Rôle de la femme thaïlandaise dans le développement de la Thaïlande

Par Lisa Thuc Duyên Hua

Quelle est la part de la femme thaïlandaise moderne dans le développement socio-économique de son pays ? Comme on pouvait s’y attendre, la femme thaïlandaise s’active principalement dans des métiers manuels dans le milieu rural et dans de petites activités de commerce dans le milieu urbain[1]. Mais étonnamment, une autre sous-classe de la population féminine contribue activement au développement économique général, mais reste peu considérée, et se retrouve même rétrogradée socialement[2]. Tout comme dans le cas de plusieurs pays aux valeurs patriarcales, le développement de la femme thaïlandaise reste souvent subordonné au bien-être de sa famille. Dans le milieu rural, c’est une épouse, une bru, une mère dévouée qui  participe à la subsistance de sa famille en travaillant pour l’amélioration de la situation économico-sociale de son époux, situation dont profite également sa belle-famille. Ses activités restent cantonnées entre autres aux travaux manuels tels que le tissage, aux travaux agraires et à la pêcherie[3]. Dans les villes, une majorité de Thaïlandaises restent alignées sur le même profil familial. Seules leurs activités diffèrent quelque peu. C’est une main-d’œuvre bon marché à titre d’exemple pour les échoppes, les industries du textile, les commerces vendant des objets d’artisanat.

Elle participe ainsi au développement économique et social, mais d’une manière générale, l’importance de la reconnaissance du rôle de Thaïlandaise, rurale ou citadine, reste limitée. Elle n’interfère pas dans les activités religieuses et politiques séculairement réservées aux hommes. Par exemple, la Thaïlandaise n’a pas le droit de renoncer à la vie laïque en devenant bonzesse, ce droit religieux restant un privilège masculin[4]. D’autre part, bien que les activités des femmes rurales et citadines ne soient pas reconnues, car considérées comme acquises du fait de leur genre, le fruit de leur travail constitue une forme de développement socio-économique régional et national[5].

Un autre facteur socioéconomique contribue activement à l’essor économique de la Thaïlande, : la prostitution. D’après Rachel G. Sacks, l’esclavage des femmes sous forme  de concubinage était pratique courante, d’autant plus que c’était un privilège réservé aux classes supérieures[6]. Après l’abolition de la polygamie par le roi Rama™cette pratique fut remplacée par la prostitution et ses dérivés qui fleurissent principalement dans les villes. Attirées par la densité démographique et la présence du tourisme en ville, ce sont  principalement les femmes rurales qui en sont les membres actifs : 8,3 à 12,5 % des jeunes femmes de 15 à 29 ans et environ 25 000 à 30 000 filles de moins de 15 ans[7].

Rappelons que les revenus du marché de la prostitution sont nettement plus élevés que la vente du riz. Si les hommes thaïlandais eux-mêmes constituent 51 % de la clientèle du marché sexuel, c’est toutefois la clientèle masculine étrangère qui a donné plus d’ampleur au « tourisme sexuel ». Si le tourisme constitue en Thaïlande 13 % du PIB national, le plus vieux métier du monde dans les quartiers chauds rapporte annuellement la coquette somme de 24 milliards[8]. Il faut savoir que la société thaïlandaise a ceci de particulier qu’elle exige des femmes d’assurer la subsistance de la famille. Si celle-ci en est incapable, elle est objet de honte pour sa famille.

Cependant, même si les activités des prostituées thaïlandaises  assurent  les revenus nécessaires à leurs familles, et contribuent directement et indirectement au développement économique de la nation, il reste qu’elles encourent des risques élevés quant à leur santé physique et psychologique. D’autant plus que leur statut social ne s’élève pas pour autant. Au contraire, il régresse, car elles et leurs descendants sont méprisés pour leur métier par cette même société qui les exploite.

C’est dans cette optique que le PDA (The Population and Community Development) offre plusieurs ateliers de formation et d’information aux jeunes Thaïlandaises, afin de les prévenir, voire de les faire sortir des conditions avilissantes de l’industrie du sexe. Cette ONG thaïlandaise, en tête de plusieurs autres initiatives, encourage les jeunes femmes démunies des régions rurales à bénéficier d’une éducation et d’une formation adéquate qui les aideront à jouer des rôles importants sur le marché économique[9]. Munies d’une éducation moderne, elles peuvent se propulser vers les métiers de professeurs, de scientifiques, de médecins, d’architectes et autres, ce qui modifiera non seulement leur statut, mais fait également d’elles les promoteurs de nouveaux idéaux pour la société thaïlandaise. Au cours des 30 dernières années, les Thaïlandaises ont fait des progrès marquants  quant à l’accès aux sphères juridiques et politiques. L’année 1993 en est un exemple : plusieurs femmes entraient dans l’administration de la Thaïlande[10].

Le développement  d’une nation passe par le développement socioculturel et économique des individus qui la composent, quelle que soit la place que ceux-ci occupent dans l’échelle sociale, ainsi que par la mise en place de structures appropriées pour réaliser cet objectif. Les femmes  thaïlandaises  participent réellement à l’essor économique de leur pays, même si les préjugés sociaux dans le cas des prostituées les ravalent au plus bas échelon de la société. Il reste à espérer que des instances internes, telles que le PDA, et des facteurs politiques externes, tels que la mondialisation avec le lot d’informations qu’elle apporte, vont contribuer à changer graduellement les préjugés et stigmates profondément ancrés au sein des différentes couches de la population. Il est sûr que ces changements ne se réaliseront pas sans quelques batailles.

Bibliographie

Formoso, Bernard. Corps étrangers : Tourisme et prostitution en Thaïlande. Département d’ethnologie, de préhistoire et d’ethnomusicologie, Université de ParisX,-Nanterre.

Sacks , Rachel G. 1997.Commercial Sex and the Single Girl: Women’s Empowerment through Economic Development in Thailand. Development in Practice, Vol. 7, No. 4, Special Double Issue pp. 424-427

Keyes , Charles F. 1984.  Mother or Mistress but Never a Monk: Buddhist Notions of Female Gender in Rural Thailand. American Ethnologist,  Vol. 11, No. 2 pp. 223-241

Vorakitphokatorn , Dousadi  Syfia Info, Agence de presse, La Thaïlande débordée par ses prostituées.  En ligne. http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1372 (page consultée le 15novembre 2009)

The land and it’s people : The rôle of Thai women in society, En ligne http://sunsite.au.ac.th/thailand/the_land/women.html (page consultée le 15 novembre 2009)

Anurak Thailand Tourisim,Women’s status in Thai Society, En ligne http://www.thaiwaysmagazine.com/thai_article/1911_thai_women_status/thai (Page consultée le 15 novembre 2009)


[1] The land and it’s people : The rôle of Thai women in society

[2] Sacks , Rachel G. 1997.Commercial Sex and the Single Girl

[3] The land and it’s people : The rôle of Thai women in society

[4] Keyes ,Charles F. 1984.  Mother or Mistress but Never a Monk

[5] Anurak Thailand Tourisim,Women’s status in Thai Society

[6] Sacks , Rachel G. 1997.Commercial Sex and the Single Girl

[7] Formoso, Bernard. Corps étrangers

[8] Sacks , Rachel G. 1997.Commercial Sex and the Single Girl

[9] Vorakitphokatorn , Dousadi  Syfia Info, Agence de presse, La Thaïlande débordée par ses prostituées

[10] Anurak Thailand Tourisim,Women’s status in Thai Society

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