La diaspora japonaise en Thaïlande

Par Nicolas Chantigny

Le Japon et la Thaïlande entretiennent des contacts depuis de longues dates, comme le soutien mon dernier billet en la matière. Il résulte du fruit de cette collaboration l’instauration d’une communauté d’expatriés japonais installés en sol thaï. Quelle est la réalité de la diaspora nippo-thaïe? Quelle est sa composition? En quoi cette communauté est-elle privilégiée? Comment a-t-elle su favoriser les échanges économiques en sa faveur? En s’attardant aux sphères démographique et culturelle puis économique, nous survolerons ces différentes questions reliées à cette minorité afin d’en dresser un portrait.

Démographiquement, la communauté nippo-thaïe se compose de 40 000 personnes, soit 3.4% de la population du pays, selon un recensement du consulat du Japon en Thaïlande [1]. Un taux de croissance de l’immigration japonaise de 80% entre 2004 et 2007 démontre un engouement noté pour la région. La concentration de cette minorité se trouve à 80% dans le milieu urbain de Thaïlande, gravitant autour de Bangkok et ses environs [2]. En majorité, ils résident au pays pour de courts lapses de temps, moyennant un à quatre ans, et très peu (765 personnes) sont des résidents permanents [3]. Composée majoritairement d’hommes, l’immigration japonaise repose également sur des femmes qui tournent le dos à la rigueur de la société nippone et qui désirent fonder une famille avec un mari thaïlandais. De plus, un nouveau phénomène démographique est remarqué, celui de l’engouement des jeunes Japonais pour la Thaïlande. Certains se servent de ce levier pour fuir la pression sociale du pays (c’est-à-dire les dogmes et les valeurs liés à la société de performance et au rôle de la femme au Japon) ou d’autres pour profiter des avantages de la Thaïlande et de ses débouchés professionnelles [4]. Effectivement, les principales raisons d’immigration sont nombreuses. La volonté d’obtenir une deuxième chance sur le plan professionnel est typique de ce processus décisionnel de déménager en sol thaïlandais, d’autant plus qu’il est appuyé par le privilège de la communauté nippo-thaïe de s’auto-organiser quasi exclusivement. Outre une panoplie de commerces destinés à une clientèle japonaise, la diaspora est composée de condominiums adaptés aux gouts japonais par la disposition des pièces en fonction de leur usage [5]. Au sein de ce microcosme japonais se constitue également une association, la Nihon Jin Kai, qui a pour mission de proposer un éventail d’activités culturelles et sportives exclusives aux Japonais, atteignant 10 000 membres en 2007 [6]. Culturellement, la diaspora nippo-thaïe jouit d’une couverture médiatique complètement en japonais. « C’est de loin la presse en langue étrangère la plus dynamique de Thaïlande passant même en terme de diffusion et de lectorat devant la presse locale en langue anglaise » [7]. De plus, des écoles de danses classiques japonaises, telle que celle Des trois Roues, permettent à la minorité de s’enrichir culturellement [8]. Sur le plan scolaire, la communauté nippo-thaïe détient un atout d’envergure. La Japanese Association School of Bangkok est l’institution académique japonaise la plus réputée hors du Japon. Totalement en japonais, elle accepte seulement des étudiants de descendance nipponne et emploie majoritairement des professions de cette même origine [9]. Bref, cette minorité peu significative quantitativement est tout de même choyée par les avantages et les services qui lui sont à disposition.

Économiquement, la diaspora japonaise de Thaïlande est très avantagée par les relations diplomatiques nippo-thaïes. Détenant 40% des investissements étrangers dans le pays, elle dispose de la plus grande chambre de commerce japonaise à l’étranger en termes de membres [10]. S’élevant au sommet du palmarès des pays fournisseurs de produits manufacturés en Thaïlande, le Japon est également le second client du pays [11]. « Avec 25% des échanges, la Thaïlande est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Japon dans l’Asean » [12]. De plus, une entente de libre-échange via des accords de partenariat bilatéral fut instaurée en 2007 [13]. Outre ces chiffres et statistiques démontrant la suprématie d’ordre financier du Japon, les immigrants japonais installés en Thaïlande profitent eux-mêmes d’avantages économiques au sein de leur diaspora. De manière générale, touchant un salaire moins élevé qu’au Japon, ces exilés obtiennent tout de même un revenu plus intéressant que la majorité des Thaïlandais [14]. La diversité des entreprises reliées à la diaspora leur permet d’accéder à des titres de cadres dans l’un des commerces exclusifs à la demande japonaise. « Les nombreux titres de la presse japonaises de Thaïlande (plus d’une dizaine de publication), les pâtisseries, boulangeries et restaurants japonais employant des managers japonais, les golfs et hôpitaux ayant des services en japonais, les services de traductions pour les entreprises japonaises, les agences de voyages et immobilières, les écoles de langues, les spas et centres de loisirs ouverts uniquement à clientèle japonaise ou plus surprenant les agences de mannequinat et de casting » sont des milieux d’affaires opportuns à l’embauche de nippo-thaïs [15]. Cet avantage s’inscrit en corrélation avec celui d’avoir sur le terrain plusieurs compagnies de placement d’employés japonais qui accentuent les effectifs d’obtentions d’emplois [16]. En sommes, les relations diplomatiques et les avantages exclusifs de la diaspora nippo-thaïe favorisent économiquement cette minorité.

En conclusion, avec un historique commun parmi les plus anciens de l’histoire du royaume (avec la Chine), la Thaïlande et le Japon entretiennent des relations politico-économiques conjointes. La diaspora nippo-thaïe est elle-même teintée par ce partenariat économique. Avec des avantages exclusifs nombreux, la situation de la minorité japonaise en Thaïlande est enviable. Détenant une qualité de vie souvent supérieure à leurs homologues thaïlandais, les immigrants japonais en Thaïlande constituent une communauté prospère. Ainsi, aux yeux des Japonais, la Thaïlande constitue une place de choix dans l’alliance diplomatique et économique et ce depuis belle lurette [17].

[1] L’Ambassade du Japon en Thaïlande

[2] Idem

[3] Idem

[4] Arnaud Leveau, p.10

[5] Ibid, p.11

[6] Idem

[7] Idem

[8] Ibid, p.9

[9] Idem

[10] L’Ambassade du Japon en Thaïlande

[11] Idem

[12] Idem

[13] Idem

[14] Arnaud Leveau, p.10

[15] Idem

[16] Idem

[17] Philippe Mullender, p.217

Bibliographie

L’Ambassade du Japon en Thaïlande, http://www.th.emb-japan.go.jp/en/policy/speech_komachi_tu.htm (consulté le 5 décembre 2014)

Arnaud Leveau, La communauté japonaise de Thaïlande, https://www.academia.edu/642662/The_Japanese_community_of_Thailand_La_communauté_japonaise_de_Thaïlande (consulté le 5 décembre 2014)

Philippe Mullender, L’évolution récente de la Thaïlande, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1950_num_15_2_5757 (consulté le 5 décembre 2014)

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