Par Kathryn Blanchette
Samuel Huntington soutient que l’unité est la plus grande valeur chez les militaires[1]. Or, la Birmanie en est un excellent exemple puisque l’armée s’y st toujours clamée unie. En effet, en près quarante ans, aucune mutinerie n’a été commise au sein de cette institution. L’indépendance de la Birmanie est proclamée le 4 janvier 1948, mais ne met pas fin aux multiples rébellions ethniques et factions communistes, notamment au sein de l’armée auxquelles U Nu, tout récemment Premier ministre, fait déjà face. Par conséquent, pour rétablir l’Ordre, U Nu fait appel au général et chef de l’armée Ne Win pour contrer cette lutte armée contre l’État et assurer la tenue d’élections législatives le 6 février 1960.
Suite à l’amplification et à l’aggravation de la violence, Ne Win, dont le nom signifie « soleil de gloire », s’empare du pouvoir suite à un coup d’État en mars 1962, prétextant les besoins d’un bon gouvernement[2]. Dès lors, il installe pour de bon sa dictature autoritaire, qui sera considérée comme l’une des plus dures au monde : expulsion de centaines de milliers d’Indiens et de Pakistanais, dissolution des partis politiques sauf le Parti du programme socialiste de Birmanie (BSPP), suppression des institutions parlementaires, persécution de la communauté chinoise, instauration du système à parti unique[3], etc. Le gouvernement de Ne Win, par la Constitution de 1974, se voit assigné le rôle d’édifier une société birmane socialiste et l’Assemblée nationale se doit de déléguer ses pouvoirs au gouvernement. Il rebaptise la Birmanie par l’Union de la
République socialiste de Birmanie. En d’autres mots, le pouvoir y est fortement centralisé. De plus, Ne Win inclut bon nombre de militaires dans l’administration. Il entreprend également une nationalisation complète de l’économie.
Le bilan de cet ultra-nationaliste qu’est Ne Win est une véritable catastrophe; provoquant l’isolement et une quasi faillite de l’État. Suite aux plus importantes émeutes sociales et étudiantes de 1988[4], cette immense pression populaire ayant été réprimées avec une violence sanguinaire, la dictature de Ne Win s’effondre et ce dernier démissionne de la présidence du Parti de l’unité nationale (NUP). Saw Maung, un général et militaire birman, écrase donc le soulèvement démocratique avec l’armée et prend le pouvoir et proclame la loi martiale via la formation d’un Comité d’État pour la restauration de la loi et de l’ordre (SLORC) le 18 septembre 1988[5]. La junte militaire s’installe donc au pouvoir et rebaptise la Birmanie par Myanmar en 1989, désignant l’ethnie birmane dans la langue traditionnelle.
Le résultat des élections de 1990 a été refusé par la junte militaire, qui s’est contenté de se maintenir au pouvoir. Pourtant, il s’agissait d’une brillante victoire d’Aung San Suu Kyi[6], symbole de démocratie et de liberté ayant reçu le prix Nobel de la paix en 1991. C’est donc Than Shwe, plus haut dirigeant de la junte militaire de 1992 à 2011, qui prend le pouvoir la place sous surveillance surveillée[7]. Depuis 1996, la Birmanie est sujette à des sanctions internationales, notamment de la part de l’Australie, du Canada, de l’Union européenne (UE) et de la puissance américaine, qui imposera l’interdiction de l’import des produits birmans, sans oublier de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Bref, en 2012, même si la Birmanie n’est pas étrangère à la démocratie, elle n’en est pas une. Malgré les réformes dites libérales, bon nombre continue de fréquenter le marché noir pour leurs biens de consommation. De plus, la qualité des routes laissent
encore à désirer, l’approvisionnement en eau est perturbée de nombreuses fois par jour, les pannes d’électricité sont nombreuses, les hôpitaux sont mal équipés et la quantité de médicaments est insuffisante[8], etc. Néanmoins, il y eut récemment une ouverture quant au tourisme international, l’abolition de l’interdiction américaine de l’importation des produits birmans et de la censure des médias, le régime ayant son quotidien officiel le New Light of Myanmar[9]. De plus, Thein Sein a commencé à coopérer avec Aung San Suu Kyi en instaurant des institutions civiles[10]. Reste à savoir à quel point leurs objectifs sont communs… Récemment, il a même appelé à des transformations, surtout au niveau de la bureaucratie, pour renforcer la démocratie et remonter l’économie; avouant lui-même que les principes de bonne gouvernance lui font défaut. Suite aux récents surgis de la violence avec la minorité musulmane des Rohingyas, il est important de se rappeler que « tant qu’il n’y aura pas d’harmonie entre les différentes ethnies, il nous sera difficile d’établir une démocratie solide[11] ».
[1] Min, Win. 2008. « Looking inside the Burmese Military » Asian Survey 48 (no 6): 1019.
[2] Zone Bourse, « Thein Sein appelle à des transformations en Birmanie », (2012) En ligne. http://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Thein-Sein-appelle-a-des-transformations-en-Birmanie–15708369/ (page consultée le 18 décembre 2012).
[3] Encyclopédie Universalis, « La Birmanie depuis 1962 », En ligne. http://www.universalis.fr/encyclopedie/birmanie-myanmar/3-la-birmanie-depuis-1962/ (page consultée le 18 décembre 2012).
[4] Valéry Paul, « Myanmar : chronologie d’une dictature », (2007) En ligne. http://neo-sphere.blogspot.ca/2007/10/myanmar-chronologie-dune-dictature.html (page consultée le 18 décembre 2012).
[5] Min, Win. 2008. « Looking inside the Burmese Military » Asian Survey 48 (no 6): 1018.
[6] Frédéric Debomy, « Birmanie : pour tourner la page de la dictature, il faut s’unir », (2012) En ligne. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/231029-birmanie-pour-tourner-la-page-de-la-dictature-il-faut-s-unir.html (page consultée le 18 décembre 2012).
[7] Valéry Paul, « Myanmar : chronologie d’une dictature », (2007) En ligne. http://neo-sphere.blogspot.ca/2007/10/myanmar-chronologie-dune-dictature.html (page consultée le 18 décembre 2012).
[8] Renaldo Gassi, « La Birmanie, propriété privée de la junte militaire », (1989) En ligne. http://www.monde-diplomatique.fr/1989/11/GASSI/15189 (page consultée le 18 décembre 2012).
[9] Frédéric Debomy, « Birmanie : pour tourner la page de la dictature, il faut s’unir », (2012) En ligne. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/231029-birmanie-pour-tourner-la-page-de-la-dictature-il-faut-s-unir.html (page consultée le 18 décembre 2012)
[10] AFP, « Birmanie : le président accepterait qu’Aung San Suu Kyi lui succède », (2012) En ligne. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120930.AFP0581/birmanie-le-president-accepterait-qu-aung-san-suu-kyi-lui-succede.html (page consultée le 9 décembre 2012).
[11] Frédéric Debomy, « Birmanie : pour tourner la page de la dictature, il faut s’unir », (2012) En ligne. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/231029-birmanie-pour-tourner-la-page-de-la-dictature-il-faut-s-unir.html (page consultée le 18 décembre 2012).