Par Alex Chartrand
La question des minorités et de leur protection est un enjeu important dans maints pays de l’Asie du Sud-Est et la Birmanie n’y fait pas exception, puisqu’ayant une population formée en grande partie de groupes ethniques distincts. En effet, bien que les Birmans soient en majorité sur le territoire, d’autres comme les Karen, les Shans et les Rohingya y occupent une place importante [1]. Toutefois, la relation entre ces différents groupes ethniques est loin d’être harmonieuse, ce qui a été critiqué par divers groupes internationaux, puisqu’un climat de violence en est né, compromettant ainsi la sécurité de plusieurs individus sur le territoire Birman.
Plus concrètement, il faut mentionner que l’une des communautés les plus touchées par ces tensions est la minorité musulmane étant en conflit avec les groupes bouddhistes. Évidemment, un coup d’œil rapide à l’actualité birmane est révélateur, les crimes étant de plus en plus fréquents envers cette minorité. D’ailleurs, un membre bouddhiste radical bien connu en Birmanie, Wira Thu, affirme que les musulmans sont responsables des problèmes auxquels fait face sa communauté et justifie ainsi la haine entretenue envers ce groupe [2].
Toutefois, ce conflit entre bouddhiste et musulman n’est qu’une partie du véritable problème. Le sort qui est réservé aux musulmans et aux autres minorités en Birmanie est alarmant à plusieurs niveaux. À titre d’exemple, il a été reporté à plusieurs reprises que des offensives militaires ont déjà été déployées contre eux, en plus de la violence subie quotidiennement [3]. Également, ces minorités sont victimes de différentes formes de discrimination et de xénophobie en plus de faire face à de sérieuses contraintes, telle la difficulté de se marier puisque des permis sont requis [4]. De plus, il est interdit pour plusieurs d’entre eux d’avoir accès à un enseignement dans leur langue maternelle et alors, beaucoup s’inquiètent de la situation et craignent de ne pouvoir protéger leur culture [5].
C’est pour ces raisons que l’Organisation des Nations-Unies a été envoyée sur le terrain et a ainsi formulé des recommandations jugées nécessaires pour la protection de ces minorités. L’une d’entre elles concerne la protection des populations civiles, afin que celles-ci ne subissent plus les campagnes dirigées contre leurs membres ou la confiscation de leur propriété. De plus, les restrictions strictes envers la population musulmane condamnent bon nombre d’entre eux, environ 728 000 pour être plus exact, à ne pas posséder la citoyenneté, ce qui les prive d’une égalité de droits avec les autres communautés. Ainsi, le rapport exige que des études soient menées afin de déterminer les répercussions que ce climat d’intolérance apporte pour qu’ensuite les mesures nécessaires afin d’y remédier puissent être élaborées. Par contre, bien que les recommandations de l’ONU se révèlent pertinentes puisqu’élucidant bon nombre de problèmes en Birmanie, et non pas seulement ceux concernant les minorités, il faut se demander si elles sont bien entendues par les autorités compétentes du pays. En effet, il est monnaie courante pour certains États (le Canada y compris lorsqu’il est question d’environnement) de ne pas se préoccuper des rapports de l’ONU et d’en éviter le jugement, ce qui pourrait être le cas en Birmanie [6].
Face à toute cette situation, il est pertinent de se questionner sur les futures actions de la Birmanie à cet égard. Comment pourra-t-elle ignorer la pression internationale de plus en plus pressante qui demande que des solutions soient apportées et que le droit de ces minorités soit protégé? Inversement, il est important d’envisager les scénarios possibles quant à la réaction de la population birmane. En effet, un moyen devra être développé afin de calmer ces rapports conflictuels entre communautés, ce qui demandera une réelle implication de l’État. Bien entendu, cela n’est pas quelque chose qui se fait spontanément et un certain nombre d’actions seront nécessaires afin de régler la situation. Tout d’abord, il faut qu’une sensibilisation accrue s’installe chez la population afin que tous puissent véritablement saisir l’ampleur que la situation a prise dans les dernières années. Puis, dans la lignée des recommandations de l’ONU, les acteurs d’actes violents dirigés contre les minorités et les responsables d’injustices qui leur sont infligés devront en assumer les conséquences, afin d’assurer que ce genre d’actes ne sera plus reproduit.
Or, ce problème est l’un de ceux qui sont observés par Renaud Egreteau dans le Monde Diplomatique. En fait, les défis au niveau des protections des minorités sont encore considérables et bien que de nouveaux dialogues aient été produits, la violence envers les minorités a tout de même augmenté. Également, il ne faut pas non plus omettre un côté essentiel de la solution. Punir les responsables d’actes criminels est important, c’est un fait, mais il ne faut pas oublier que les victimes ont besoin de support elles aussi. Ainsi, il ne faut pas que les criminels soient le centre d’attention des actions judiciaires. Ce qui est tout aussi primordial est d’aider les gens affectés par ces actes à surmonter les problèmes ayant été occasionnés tout en essayant de leur redonner confiance envers les institutions birmanes. Ils doivent avoir le sentiment que leur identité est respectée et alors, en regardant la situation actuelle en Birmanie, cette étape risque d’être la plus compliquée.
Entrevue Wira Thu (vidéo et texte) :
Références
[1] BBC, 2013
[2] L’Express, 2013
[3] BBC, 2013; Refworld, 2008
[4] Refworld, 2008
[5] International Crisis Group, 2003
[6] Nations Unies, 2008
Bibliographie
Bangkok/Bruxelles. International Crisis Group. 2003. Myanmar Backgrounder: Ethnic Minority Politics. Asia Report no 52. En ligne. http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/asia/south-east-asia/burma-myanmar/052%20Myanmar%20Backgrounder%20Ethnic%20Minority%20Politics.pdf (page consultée le 23 septembre 2013).
BBC. 2013. Myanmar Profile. En ligne. http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-pacific-1299053 (page consultée le 16 octobre 2013).
Egreteau, Renaud. 2012. « Désunion nationale en Birmanie ». Le Monde Diplomatique. En ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/2012/12/EGRETEAU/48476
Falise, Thierry. 2013. « Birmanie: « Aung San Suu Kyi est une traître à la nation » ». L’Express (Mandalay), 10 juillet. En ligne. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/birmanie-aung-san-suu-kyi-est-une-traitre-a-la-nation_1263465.html (page consultée le 23 septembre 2013).
Minority Rights Group International. 2008. World Directory of Minorities and Indigenous Peoples – Myanmar/Burma: Muslims and Rohingya. En ligne. http://www.refworld.org/docid/49749cdcc.html (page consultée le 16 October 2013).
Nations-Unies. Assemblée générale. 2008. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in Myanmar, Paulo Sérgio Pinheiro. En ligne. http://www.burmalibrary.org/docs6/A-HRC-7-18-SRM.pdf (page consultée le 23 septembre 2013).
Sources image
AFP. 2013. « L’envoyé spécial de l’ONU en Birmanie accuse le régime de ne pas l’avoir protégé ». Le Monde (France), 21 août. En ligne. http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/08/21/l-envoye-special-de-l-onu-en-birmanie-accuse-le-regime-de-ne-pas-l-avoir-protege_3464474_3216.html (page consultée le 23 septembre 2013).