par Alicia Mersy
Le conflit du mouvement sécessionniste moro aux Philippines est l’un des plus longs conflits armés d’Asie du Sud-Est. Cette lutte est menée par les Moros qui vivent dans l’archipel du sud des Philippines et qui défient le gouvernement philippin depuis 1970. Ils réclament une plus grande autonomie pour leur territoire et pour certains l’instauration d’un État musulman indépendant. Les tentatives de conciliation ont ont mené à une radicalisation de la part de certaines branches du Front national de libération moro (FNLM) comme le Front islamique de libération Moro (FILM). Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le groupe Abu Sayyaf (ASG), faction du (FNLM) est classée par la États-Unis comme organisation terroriste. Le gouvernement philippin, soutenu par Washington tente d’éliminer cette organisation islamique radicale depuis sa création en 1991.
Les musulmans forment 5% (4,5 millions) de la population aux Philippines. Ces musulmans préfèrent être appelés moros. Le terme moro est l’appellation qu’ont donné les colons portugais en 1511 aux musulmans d’Asie du Sud-Est. Les musulmans philippins voient la lutte moro comme la continuation de la lutte menée par leurs ancêtres contre les influences extérieures: des Espagnols, puis des Américains et du gouvernement philippin. La demande des Moros pour un État indépendant débute lorsque les Philippines sont toujours sous l’emprise américaine. En tant que peuple minoritaire sous domination chrétienne philippine, les Moros se perçoivent comme les marginalisés et les plus pauvres du pays autant du point de vue politique que économique.
En raison du pouvoir centralisé, alors que Mindanao, une des trois zones d’importance de l’archipel philippin au sud et qui héberge la minorité musulmane, est riche en ressources naturelles, la population est pauvre. Selon Buendia, sur 81 provinces de l’État philippin, les provinces à domination musulmane sont les plus pauvres : Sulu, Tawi, Maguindanao, Lanao del, Sur et Sultan Kudarat. Selon les recensements en 1997 et en 2000. Mindanao est aussi la région des Philippines avec le plus bas taux d’accès à l’eau potable et à l’électricité. (https://eprints.soas.ac.uk/4362/1/AJPS13state_moro_conflict_in_the_philippines.pdf)
Le FNLM tente de protéger les droits de la nation moro. Les attentats perpétrés par les diverses branches du FLNM ont couté la vie à des milliers de gens, entrainé le déplacement de populations dans des pays voisins, détruit des propriétés. Au cours du temps, des divergences de vues ont fait surface au sein des moros et ils se sont divisés en plusieurs groupes. Du premier FLNM a émergé le nouveau FLNM qui revendique l’autonomie plutôt que l’indépendance. En 1981, une nouvelle faction est crée par Salamat Hashim : le Front Islamique de Libération Nationale (FILN) qui met l’Islam au centre de son idéologie. En 1991, la branche la plus radicale du FNLM est formée par Abdurajak Abubakar Janjalani, le groupuscule Abbu Sayyaf. Jusqu’à 2005, d’autres factions ont émergé tels le National Islamic Command Council (NICC) et MNLF renegades.
L’organisation Abu Sayyaf est basée dans le sud des Philippines. Elle a été impliquée dans la plupart des attaques terroristes, enlèvements, vols et autres actes qui ont pour cible des civils chrétiens mais aussi musulmans et des touristes étrangers. L’ASG a des liens avec des membres de Jemaah Ismamiyah, groupe islamiste indonésien responsable des attentats de Bali en 2002. Depuis 2003, les dirigeants du FILN et du MNLF ont rompu en grande partie leurs liens avec JI et ont condamné les violences à l’égard des civils des attaques perpétrées par Abu Sayyaf. Cette organisation est composée de jeune ex membre de FLNM et on estime leur force militaire entre 300 et 1000 guérilleros. Le FLNM rejette et dénonce les activités de l’ASG et la décrit comme étant formée de bandits ayant donné à l’Islam un mauvais nom.
Tout comme Jemaah Islamyah en Indonésie, le FILN tente d’établir un État islamique indépendant du reste des Philippines au sud. Bangsa Moro (nation en malais), nom que le FLNM donnent à leur territoire, comprend 13 provinces et 9 villes dont Lanao del Sur, Maguindanao, Cotabato, South Cotabato, Palawan, Sulu, Tawi-Tawi. Le FILN lui, déclare que Bangsa Moro devrait comprendre tout l’espace géographique dominé par les musulmans (contient six provinces). Les autres factions moros comme l’ASG on encore d’autre concept du Bangsa Moro. D’après Rizal G. Buendia “There is no single idea of a Bangsa Moro among the Muslims asserting their right to self determination.”
Ce conflit est loin d’être résolu principalement car les moros sont très divisés et la première étape est de constituer une force unie face à l’adversaire. De son coté, le gouvernement de Manille doit garantir les droits de l’homme et le bon développement du sud musulman philippin. Pour venir à bout de ces insurrections, il est essentiel de permettre aux Moros de se sentir partie prenante au niveau politique et socio-économique et ce, sans discrimination. Depuis 2001, les gouvernements de la région sont encouragés à joindre la lutte au terrorisme et tendent à adopter une posture de confrontation vis-à-vis les mouvances rebelles. L’attitude anti dialogique du régime philippin est en partie tributaire de la rhétorique américaine qui a pénétré les gouvernements de la région.
RÉFÉRENCES:
https://eprints.soas.ac.uk/4362/1/AJPS13-state_moro_conflict_in_the_philippines.pdf
http://wwwarc.murdoch.edu.au/wp/wp146.pdf
http://www.simmons.edu/academics/undergraduate/political-science/docs/Abuza_Phlmorodeal_Aug_2008.pdf