Par Félix Pepin
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Kuala Lumpur, première ville et capitale de la Malaisie, est parfois comparée à un petit Los Angeles en raison de l’intensité de son étalement sur le territoire, de sa faible densité ainsi que de son aménagement fortement influencé par l’utilisation de l’automobile. Cependant, avant d’en arriver à sa forme actuelle, cette conurbation (regroupement de plusieurs centres urbains initialement distincts) de 4.2 millions[i] d’habitants sur les 26 millions que compte le pays (2007[ii]) a vu son image se transformer grandement sur une période relativement courte. Dans ce billet, nous analyserons rapidement l’orientation qu’a prise le développement urbain en Malaisie, mais plus particulièrement celui de la grande région métropolitaine de Kuala Lumpur à travers certains points qui caractérisent cette région de l’Asie du Sud-Est.
Avant toute chose, la première grande idée sur laquelle il serait important d’insister est celle que Kuala Lumpur, de même qu’une certaine partie de la Malaisie (particulièrement la côte ouest de la péninsule) furent développées dans le but d’accommoder les automobilistes[iii]. C’est un parti qu’a pris le gouvernement depuis longtemps et, dans les dernières années, rien ne semble indiquer qu’un changement radical d’idéologie soit en phase de prendre place. En effet, avec des projets comme le Highway Network Development Plan (réseau autoroutier de 10 580 km visant à relier la capitale nationale à chacun des centres régionaux du pays) ou les autoroutes de l’Ouest et de l’Est construites pendant les années 1980, le choix de l’automobile comme moyen de transport privilégié ne fait plus de doute[iv]. En fait, ce parti fut pris lorsqu’on planifia l’élargissement des rues de Kuala Lumpur en 1922, date de l’arrivée du premier planificateur urbain officiel de la ville[v] pour faire place aux voitures des citoyens européens. Par la suite, l’ensemble de la population n’a jamais sérieusement remis ce choix en question.
Ensuite, Kuala Lumpur, contrairement à plusieurs autres villes asiatiques, a la chance de compter sur un arrière-pays intéressant pour accueillir l’urbanisation. Plusieurs des terres situées à proximité de ce centre urbain ayant été exploitées pour l’extraction de l’étain, leur valeur était pratiquement nulle sur le marché[vi]. Il fut donc possible, pour le gouvernement de planifier leur développement comme bon lui semblait. C’est ainsi qu’apparut, en 1953 la première (mais non la dernière) ville satellite de Kuala Lumpur (Petaling Jaya). Au départ, celle-ci avait été planifiée afin d’accueillir 70 000 habitants, principalement des citoyens ayant peu de moyens (le squat devenant un problème dans la capitale depuis les années 1940)[vii]. Finalement, cette ville devint plutôt le premier refuge de la classe moyenne, préférant utiliser leur voiture matin et soir afin de se rendre au boulot. Chacune des villes satellites était, évidemment, reliée au centre par de grandes autoroutes.
Depuis les années 1980, le gouvernement malaisien, sans jamais remettre en question les décisions prises dans le passé (promotion de l’automobile et étalement), a de grandes ambitions pour la région de sa capitale. En fait, le premier ministre de l’époque (M. Mahathir) désirait en faire une ville ayant un rayonnement international au même titre que Singapour, et ce, pour 2020[viii]. De grands projets d’infrastructures visant à « vendre » l’image de la métropole furent mis en branle. Notons particulièrement la construction des tours Petronas, à l’époque les première et deuxième plus hautes tours de la planète. Mais, pour arriver à coordonner convenablement le développement de cette région, le gouvernement national devait s’impliquer directement. C’est ainsi que le premier ministre rapatria, en 1991, les pouvoirs de planification du gouvernement municipal, directement dans un comité spécial servant à tout mettre en œuvre afin d’atteindre l’objectif de 2020. Ce comité, sous l’autorité du premier ministre, avait l’autorité d’outrepasser les anciens plans de zonage et pratiques de planification mis en place par la ville[ix].
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Cela lui permit d’exercer sa principale fonction (en dehors de la planification) en ce qui concerne le développement : faire disparaître les mesures restreignant l’urbanisation mise en place par le gouvernement municipal afin que les mégaprojets puissent aller de l’avant le plus rapidement possible. Une fois ces mesures levées, les acteurs privés avaient le champ libre pour mener à bien ces projets dans le cadre convenu par la planification nationale. Le gouvernement malaisien adopta donc le partenariat public-privé comme principale stratégie pour la mise en œuvre de sa planification.
En somme, la grande région métropolitaine de Kuala Lumpur jouissait de quelques avantages par rapport à plusieurs autres métropoles asiatiques. Premièrement, la population de l’ouest de la péninsule malaisienne ne souffrait pas autant de pauvreté que dans plusieurs autres pays. Deuxièmement, le territoire, peu cher et abondant, permit au gouvernement de soutenir l’étalement de la métropole. Enfin, l’implication du gouvernement national dans la direction et la coordination des investissements privés permit leur intégration harmonieuse dans la planification générale du développement de la conurbation. Il ne reste maintenant qu’une décennie avant 2020, et Kuala Lumpur ne peut toujours pas être considéré comme l’égal de Singapour. Cependant, la capitale de la Malaisie montre des signes évidents de positionnement en tant que « ville mondiale » ce qui nous laisse croire que, avec le support du gouvernement national, cet objectif, au départ ambitieux, n’est peut-être pas si lointain après tout.
[i] Rimmer et Dick (2009), p.65
[ii] MLIT, en ligne
[iii] Rimmer et Dick (2009), p.226
[iv] Rimmer et Dick (2003), p.211
[v] Ibid, p.324
[vi] Rimmer et Dick (2009), p.66
[vii] Rimmer et Dick (2003), p.325
[viii] Ibid, p.334
[ix] Ibid, p.332
Bibliographie
RIMMER, Peter J. et Howard Dick (2009). The city in southeast Asia : Patterns, Process and Policy. Honolulu : University of Hawai’i Press.
RIMMER, Peter J. et Howard Dick (2003). Cities, Transport and Communications : The integration of Southeast Asia since 1850. New York: Palgrave Macmillan