par Blandine Maindiaux
Nous avons l’habitude de considérer le bouddhisme comme étant une religion pacifiste. Or, cette qualification n’est pas toujours justifiée. En effet, dans l’Histoire de la Birmanie, la relation entre le bouddhisme et la politique a été quelque peu complexe. Dans un premier temps, nous reviendrons sur l’influence qu’a eu le bouddhisme dans les mouvements nationalistes. Après quoi, la religion a été instrumentalisée par le régime autoritaire en place. Enfin, nous aborderons le rôle et la place des moines bouddhistes dans ces relations politico-religieuses. Cet article a pour but de comprendre comment le bouddhisme peut à la fois être un facteur de paix et d’unité entre les Birmans et à l’inverse, servir d’arguments pour légitimer des actes de violences et de discriminations.
Tout d’abord, rappelons que plus de 90% de la population birmane est bouddhiste. De plus, la religion occupe une place importante dans la dans la vie quotidienne des habitants. Au milieu des diversités culturelles et linguistiques que chaque ethnies possède et revendique, le bouddhisme un élément fédérateur pour une majeure partie de la population. Très vite, les mouvements nationalistes vont utiliser la religion bouddhiste au profit de la construction d’une identité nationale. A travers ce « nous » bouddhiste, réussir à créer et à identifier un « nous » birman. La Sangha, nom pour désigner la communauté bouddhiste, va devenir le ciment identitaire de la Birmanie.
Dès l’indépendance de la Birmanie en 1947, le bouddhisme est officiellement établi comme étant un pilier de l’identité birmane. En effet, le gouvernement démocratique de U Nu établie l’identité birmane autours de trois piliers : la Sangha, le premier ministre, et le Darma (l’enseignement de Bouddha). La fusion entre le bouddhisme et l’identité Birmane est donc clairement établie.
En mars 1962, suite à un coup d’Etat, l’armée birmane, dirigée par Ne Win, s’empare du pouvoir. Les orientations politiques vont radicalement changer et s’orienter vers le socialisme. A partir de ce moment, un fossé se crée entre la religion et le politique. En effet, l’orientation marxiste choisie par Ne Win rejette le bouddhisme du champ politique [1].
Une séparation qui ne sera pas éternelle. En effet, en 1988, la nouvelle junte militaire qui s’empare du pouvoir et tire un trait sur les orientations socialistes du passé. Elle renoue des relations avec le bouddhisme réalisant le rôle qu’il joue dans le maintien de l’ordre et la fédération de la population. Mais cette nouvelle relation entre la Sangha et le pouvoir est loin d’être saine. Effectivement, les militaires vont, petit à petit, remplacer les religieux dans l’administration de la Sangha, de façon à contrôler l’autorité religieuse. La junte va utiliser le bouddhisme pour renforcer son pouvoir et légitimer ses actes auprès de la population [2].
Ainsi, la junte se présentera en tant que gardienne du bouddhisme pour obtenir une soumission des peuples à ses décisions. Au travers de la religion, la junte militaire va continuer à renforcer son pouvoir.
La religion bouddhiste est donc utilisée comme un prétexte pour légitimer des actes de violence et de répression commis par la junte militaire. Nombreux sont étonnés de voir la Sangha associée à ces actes de violence. Il est important de faire la différence entre la religion bouddhiste et l’administration bouddhiste, cette dernière étant aux mains des militaires et manipulée par ces derniers.
Les moines bouddhistes sont en réalité des figures forte d’une protestation non-violente, et souvent silencieux contre les politiques menées par la junte militaire birmane. Encore dernièrement, lors de la révolution de safran de 2007, les moines ont remis en cause l’ordre établi entre la junte et la Sangha. Souvent la cible de répression les moines bouddhistes à travers leur lutte et leur combat jouent un rôle important dans la démocratisation de la Birmanie.
[1] Sisley John. La robe et le fusil : le bouddhisme et la dictature militaire en Birmanie. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 32, 2001, N°1. Politique et religion en Asie orientale. pp. 175-198.
[2] G. LUBEIGT, « La société birmane face à la question institutionnelle » extrait de Revue d’études
comparatives Est-Ouest, Volume 28,1997, pp. 157-187
BIBLIOGRAPHIE
Sisley John. La robe et le fusil : le bouddhisme et la dictature militaire en Birmanie. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 32, 2001, N°1. Politique et religion en Asie orientale. pp. 175-198.
G. LUBEIGT, « La société birmane face à la question institutionnelle » extrait de Revue d’études
comparatives Est-Ouest, Volume 28,1997, pp. 157-187