Par Perrine Legoube
Avec la Côte D’Ivoire et le Brésil, l’Indonésie est un des plus grands producteurs de cacao au monde. Mais aujourd’hui, l’Indonésie se retrouve face à la même question que se pose la majorité des pays en développement: comment jongler entre une croissance économique, supportant son importante croissance démographique, et la protection de l’environnement, qui permettra à cette croissance économique d’être durable. Dans un premier temps, on fera un état des lieux de la production de cacao en Indonésie d’un point de vue économique, puis écologique, et dans un second temps, on étudiera les solutions proposées et adoptées par le gouvernement et les paysans.
Environ 80% du cacao produit en Indonésie l’est sur l’île de Sulawesi, recouverte à moitié par la forêt tropicale. La production de cacao est principalement détenue par des petits producteurs, sur des terres gagnées sur la forêt. Différents moyens de production s’offrent à eux, mais avec les besoins croissants, et la nécessité d’une exposition constante au soleil (Clay, 2004), la pratique intensive est privilégiée, et avec elle la coupe à blanc.
Le climat de l’Indonésie permet naturellement au cacao une très grande productivité, ce qui rejoint l’idée que la productivité agricole asiatique est importante dans toutes les cultures, comme le riz. Néanmoins, les producteurs de cacao d’Indonésie bénéficient à la fois de coûts de production relativement bas, mais aussi d’une importante transparence des prix, ce qui explique qu’ils reçoivent une part importante du prix d’export, ce qui est plutôt rare face à d’autres cultures. La politique de laissez-faire du gouvernement a aussi fortement avantagé les producteurs de cacao indonésiens, mais aussi l’investissement du gouvernement dans les infrastructures de transport, y compris dans les zones rurales reculées. Ces raisons expliquent pourquoi de nombreux producteurs se mettent à la production de cacao en Indonésie, bien qu’ils n’aient bien souvent pas une idée exacte du prix du cacao: non seulement ils voient leurs voisins commencer à le produire, mais surtout le cacao permet de sécuriser les droits de propriété, un revenu futur, d’utiliser peu de main d’œuvre, de permettre une maturation rapide et des récoltes tout au long de l’année. Mais couplée à la forte migration en Indonésie, cela contribue à déposséder les fermiers qui ont surtout besoin d’une entrée d’argent, et qui pour cela vendent leurs terres. La production qu’ils font sur le reste de leurs terres doit donc être plus intense, ce qui favorise la coupe à blanc. C’est la tendance actuelle de la production de cacao en Indonésie, mais il est possible de trouver une autre voie, plus efficace à long terme (Franzen et Mulder, 2007 et Rapport de la Banque du Développement de l’Asie, 2009).
D’un point de vue écologique, le cacao de pleine exposition est le plus néfaste: il détruit l’écosystème de cette terre, flore et faune. Pourtant, les producteurs ont d’autres moyens de production à leur portée. La moins dangereuse pour l’écosystème est le cacao « full-shade » (de pleine ombre). Il s’agit d’une variante de la forêt agricole (agroforestery). Cette pratique permet d’amincir sélectivement la forêt pour pouvoir y planter des cacaoyers et des arbres fruitiers à l’ombre des arbres restant (Franzen et Mulder, 2007).
Les bénéfices écologiques de ce type de production sont nombreux. Elle permet non seulement de protéger les espèces animales et végétales de la région, mais aussi d’accueillir les espèces chassées des terres coupées à blanc. Le cacao lui-même est de meilleure qualité, et nécessite en outre beaucoup moins d’agents chimiques qui sont souvent nécessaires pour remplacer l’action des plantes environnantes et des insectes de la forêt tropicale. Mais au-delà des plantes elles-mêmes, de nombreuses espèces animales bénéficient de la production de cacao en forêt. Certains oiseaux s’y arrêtent lors de leur migration, et peuvent aussi choisir d’en faire un site de nidification. Ce type de forêt peut même parfois servir de connexion entre différentes parties de la forêt elle-même, permettant une la régénération des espèces endémiques au pays (Clough et al, 2009).
Économiquement, les intérêts ne sont pas tant à court terme qu’à long terme. Les paysans investissent dans le cacao pour assurer un enrichissement à long terme, une assurance pour leur retraite et leur héritage. Dans ce cas, le cacao produit en forêt présente de nombreux intérêts. Moins sensible aux maladies, nécessitant moins de traitements, le cacao en forêt compense sa plus faible densité de cacaoyers en une plus grande productivité, une meilleure qualité et une diminution des coûts de production.
Sources:
Clay J (2004) World agriculture and the environment. Island Press, Washington
Banque de L’Asie du Sud Est. « The Economics of Climate Change in Southeast Asia: A Regional Review » April 2009, pp76
Margaret Franzen, Monique Borgerhoff Mulder« Ecological, economic and social perspectives on cocoa production worldwide »Biodiversity and Conservation December 2007, Volume 16, Issue 13, pp 3835–3849
Yann Clougha, Dadang Dwi Putrab, Ramadhanil Pitopangc, Teja Tscharntkea. « Local and landscape factors determine functional bird diversity in Indonesian cacao agroforestry »Biological Conservation Volume 142, Issue 5, May 2009, Pages 1032–1041