Par Kenta Mouphas
Le Vietnam est composé de 54 groupes ethniques. Toutefois, le groupe majoritaire, les Kinh, forme 84% de la population. La disparité entre le niveau de vie des Kinh et celui des 53 minorités s’est accrue entre les années 1993 et 1998, créant un grand écart social. En plus de cet écart social entre la majorité et les minorités, des écarts sociaux existent aussi entre les minorités elles-mêmes. En effet, les groupes dont les niveaux de vie sont les plus similaires à celui de la majorité se trouvent être moins marginalisés que les autres. Quelles seraient les causes de ces disparités entre minorités ethniques et majorités ?
L’élément déclencheur de cette disparité entre la majorité et les minorités ethniques serait la croissance économique des années 1990. Cette croissance auraient bénéficié à la majorité Kinh, les Hoa, les Khmers et les minorités ethniques habitant dans les montagnes au Nord du pays.
Ainsi, cette croissance a divisé la population vietnamienne en quatre groupes sociaux. Au sommet, nous retrouvons les Kinh et les Hoa, qui forment à eux-deux la majorité sociale, leurs foyers étant les plus riches. Puis viennent les minorités ethniques qui se sont alliées avec la majorité, suivies de celles qui essayent de s’intégrer économiquement tout en gardant leurs distinctions culturelles et ethniques. Pour finir, au bas de l’échelle, les minorités qui ont été abandonnées et mises à l’écart de la croissance économique (Baulch, 2007: 1151).
Cependant, cette croissance économique n’est pas le seul facteur qui aurait causé cet écart social au Vietnam. Comparé à la majorité Kinh-Hoa, les minorités sont désavantagées d’un point de vue géographique. Les domiciles des minorités ethniques ont tendance à se situer dans les régions montagneuses du Vietnam, mais en vivant dans les hauteurs, l’accès aux services et institutions serait plus laborieux. De ce fait, cet isolement dans les terres montagneuses pourrait affecter plusieurs éléments de l’écart social des minorités de la majorité, comme par exemple l’éducation scolaire, un taux de naissance plus élevé et un accès plus parcimonieux aux services de santé (Baulch, 2007: 1155).
En ce qui concerne l’éducation, les enfants des minorités iraient moins à l’école que la majorité. Cette différence pourrait être causée par la distance entre l’école et leur domicile, ou aussi par le fait que les familles sont majoritairement rurales et agricoles. D’autant plus que généralement, les minorités ne parleraient pas le vietnamien, un facteur qui affecte leur inscription dans les écoles, puisqu’elles n’enseignent pas dans la langue ethnique des minorités (Baulch, 2007: 1159).
Du fait de leur faible niveau d’instruction, les opportunités économiques pour elles sont réduites considérablement, et leur manque de connaissance se traduit la plupart du temps dans leur activité d’agriculteur. Les minorités posséderaient de grandes quantité de terres, mais ces terres sont de piètre qualité. De plus, elles ne seraient pas exploitées au maximum de leur potentiel, ce qui ne permet pas à ces minorités de faire pousser des plantes à haut-rendements à cause du manque de connaissances. «The local agricultural extension agent» ne pourrait pas non plus leur venir en aide puisque ce dernier ne parle pas la langue des minorités ou ne prend tout simplement pas la peine de se déplacer (Baulch, 2007: 1167).
D’ailleurs, pour des raisons historiques, une partie des minorités ne sont pas très appréciées car elles auraient collaboré avec les Américains lors de la guerre dans les années 1960-1970. Il aurait même été suggéré par un anthropologiste, Gérald Hickey, que certaines minorités, comme par exemple les Hmongs, éprouveraient un sentiment anti-vietnamien, et ont à la place un sentiment patriotique envers les leurs (Baulch, 2007: 1164).
Par exemple, lors de la séparation du Vietnam en deux autour du dix-septième parallèle, suite aux accords de Genève en 1954, le Sud était irrité par la décision de la République du Vietnam à incorporer des Kinh dans leur territoire dans le « Central Highland ».
Les avis sur les causes des disparités sont partagés, mais tous sont d’accord sur le fait que c problème a des origines culturelles et géographiques. Les minorités sont isolées dans leurs hautes terres et sont restées cantonnées au rôle d’agriculteur pour la majorité d’entre elles. Elles sont aussi en général moins scolarisées que la majorité Kinh-Hoa, et sont moins enclines à susciter l’aide médicale lors de grossesses ou de maladies. Il y aurait aussi une préférence biaisée envers la majorité Kinh-Hoa qui serait payée apparemment jusqu’à quatre fois plus que les minorités pour le même travail.
Bien sûr, le gouvernement vietnamien est conscient de cet écart social, et tente d’y remédier en construisant des écoles, des hôpitaux et des routes dans les régions recluses où habitent les minorités. Toutefois, leurs aides sont souvent maladroites, les livres scolaires offerts étant en vietnamien, et non dans la langue locale, ce qui ne permettrait pas aux enfants de s’instruire. Malgré ces aides, le plus important serait d’éradiquer ce sentiment anti-vietnamien ou cette pensée des Kinh-Hoa qu’ils sont supérieurs aux minorités. La majorité éprouverait des sentiments racistes envers les minorités, et des plaintes de ces derniers pour coups et blessures, arrestations pour cause d’appartenance à des Églises ou groupes politiques non officiels seraient récurrent dans le Nord-Est et le centre des hautes terres. C’est pour ces raisons que le parti communiste vietnamien a déclaré qu’il fait des minorités la priorité numéro un en ce qui concerne la sécurité nationale. Ce cas passerait même avant leur revendications de souveraineté dans la Mer Sud de Chine (The Economist, 2015: 36).
Bibliographie
Baulch, Bob; Chuyen Truong, Thi Kim; Haughton, Dominique et Haughton, Jonathan. 2007. « Ethnic minority development in Vietnam » The Journal of Development Studies, Vol 43: p: 1151- 1176
« Out of Sight; Ethnic minorities in Vietnam » The Ecomomist, Vol 415 (April 2015): p.36