Par Amine Assale,
La Thaïlande est une destination touristique très prisée. Visite de l’hallucinante Bangkok, plages bordées de cocotiers, îles paradisiaques et temples bouddhistes sont autant d’éléments pour attirer les voyageurs (1). Pourtant l’attrait pour cette monarchie de l’Asie du Sud- Est ne se confine pas à un tourisme culturel ou à la relaxation dans de splendides stations balnéaires (2). Une autre sorte de voyage s’est développé: « Les motivations du voyage peuvent être par ailleurs plus directement sexuelles et s’inscrire dans le cadre d’un tourisme sexuel en progression »(3). Ainsi ce dernier, enraciné dans l’univers de la prostitution tend à s’amplifier sous la pression de la mondialisation (4). Il se déploie altérant la réputation du pays et suscitant de multiples prises de positions notamment en ce qui concerne la pédophilie et les conséquences qu’engendre le tourisme sexuel dans la société thaïlandaise (5). Partant de là, comment qualifier la Thaïlande de « pays du sourire » (6) alors qu’y sévit le tourisme sexuel lequel engendre prostitution, pédophilie et trafic humain?
De prime abord, il semble difficile de traiter du tourisme sexuel en occultant les fléaux de la pédophilie et de la prostitution deux facettes importantes de cette thématique. Bien souvent, offrir son corps pour quelques bahts est la seule issue envisageable pour des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté (7). En outre, contrairement aux idées reçues sur la prostitution en Thaïlande, celle-ci n’est pas un phénomène typiquement féminin. Si certains occidentaux voient en ce pays le paradis des gays, un allemand constate cependant que: « la plupart ne sont pas heureux de vendre leur corps» (8). En effet, la prostitution masculine est très mal perçue et ceux qui en franchissent le pas sont rejetés; le bouddhisme religion principale en Thaïlande voit en leur déviance sexuelle un signe de mauvais karma. Ils finissent par déprimer et souvent se suicident (A).
Par ailleurs, hommes, femmes et même enfants sont victimes du tourisme sexuel. Les voyageurs cherchent à fuir les contraintes morales qu’exercent sur eux la société comme le montre Seabrook: « the whole story of travelling implies that you can do things with foreigners you cannot do at home » (9). C’est pourquoi plusieurs touristes occidentaux viennent en Thaïlande pour assouvir leurs pulsions avec des partenaires plus jeunes qui offrent leur service en échange d’argent. Les visiteurs de Thaïlande sont aussi en quête, d’une certaine forme de liberté, de pouvoir, de domination de l’autre (10).Quelques soient leurs motivations, les occidentaux donnent bonne conscience sous prétexte qu’ils paient leurs partenaires sexuelles et qu’ils contribuent en tant que touristes au développement économiques de la Thaïlande. Ils ne se sentent pas responsables du mal qu’ils créent autour d’eux (B). Mais, n’est-ce point là une attitude égoïste et irresponsable? Assurément nul ne peut nier que la prostitution du tourisme sexuel trouve racine dans l’écart existant entre la population thaïlandaise et les touristes en termes de richesse et de pouvoir ? (C)
Si les dépenses touristiques génèrent une hausse du PIB (11), il n’en reste pas moins que le tourisme sexuel freine le développement de la Thaïlande. Il favorise la montée de la prostitution des jeunes tentés par l’argent des riches étrangers (12). Vu leur fragilité financière et morale, bien des jeunes sont piégés par les proxénètes. Ils se voient offrir un travail alors qu’en réalité ce n’est là qu’un prétexte pour les tromper. Ils sont pris dans un engrenage et plutôt exploités à des fins sexuelles. De plus, l’appât du gain pousse à l’enlèvement d’enfants plus jeunes qui sont soumis à la volonté de pédophiles pervers qui en abusent (D). À titre illustratif, le prix d’un enfant. 4 ans dans l’enfer de la prostitution enfantine à Bangkok, relate la détresse des enfants kidnappés et séquestrés à Bangkok. Les auteurs de ce livre, font ressortir l’irascibilité des proxénètes qui détiennent ces êtres (E) sans défense. Ils soulignent par ailleurs le cynisme des touristes pour qui ces enfants ne représentent qu’une valeur marchande(13).Quand ils ne sont pas enlevés, ces petites filles ou petits garçons destinés à assouvir les pulsions sexuelles des touristes libidineux, sont vendus ou loués par des proches(14). En effet, les familles désespérées cèdent leur progéniture à des intermédiaires pour la protéger. En réalité, les enfants sont exploités de manière éhontée par des individus peu scrupuleux (F). Ces enfants subissent des abus sexuels, gardent des séquelles indélébiles et contractent souvent le sida. Néanmoins, la propagation du VIH au sein de la société ne semble pas réduire le nombre de relations sexuelles avec les touristes occidentaux comme en témoigne Formoso: « le développement du sida ne semble pas avoir altéré cette image plutôt positive de l’homme occidental parmi les couches populaires » (G).
En somme, en dépit des mesures prises par le gouvernement thaïlandais pour juguler la pédophilie lié au tourisme sexuel, celle-ci ne s’est pas tarie même si elle a décru. En fait, certains officiels du gouvernement sont soupçonnés d’être corrompus et impliqués dans le trafic des enfants qui est très lucratif (15). Cependant, s’agissant de la prostitution, aucune initiative n’a été prise pour endiguer cette pratique sexuelle vu les revenus qu’elle génère (H). Les enjeux économiques sont très importants ce qui explique l’indifférence d’un gouvernement se souciant peu du Sida qui ravage la population (16). Face à des autorités apathiques, la communauté internationale pourra-t-elle sauver la Thaïlande de la pédophilie et la prostitution?
Références complémentaires:
(A)Ibid.8
(B)Ibid.10
(C)Ibid.5
(D)Ibid.12
(E)L’expression « êtres » réfère ici aux enfants.
(F)Ibid.14
(G)Ibid.6
(H)Ibid.6
Bibliographie:
(1) « Un voyage en Thaïlande ». 2016. Lintern@ute, 8 avril. En ligne. http://www.linternaute.com/voyage/thailande/ (page consultée le 28 juin 2016).
(2) « Le tourisme sexuel en Thaïlande ». Blogue sur l’Asie du Sud-Est. En ligne. https://redtac.org/asiedusudest/2012/12/20/le-tourisme-sexuel-en-thailande/ (page consultée le 28 juin 2016).
(3)Joseph J. Lévy and Élyzabeth Lacombe. 2003. « Le tourisme sexuel : ses plaisirs et ses dangers ». Téoros, 22 janvier:4-9. En ligne. https://teoros.revues.org/1807 (page consultée le 28 juin 2016).
(4) Franck, Michel. 2013. « Faits, effets et méfaits du tourisme sexuel dans le monde », Revue internationale et stratégique n° 90, février:145-152. En ligne.www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-2-page-145.htm (page consultée le 28 juin 2016)
(5)Roux Sébastien. 2009. « Le savant, le politique et le moraliste. Historiographie du « tourisme sexuel » en Thaïlande », A contrario n° 11, janvier:28-42. En ligne. www.cairn.info/revue-a-contrario-2009-1-page-28.htm (page consultée le 28 juin 2016).
(6) Formoso, Bernard. 2001. « Corps étrangers:tourisme et prostitution en Thaïlande ». Anthropologie et Sociétés 25 (n° 2):55-70.
(7) « Les inégalités économiques en Thaïlande ». Blogue sur l’Asie du Sud-Est. En ligne. https://redtac.org/asiedusudest/2012/12/13/les-inegalites-economiques-en-thailande/ (page consultée le 28 juin 2016).
(8)Blandin, Nicolas. 2011. « Thaïlande: La vie pas si rêvée des homosexuels thaïlandais». Gavroche Thaïlande, 20 mai. En ligne. http://www.gavroche-thailande.com/actualites/reportages/1590-la-vie-pas-si-revee-des-homosexuels-thailandais (page consultée le 28 juin 2016).
(9)Seabrook, Jeremy. 2001. «Travels in the Skin Trade: Tourism and the Sex Industry». New Edition.
(10) Paumelle Marianne. « Le tourisme sexuel dans le monde ». In Géotourisme. En. ligne. http://geotourweb.com/nouvelle_page_441.htm (page consultée le 29 juin 2016)
(11) Chaponnière, Jean-Raphaël. 2016. «Thaïlande : pourquoi l’économie est en berne». Asialyst, 3 mars. En ligne. https://asialyst.com/fr/2016/03/03/thailande-pourquoi-l-economie-est-en-berne/ (page consultée le 29 juin 2016).
(12) « Le tourisme sexuel: les effets pervers de l’offre et de la demande ». Routard. En ligne. http://www.routard.com/mag_dossiers/id_dm/6/ordre/3.htm (page consultée le 29 juin 2016).
(13) Marie-France Botte et Jean-Paul Mari. 1993. « LE PRIX D’UN ENFANT. 4 ans dans l’enfer de la prostitution enfantine à Bangkok ». Broché.
(14) En ligne. http://forums.france5.fr/lesmaternelles/larubriquedenadia/pedophilie-thailande-sujet_8309_1.htm (page consultée le 29 juin 2016).
(15)Verville Allard, Marie-Soleil. « THAÏLANDE:CULTURE, PROSTITUTION INFANTILE ET MONDIALISATION». Blogue sur l’Asie du Sud-Est. En ligne. https://redtac.org/asiedusudest/2009/11/07/thailande-culture-prostitution-infantile-et-mondialisation/ (page consultée le 29 juin 2016).
(16)Poulin, Richard. 2008. « Prostitution et traite des êtres humains, controverses et enjeux. Cahiers de recherche sociologique n°45,janvier:133-152. En ligne. https://sisyphe.org/IMG/pdf/Prost.traitePoulin.pdf (page consultée le 29 juin 2016).
Iconographie:
(a)En ligne. http://www.i-travelled.com/prostitution-a-phuket (page consultée le 28 juin 2016).
(b)En ligne. http://www.bangkok.com/gay-experiences.htm (page consultée le 28 juin 2016).
(c)En ligne. https://ecjsalexandredumas.files.wordpress.com/2011/12/affiche-20acpe-20210×297-haut.jpg (page consultée le 29 juin 2016).
(d)En ligne. https://www.leboncoin.fr/livres/826773095.htm (page consultée le 29 juin 2016).