Par Amélie Privé
Depuis la fin de la guerre froide, l’idée de la démocratie comme étant le meilleur système politique est propagée de diverses façon par les puissances occidentales. En effet, les pays sont cotés selon quatre catégories; les démocraties, les démocraties imparfaites, les régimes hybrides et finalement les régimes autoritaires[1]. Pour le cas des Philippines, je trouvais intéressant de me pencher sur ce pourquoi il est considéré comme étant une démocratie imparfaite. En effet, ce pays possède les infrastructures nécessaires pour le bon fonctionnement de leur régime présidentiel copié sur les États-Unis. Alors, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? Cette réponse est possiblement dans la manière dont la démocratie est arrivée sur le territoire philippin.
Tout d’abord, l’époque coloniale des Philippines a été une période cruciale dans le développement de la démocratie. Pendant la présence espagnole, le nationalisme philippin s’est rapidement développé et l’idée d’une indépendance voit le jour vers la fin de cette occupation. Les Espagnols laissent l’Église diriger, aux cotés des grands propriétaires terriens créant ainsi des classes dans la population. Suite à ces injustices, les habitants dans les campagnes commencèrent à se soulever en créant le mouvement nationaliste philippin. Bien que les Espagnols réagissent de manière très répressive et vont jusqu’à assassiner José Rizal, célèbre écrivain qui a inspiré les révolutions, la masse philippine se soulève et réussies à proclamer son indépendance.
Fraîchement indépendant, les Américains débarquent aux Philippines afin le réaliser la «mission de l’homme blanc» c’est-à-dire civiliser le monde. A ce moment, une partie de la masse philippine souhaitait maintenir la lutte armée, et une autre accueillir les Américains et leurs promesses. Suite à cela, bon nombre de jeunes Philippins vont étudier à l’étranger et reviennent au pays avec les idées et les concepts occidentaux. Une autre solution était de collaborer avec l’envahisseur ou bien de lui céder une partie de territoire. Entre temps, les Américains commencèrent à édifier un nouveau système; une démocratie présidentielle. De plus ils construisent un système d’éducation en faisant venir des États-Unis des professeurs pour inculquer aux jeunes philippins les valeurs américaines.
Cependant, ce qui a été le plus marquant pour ce pays fut l’organisation d’un système politique par les Américains. En effet, ceux-ci on importé leur système démocratique présidentiel avec des élections bicamérales. Ils élaborent une charte et « la constitution sera républicaine, fondée sur le principe représentatif et le système présidentiel.»[i] Ainsi, les Américains ont importé leur système avec la certitude qu’il était le meilleur, et ce dans le but de le faire adopter par le peuple philippin. De plus, pour faire en sorte que ce système reste bien en place, il leur fallait l’appui des propriétaires terriens. En conséquence, de nombreux privilèges leurs furent accordés afin bien entendu de s’assurer de leur fidélité.
Mais, bien qu’il s’agisse d’une démocratie, ce système finit par être abominablement corrompu. Ceux qui avaient le pouvoir réussissaient à l’obtenir par des connaissances ou bien ceux possédant le plus d’argent pouvaient acheter plus de vote et ainsi s’assurer que leur campagne soit plus fructueuse que les moins fortunés. Il devint rapidement un système familial, éloignant ainsi du pouvoir la très grande majorité de la population. Suite à cette tournure des évènements, un nationalisme se développa afin de se libérer des Américains. De ce fait, il est clair que la démocratie est loin de s’être consolidé dans la mentalité et la culture de la population. Le risque de coup d’état et d’instabilité politique plane sur le territoire philippin. De cela, nous en avons la preuve quelque années plus tard, lorsque Marcos pris le pouvoir et le transforma en régime autoritaire.
Si le régime est hautement instable encore aujourd’hui, c’est qu’il n’a pas été consolidé au niveau de la population. En effet puisque les bases de la démocratie sont fondées sur la représentation des volontés de la population, il est évident que le peuple doit adopter la démocratie et être lui-même convaincu qu’il s’agit du meilleur système pour lui, autrement, le coup militaire et les soulèvements armés ne sont pas facilement évitables.
Bien sûr d’ici quelques années ou décennies, il est possible de consolider d’avantage ce système. Néanmoins, le cas des Philippine est une preuve comme quoi la démocratisation imposée par un autre État finit difficilement par avoir un résultat positif à court terme. Les Philippines doivent s’approprier leur démocratie afin qu’elle soit plus représentative que celle imposée par les États-Unis.
[1] http://a330.g.akamai.net/7/330/25828/20081021195552/graphics.eiu.com/PDF/Democracy%20Index%202008.pdf
[i] Isoart, Paul. 1978. Les États de l’Asie du Sud-est. Paris : Economica, collection politique comparée. P.177.
BIBLIOGRAPHIE
Isoart, Paul. 1978. Les États de l’Asie du Sud-est. Paris : Economica, collection politique comparée. P.177.
Marcos, Ferdinand E. 1974. The democratic revolution in the Philippines. États-Unis: Prentice ̷ Hall International.
Granda, Nona. 1992. The rocky road to democracy; the case study of the Philippines. Canada. The North-South Institute.
Aquino, Corazon C. Liberté d’expression et démocratie. http://www.unesco.org/bpi/fre/3mai98/cory.htm
Camroux, David. 2006. Les Philippines, d’un coup d’État à l’autre. Le monde diplomatique. Juin 2006 : p.22-23