Par François Robert-Durand
Les attentats de New York du 11 Septembre 2001 ont poussé les États-Unis à intervenir militairement dans diverses régions du globe dans le cadre de la guerre contre le terrorisme international. Le cas de la guerre en Irak est emblématique de cette guerre contre le terrorisme. Or, les Américains sont également présents en Asie du Sud-est; région communément appelée le Second front. On les trouve notamment en Indonésie suite aux attentats de Bali en 2002, mais surtout dans la province de Mindanao, aux Philippines. Cependant, c’est un des lieux où la présence américaine est négligée par les médias occidentaux.
Bien qu’elle affirme vouloir aider les Philippins, l’assistance américaine aux Philippines est un symptôme de sa vision monolithique envers les groupes terroristes. En effet, les Américains effectuent une logique du One size fits all, i.e. qu’ils considèrent les groupuscules insurrectionnels islamistes de Mindanao comme étant tous liés au terrorisme international. Ce qui occulte les motifs qui animent ces organisations et qui, du même coup, rendent les politiques d’interventions inefficaces.
Le 11 Septembre: début d’une nouvelle alliance américano-philippine
Ayant eu une base militaire en sol philippin jusqu’en 1992 (Cruz de Castro 2009, 402), la collaboration américano-philippine dans le domaine militaire et sécuritaire connu un léger essoufflement durant la fin des années 90.
C’est cependant suite aux attentats du 11 Septembre que la collaboration entre les deux protagonistes a recommencé. Souhaitant établir une alliance, les présidents Bush et Arroyo ont rétablis la collaboration militaire de leur pays respectif pour combattre les groupes islamistes dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. C’est pourquoi les Américains offrent leur soutien militaire au gouvernement philippin depuis 2001 (Cruz de Castro 2009, 399).
Plus précisément, cette aide de la part des Américains consiste à fournir des stratèges et de l’équipement militaire sans pour autant intervenir sur le terrain avec leurs homologues philippins. Elle vise à aider les Philippins à rétablir l’ordre dans la province de Mindanao contre divers groupes qualifiés de terroristes (Cruz de Castro 2009, 403), dont le plus illustre est Abu Sayyaf.
Terrorisme: un label réducteur
À défaut de tenter de comprendre ce qui distingue les groupes insurrectionnels et de comprendre les motifs derrière leurs actions violentes, les Américains ont spontanément eu recours à des moyens militaires afin de contrecarrer ces mouvements insurrectionnels. En effet, les Américains associent spontanément les groupes insurrectionnels islamistes de Mindanao à Al-Qaida ou à d’autres organismes terroristes transnationaux (Morada 2003, 232).
Or, les recherches démontrent plutôt que les groupes insurrectionnels islamistes de Mindanao n’ont absolument rien à voir avec le Djihad international. En effet,
« This conflict is mostly ethno-nationalists struggles resulting largely from an unsuccessful integration of Muslims into mainstream. A tendency therefore exists to identify this conflict as domestic insurgencies with local implications rather than part of a global Jihad with wider implications» (Acharya 2007, 82).
Ce qui est le cas, par exemple, du groupe insurrectionnel islamiste le plus connu: Abu Sayyaf. Durant les années 90, ce groupe était considéré par la CIA comme un groupe de brigands. C’est cependant suite aux attentats du 11 septembre que ce groupe fut qualifié de terroriste (Arhaya 2007, 31).
Ainsi, il ne faut pas négliger les actes de violence s’étant produits. Cependant, intervenir militairement pour combattre une menace dont les origines ne sont pas bien comprises nuit à une résolution à long terme du problème
S’attaquer aux conséquences plutôt qu’aux causes
Cette appellation réductrice fait en sorte que l’intervention conjointe des États-Unis et des Philippines à Mindanao s’attaque aux conséquences plutôt qu’aux causes de l’émergence des mouvements islamistes. Ce qui rend les mesures anti-terroristes inefficaces.
En effet, en dépit de la volonté conjointe de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-est (ANASE) et du gouvernement philippin de régler le problème par des mesures d’ordre socio-économique, les Américains optent davantage pour des mesures répressives et militaires (Morada 2003, 233). Autrement dit, au lieu de régler la cause du problème, i.e. permettre une meilleure représentation politique des communautés musulmanes, les Américains donnent une raison supplémentaire aux insurgés de se sentir encore moins intégrés à la nation philippine.
Bref, les violences qui sévissent actuellement dans la province de Mindanao n’ont pas été causées par les Américains. Cependant, les ressources fournies telles que l’équipement et l’expertise militaires sur place n’aident en rien à la résolution du conflit actuel.
Bibliographie
Acharya, Armitav et Arabinda Acharya. 2007. « The Myth of the Second Front : Localizing the War on Terror in Southeast Asia ». The Washington Quaterly. Vol. 30 (no 4). 75-90
Cruz de Castro, Renato. 2009. « The US-Philippine Alliance: An Evolving Hedge Against an Emerging China Challenge ». Contemporary Southeast Asia: A Journal of International and Strategic Affairs. vol. 31 (no 3). 399-423.
Morada, Noel M. 2003. « Philippine-American security relations after 11 September: Exploring the mutuality of Interest in the fight against international terrorism ». Southeast Asian Affairs. 223-233.