Par Jarryd N’michi
Dix ans après la crise financière qui a ébranlé toutes les économies d’Asie, la situation économique de la Malaisie n’est pas encore brillante, mais elle est bien meilleure que celle de la plupart de ses voisins de l’Asie du Sud-est. Plusieurs ombres planent toutefois sur l’avenir du pays, notamment la dépendance de l’économie malaisienne envers la vitalité des marchés étrangers (États-Unis) et la concurrence féroce de la Chine.
Le pays avait fait le choix de sortir de la crise asiatique « à sa façon », c’est-à-dire sans l’aide du FMI. Grâce, en grande partie, à une succession de mesures prises par son gouvernement, le pays a su surmonter la crise. Aujourd’hui, la Malaisie possède une économie assainie, ouverte et relativement dynamique qui offre des perspectives de croissance appréciables. L’une inflation est contenue.
En matière de rétablissement économique, la Malaisie ferait partie des exemples à suivre pour les autres pays de la région. Elle reste un des pays qui a le plus courageusement restructuré les mauvaises dettes de ses entreprises ainsi que son système bancaire. Le premier ministre a également pris en main depuis deux ans le nettoyage du milieu des affaires, longtemps souillé par le népotisme et la corruption attribués aux réseaux de l’ancien gouvernement. Comme en 1998, le gouvernement a décidé de renvoyer en masse des centaines de milliers de travailleurs émigrés.
Après 2001, qui fut marquée par six mois de récession (ralentissement mondial et creux du cycle électronique), 2002 fut l’année du rebond avec une consommation domestique soutenue, gonflée par des artifices tels qu’une prime exceptionnelle aux fonctionnaires. Le redressement des prix de l’huile de palme (dont la Malaisie est l’un des premiers producteurs mondiaux) fut bienvenu dans les campagnes.
La Malaisie n’a pas encore tout à fait retrouvé les indicateurs de 1997. Le ringgit reste indexé sur le dollar, une moyenne à 3,80, alors que sa valeur d’avant-crise était de l’ordre de 2,5. Depuis 2000, la croissance se situe à des taux à deux chiffres. Le chômage, quasiment nul en 1997 (2,5 %), se situe aujourd’hui à plus de 3 %. Enfin, les réserves de la banque centrale ont retrouvé un seuil confortable (cinq mois et demi d’importations). On s’attend à voir la croissance se confirmer. Le gouvernement mise sur 6 % ou plus pour 2008, mais la plupart des analystes indépendants modèrent l’enthousiasme officiel et tablent plutôt sur une croissance de 4,5 %.
Le gouvernement malaisien, qui est toujours prêt à financer une relance au premier signe d’essoufflement, a déjà annoncé son intention d’injecter prochainement entre 3 et 5 milliards de ringgits (environ un milliard d’euros) dans l’économie. Ce troisième réamorçage en deux ans devrait bénéficier principalement à la construction immobilière et aux infrastructures, mais par le biais cette fois de petits projets afin que les effets soient plus rapides. Diverses mesures fiscales (réduction des cotisations retraites des employés) devraient également stimuler la consommation des ménages. Ces nouvelles dépenses vont certes aggraver le déficit budgétaire et alourdir la dette publique. Le gouvernement s’est néanmoins engagé à renouer avec l’équilibre budgétaire en 2009.
Les défis de la mondialisation
La flambée des prix du baril de pétrole pourrait faire indirectement faire souffrir l’économie du pays. En effet, la Malaisie, bien qu’exportatrice nette de pétrole, est très en fonction de l’économie mondiale, et plus particulièrement à l’économie américaine, son premier partenaire commercial. Le ralentissement économique aux États-Unis devrait avoir un impact sur la vitalité économique du pays.
Dans un contexte de plus en plus mondialisé, c’est la Chine qui pose le plus de problèmes pour le pays. Cette dernière rafle chaque jour non seulement des investissements étrangers potentiels, mais aussi des parts entières de la chaîne industrielle, principalement dans les composants électroniques (qui représentent 60% du PIB malais).
Il ne faut pas oublier que la production manufacturière reste le poumon de l’économie malaisienne. La Malaisie doit se réorienter afin de rester compétitive à l’échelle mondiale. Ainsi, le gouvernement cherche des domaines de complémentarité, notamment dans les services (banques, tourisme, transports, biotechnologies, communication…), tout en espérant préserver le haut de gamme de la chaîne industrielle. Il espère aussi bénéficier, comme le reste du monde, de l’ouverture du marché chinois.
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Bibliographie
Jean-Marie Bouissou et Diana Hochraich. Après la crise les économies asiatiques face aux défis de la mondialisation. En ligne. (page consultée le 19 juin 2008)
Rodolphe De Koninck et Terry G. Mcgee. Du miracle économique à la crise financière en Asie du Sud-est : érosion des acquis sociaux et retour de la pauvreté ? En ligne. (page consultée le 19 juin 2008)
Jomo K. Sundaram. “La crise des tigres asiatiques et ses incidences mondiales : Une analyse au départ de l’Asie. » Tigres du Sud : Crise d’un modèle ou contradictions de l’économie capitaliste. Louvain-la-Neuve : L’Harmattan, 1999 : pp. 25-68.