Par Claudia Altamirano
Depuis les années 1960, le Vietnam, comme la plupart des pays d’Asie du Sud-Est, s’est intéressé à la protection environnementale. Au commencement, les facteurs qui ont favorisé cette démarche ont émergé autour de la modernisation. En effet, cette modernisation visait plusieurs enjeux, surtout celui de l’accroissement économique. Le tourisme, étant un facteur important dans le développement économique, est proposé ici comme un de ces facteurs qui ont majoritairement conduit à cette « modernisation ». Mise à part le tourisme balnéaire et culturel, il y a une forte demande qui s’étend sur les richesses des écosystèmes qu’offre la région, ainsi que certains sites d’une grande valeur environnementale, historique et culturelle. Ce qui est intéressant dans cette perspective, c’est que les tenants de la protection environnementale se limitent seulement à la question du territoire, sans prendre nécessairement en compte l’idée que les populations locales, qui sont en général des minorités ethniques, font aussi partie de ces écosystèmes. Territoire et cultures forment un tout. Les autochtones cohabitent avec la nature. Les séparer voudrait dire changer complétement leur mode de vie. En fait, si protéger les aires forestières et limiter l’accès à ces territoires se traduisent par le changement radical des vies des populations qui y habitent, ne serait-ce pas une certaine forme d’exclusion ? Le texte qui suit portera sur l’analyse des effets du développement touristique sur les populations locales.
Le Vietnam est riche en histoire, et c’est son nationalisme qui se démarque tout particulièrement dans les études sur la décolonisation. L’Indochine du 19ème siècle était sous le contrôle de l’empire français qui s’intéressait à ses ressources naturelles, comme la grande majorité des colons à l’époque. Ces derniers ont grandement aidé à délimiter l’espace que nous connaissons aujourd’hui. Certains coins du pays ont été favorables à l’installation des colons européens. Les territoires qui n’ont pas eu de contact avec les étrangers ont été préservés jusqu’à aujourd’hui par le simple fait que l’être humain n’y a pas menés de guerres (comme c’est le cas de Hội An, au Vietnam), n’a pas construit des ports commerciaux, des industries, autrement dit, parce qu’ils n’ont pas subi la « modernité ». Cependant, cette conservation du territoire fait l’attrait de beaucoup de curieux, tant nationaux qu’internationaux, prêts à se rendre sur les lieux vierges et à jouir de ce qu’ils offrent. Le défi pour les autorités se résume en deux points. Le premier vise à mettre en place des services pour pouvoir faire face à un tourisme en expansion. Le deuxième est celui de la délocalisation de la population habitant sur les lieux.
Si le gouvernement vietnamien cherche à favoriser le développement économique du pays, le tourisme apparaît comme étant fortement prometteur. Pour ce faire, l’État doit mettre en place des politiques visant le développement de ce dernier. Le Plan Décennal du développement du tourisme de 2001-2010 mise sur la rapidité du développement économique favorisé par le développement des infrastructures, les investissements des particuliers et le « boum » immobilier. En effet, si le gouvernement cherche à protéger une partie de son territoire, rien n’empêche d’exploiter ses alentours au profit de l’épanouissement du tourisme. Bien que le développement touristique puisse avoir un certain impact positif sur l’économie des locaux, ceci ne veut pas dire qu’il l’est pour tous. De ce fait, la population locale se voit dans l’obligation de changer leur mode de vie de façon radicale. Elle peut participer à l’activité économique, ou comme dans plusieurs cas, elle devra se relocaliser pour préserver ce même mode de vie. Le problème s’accroît lorsque la population du pays augmente, comme le démontrent les dernières années à l’échelle mondiale, avec environ plus de 90 millions d’habitants en 2014. Ceci se traduit par une diminution du territoire disponible pour les minorités ethniques.
Le changement économique a bien sûr offert les résultats promis. Il a créé des emplois, a attiré la main-d’œuvre et a augmenté le revenu moyen annuel de ces habitants. La vie de la population s’est améliorée sur certains aspects, mais toujours d’un point de vue occidental. Toutefois, les revers du développement et les impacts négatifs du tourisme sur la population et le milieu environnemental ne sont pas écartés, et subsistent toujours. En revanche, il est important d’analyser d’un point de vue non ethnocentrique que cela n’a pas été la volonté des populations, et qu’au contraire il a été imposé. En effet, il y a des politiques suggérées par l’UNESCO et d’autres organismes indépendants qui offrent un appui à ces minorités, mais dans les faits, les grandes décisions se prennent par l’État, qui peut être influencé par ceux qui détiennent le pouvoir économique.
La structure dont l’autorité vietnamienne est dirigée est maximaliste, ce qui se traduit par la centralisation du pouvoir dont seul l’État prend les décisions et se dit seul propriétaire des sols. Depuis l’unification du Vietnam, en 1976, le régime autoritaire se revendique officiellement comme socialiste. Comme c’est le cas dans la majorité des États, les minorités autochtones se voient dans l’obligation de céder à l’autorité centrale, sans la prise en compte de l’opinion des locaux. Le manque de reconnaissance des droits ancestraux fait défaut. En effet, le fait de s’approvisionner en ressource dans la forêt par la chasse, le piégeage, ou la collecte de produits non forestiers afin de subvenir à leurs besoins ferait partie de ces droits. En plus de la perte de terres cultivables, plusieurs habitants ont perdu l’accès à leurs terres, englobées dans les zones cernées par l’État. Par exemple, dans la province de Đắk Lắk, plus au nord, Steve Déry et Martin Tremblay (2008) mentionnent que « les Ede, les Jarai et les Lao étaient tous des habitants du territoire devenu aujourd’hui le parc national Yok Don. Les gens de ces groupes ont tous perdu leur droit coutumier d’exploitation et furent relocalisés lorsque le parc fut établi ». Ceci empêche davantage de parler d’activités traditionnelles, tout en reconnaissant que certaines pratiques fort anciennes, et géographiquement localisées, pourraient se traduire par des droits légaux. De ce fait, les gens se voient confrontés à des problèmes légaux sans même avoir à dire un mot.
Face à ces changements radicaux, des problèmes sociaux peuvent surgir. Si ce qui est imposé s’avère être pour le bénéfice de tous, comme le laissent entendre les dirigeants régionaux, les gens se voient confrontés à des problèmes qui n’étaient pas familiers avant l’arrivée des autorités, comme celui de la pauvreté.
Le développement durable, très présent dans les discours publics, a fait des changements remarquables. Pour certains, la majorité des projets mis en place présentent une amélioration à court terme. En effet, les générations futures perdront leurs traditions, leur culture et leur authenticité face à la mondialisation qui se propage très rapidement. Bref, il semble que le mode de vie traditionnel des minorités ethniques est aujourd’hui entre les mains des dirigeants plutôt que dans celle des populations elles-mêmes.
Pour conclure, nous avons exploré les différents points qui résultent du développement touristique. Les zones éloignées des métropoles préservées depuis des milliers d’années se voient aujourd’hui en danger face à l’accroissement du tourisme. D’un côté, les points positifs qu’a amené l’industrie touristique montrent une certaine amélioration du niveau de vie de quelques populations locales. D’un autre côté, les revendications des populations qui optent pour une continuité des traditions ne sont pas prises en compte. Bien que les populations locales finissent par s’adapter au nouveau train de vie, le développement durable se dit tenir compte de l’environnement communal, c’est-à-dire du respect de la personne, des cultures et de la nature, de l’amélioration de la vie des locaux par les profits du tourisme solidaire, et bien sûr, de la croissance économique. D’où l’importance de comprendre les deux revers de la médaille.
Bibliographie :
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Dinh Pho Tran. 2009. « Le tourisme durable au Vietnam. » Business administration.
Guay, Jean-Herman. 2016. Perspectives monde : Population totale au Vietnam en 2014. En ligne. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=VNM&codeStat=SP.POP.TOTL&codeStat2=x
Steve, Déry et Martin Tremblay. 2008. « L’implantation des aires protégées au vietnam : quels impacts pour les populations locales ? Une étude de cas dans la province de Lâm Đồng », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, Volume 8 Numéro 3 | décembre 2008, posto online no dia 05 Maio 2009. En ligne. http://vertigo.revues.org/8059
Thi Bao Chau Huynh. 2011. « Patrimoine architectural, urbain, aménagement et tourisme : ville Hôi An – Viêt Nam. » Géographie. Université Toulouse le Mirail – Toulouse II, 2011.