédit dans la décennie qui suit. La Bank Rakyat Indonesia (BRI) existe depuis l’ère coloniale, mais sous le régime de Suharto elle connaît d’importantes réformes. En 1985, elle est restructurée et adaptée pour se spécialiser dans la micro-finance. Soutenue financièrement par le gouvernement ainsi que par les organismes internationaux, comme la banque mondiale et le Fond monétaire international (FMI), la BRI peut rapidement réaliser ses projets. Le fait de développer le domaine de la micro-finance est une méthode stratégique de la part des organismes bancaires et du gouvernement. Ils sont conscients que la population vit majoritairement dans des espaces ruraux et que le revenu moyen est faible, voire proche du seuil de pauvreté. En 2014, plus de 11% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Pour offrir à la population la possibilité d’améliorer ses conditions de vie, ainsi que de stimuler l’économie, l’injection de crédit adaptée aux capacités financières est moyen efficace de stimuler la dynamique économique des régions les plus pauvres. Lorsque la crise économique de 1997 se fait ressentir, les institutions de micro-finances ne sont pas les plus fortement affectées. Les emprunteurs sont moins nombreux, cependant le taux de remboursement des emprunts restent bon. Depuis les années 2000, avec la transition démocratique qui s’opère, la BRI a connu quelques nouvelles modifications, notamment une privatisation partielle qui permet l’accès à plus de sources de revenu. La privatisation partielle de la BRI a un effet positif, et le volume de crédit accordé a augmenté au cours des quinze dernières années.
Les femmes et la micro-finance en Indonésie
Encah, Entin et Mammah se sont données les moyens de devenir des micro-entrepreneuses. Dans de nombreux cas, les femmes en Indonésie perpétuent le modèle de la femme, épouse et mère qui peut avoir une activité rémunérée, mais où l’homme demeure la figure du chef de maison. L’Indonésie reste un état patriarcal où beaucoup de femmes se sont effacées derrières la figure de leur père ou de leur mari. Leur position dans le monde du travail en est affectée; elles sont souvent considérées comme des « travailleuses non qualifiées ». Mais ces dernières sont inspirées les unes par les autres, et quelques femmes se sont imposées dans les hautes sphères de l’État, comme Sri Mulyani Indrawati, qui était ministre des finances en 2010. En 2008, le bureau des statistiques indonésien annoncent qu’il existe entre 46 et 49 millions de micro-entrepreneurs en Indonésie, et que près de 70% de ces derniers sont en fait des femmes. L’institution de micro-finance Komida, qui s’est développée en Indonésie, s’est d’ailleurs spécialisée pour les femmes. Le choix de se tourner vers une clientèle féminine se justifie non seulement par un taux de remboursement plus élevé, mais également par les conséquences sociales qui en découlent. Le rapport entre la rémunération des femmes et le taux de scolarisation sont directement liés.
Conclusion
La micro-finance est un outil économique encore émergent. Les Institutions de micro-finance (IMF) nationales et internationales comme la BRI ou Komida sont de plus en plus nombreuses. L’Indonésie est un pays particulièrement tourné vers le microcrédit. Il faut également considérer que l’Inde et la Chine, où la population dépasse le milliard d’habitants et où le niveaux de pauvreté est très élevé,sont des pays où le modèle de la micro-finance se développe et peut changer la situation de millions de personnes. Au delà des enjeux économiques, la micro-finance peut également devenir un outil de lutte pour les femmes. L’accès au crédit peut permettre à ces dernières de trouver une plus grande autonomie et s’affirmer au sein de leur société.
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