Singapour, la cité-État jardin

Par Tariq Rami

Ancienne colonie-entrepôt fondée par les Britanniques en 1819, la République de Singapour est aujourd’hui une cité-État cosmopolite d’Asie du Sud-Est, située sur un important carrefour des échanges mondiaux, à l’est du détroit de Malacca entre l’Indonésie et la Malaisie. Avec une superficie totale de seulement 700 km2 pour une population de 5,5 millions d’habitants en 2014, Singapour est constituée de 64 iles. Sa principale, Palau Ujong, possède un territoire très densément urbanisé et peuplé (7 800 hab./km2 en 2014) dont la végétation implantée historiquement au cœur même du centre-ville, lui a valu le surnom de « ville jardin » [1].

Cette cité-État est souvent montrée comme un modèle pour son développement économique rapide et pour son spectaculaire réaménagement urbain amorcé après l’indépendance de 1965. Malgré le peu de ressources et des problèmes socioéconomiques nombreux (surpeuplement, pénurie de logements, gestion de l’eau), l’exemple de Singapour est particulièrement intéressant car les stratégies de son développement ont, depuis les débuts de son urbanisation et de son industrialisation, mis l’emphase sur le verdissage de son espace urbain comme élément clé pour un milieu de vie de haute qualité [2].

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L’augmentation de la densité de population est un facteur significatif de la diminution des espaces boisés naturels et de leur accessibilité dans de nombreuses métropoles à haute densité de population comme New York, Londres, Hong Kong ou encore Séoul. Dans le cas de Singapour, cet accès à la végétation est, malgré l’augmentation de la superficie consacrée aux parcs et espaces verts urbains, resté constamment en deçà de la cible planifiée par les autorités, compte tenu de la pression générée par de plus en plus de zones bâties sur ces espaces verts naturels [3]. Ainsi, on peut se demander comment l’aménagement des espaces verts à Singapour a été mis en application et géré par les politiques urbaines afin d’assurer le statut de « ville jardin » donné à la cité-État.

L’importance de cette composante urbaine repose sur le fait que la ville est devenue et continuera graduellement d’être le principal foyer de peuplement choisi par les hommes. Dans les faits, Singapour est le précurseur de l’urbanisation verte en Asie du Sud-est, ses politiques originales d’urbanisation ayant mis l’accent sur la construction d’un environnement vert et durable dès l’indépendance. Cette orientation est de plus en plus calquée par d’autres villes asiatiques, qui commencent à donner les incitatifs nécessaires au verdissage de leur territoire, ayant atteint un stade avancé d’urbanisation comparable à celui de Singapour [4].

Posant les bases d’un développement à long terme en tant que « Garden City », plusieurs stratégies ont donc été successivement mises en œuvre par les gouvernants pour maintenir un niveau suffisant de végétation urbaine à Singapour, compatible avec sa croissance démographique. En effet, une grande partie de la couverture forestière originelle de la ville, qui avait été perdue en raison de l’urbanisation et de l’industrialisation, a été remplacée par une végétation recréée sous la forme d’espaces verts urbains (UGC) [5].

Ces Urban green spaces (UGC) sont, parmi les mesures proposées pour appliquer ce processus de verdissage, les plus clairement observables avec notamment les parcs publics, le boisement systématique du bord des routes et l’aménagement obligatoire de végétation autour des bâtiments publics comme privés. On note cependant que, sur le total de la couverture végétale de la ville, ces espaces aménagés comptent pour la moitié seulement, l’autre étant constituée d’espaces verts naturels (c’est-à-dire non aménagés) comprenant notamment les réserves naturelles situées au centre et à l’est de l’ile principale, et sur certaines iles de Singapour [6].

L’évaluation de l’accès aux espaces verts dans la ville permet de se rendre compte que la distribution de la végétation dans le contexte urbain est plus importante – per capita – que la quantité totale de végétation existante, pour créer une sensation de verdure omniprésente. Ainsi, les politiques appliquées permettent d’augmenter la visibilité et donc la perception d’une ville plus verte, en plus de la quantité réelle d’espaces verts aménagés. L’évaluation de cet accès est possible grâce au Park provision ratio (PPR) qui mesure le nombre d’hectares de parcs publics disponibles pour 1000 habitants (objectif 0.8 hectare pour 1000 habitants à Singapour). Cet indicateur montre qu’une augmentation de la densité de population entraine une réduction du PPR, et même lorsque le nombre d’hectares de végétation augmente, si la densité augmente plus vite encore, on observe une baisse de ce ratio [7].

Or depuis le début des années 1980, cet indicateur a été l’un des plus importants pour la planification de l’utilisation des terres à Singapour. Tenir compte de la hausse de la densité de population dans l’aménagement d’espaces multifonctionnels constitue le fer de lance de l’action gouvernementale. Le territoire étant limité, la préservation d’espaces non aménagés et l’implantation d’espaces urbains verts ne suffisant pas à long terme, il est également nécessaire de trouver des espaces complémentaires dans le paysage urbain pouvant jouer le rôle d’espaces verts [8] : une attention particulière a donc été donnée, dans les récents plans de développement, pour développer une cité jardin verticale en utilisant des infrastructures déjà construites comme les jardins sur les toits ou encore les murs végétaux sur les façades des immeubles.

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Devant ces constats, et avec des projections de population prévoyant une population de 6 millions d’habitants pour 2020 et de presque 7 millions en 2030 selon les tendances démographiques actuelles de naissance, d’immigration et d’espérance de vie , Singapour devra dans les prochaines décennies, continuer à soutenir un urbanisme vert et efficace en tenant compte des problématiques inhérentes à son territoire, pour rester un relais solide dans le réseau des villes globales et confirmer son statut de « ville dans un jardin ».

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Références

[1] CIA – The World Fact Book (en ligne)
[2] Guillot p.168
[3] Tan, P. Y., Wang, J., & Sia, A. p.26
[4] Ibid p.24
[5] Guillot p.170
[6] Tan, P. Y., Wang, J., & Sia, A p. 27
[7] Ibid pp. 26-28
[8] Soh, E. Y., & Yuen, B. p.4
[9] National Population and Talent Division. p.60
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Bibliographie

CIA. (2014). The World Fact Book – Singapore. (En ligne : page consultée le 21 novembre 2014).
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/sn.html

Guillot X., (2007). Singapour : l’urbanisation du Sud dans le prisme de la mondialisation. Autrepart, n° 41, p. 165-179. DOI : 10.3917/autr.041.0165

Soh, E. Y., & Yuen, B. (2011). Singapore’s changing spaces. Cities, 28(1), 3-10.

Tan, P. Y., Wang, J., & Sia, A. (2013). Perspectives on five decades of the urban greening of Singapore. Cities, 32, 24-32.

The Guardian – Sustainable cities: innovative urban planning in Singapore
http://www.theguardian.com/sustainable-business/sustainable-cities-innovative-urban-planning-singapore

National Population and Talent Division. (2013). A sustainable population for a dynamic Singapore. Chap. 5, 51-62
http://population.sg/whitepaper/downloads/population-white-paper.pdf

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Vidéographie

Les dessous des cartes – Singapour, la mondialisation à quel prix ?
https://www.youtube.com/watch?v=Is7fWEfqYwY

Our Garden City – Greening of Singapore

Lien pour marque-pages : Permaliens.

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