PAR MAUDE DERÔME
Étudiante à la maîtrise à l’Université d’Ottawa
15 janvier 2008
Je vous envoie quelques premières nouvelles de Belém…
Porte de l’Amazonie, Belém est pourtant bien loin d’une ville de la
jungle…Définitivement urbaine, populaire, l’infinie mouvance des rues du
centre étourdit le nouvel arrivant, qui court se rafraîchir d’une agua de
coco annoncée à coup de puissants poumons chaque coin de rue. D’un
quartier à l’autre, ces rues, traversées, ruelles et boulevards, changent de
tête, d’ambiance…Depuis la rêverie du centre historique aux édifices
délabrés d’allure de la Havane, c’est le mercantilisme détonnant du
quartier Comercio qui étonne ! Du sous-vêtement frivole au Hamburger
américain, en passant par les gadgets plastiques bien chinois et
taiwanais, on trouve de tout dans les rues de Belém. En poursuivant la
marche infatigablement vers l’ouest, on déboule alors en pleine névralgie
belimoise: le marché Ver-O-Peso et son incontournable marché de poissons
(surtout vers 3h du matin quand les pêcheurs étalent leurs milliers de
prises odorantes aux regards négociateurs des restaurateurs et
hôtelliers), et puis le port, avec ses énormes bateaux noyés sous toutes
leurs marchandises.
Mais voilà qu’en janvier 2009, Belém se transforme et les Bélimois aussi.
À l’approche du forum, on nettoie les rues, on réforme les écoles qui
accueilleront les participants, on repeint les agences touristiques
improvisées. Les hôtels affichent complet, les lignes téléphoniques
surchauffent, les chapiteaux sont montés à grand fracas de métal. Et pour
ceux qui voudraient oublier la venue du forum, il leur faudra éviter les
grandes artères commerciales « nettoyées » des petits vendeurs relégués en
périphérie, et ne pas prendre le taxi, avec leurs chauffeurs fraîchement
sortis des cours intensifs de tourisme international, prêts à étaler tout
leur savoir pour un bon pourboire…Il leur faudra aussi éviter de
discuter avec ceux dans les rues et dans les petits bars, qui rappellent
avec désillusion que le forum prévoit produire plus de 50 tonnes de
déchets dans une ville qui dispose d’un système de collecte plus que
déficient. Mais rassurons-nous, tout sera envoyé au dépotoir local sur
lequel vivent déjà de trop nombreuses familles, qui se
réjouiront certainement de telles offrandes, non ? Au fond, ce sera une oeuvre humanitaire de plus… même chose pour la garde militaire dépéchée
sur les lieux pour assurer « la sécurité des étrangers » alors que la ville
ne sait plus que faire de toutes les violences quotidiennes que renferment
ses murs, mais celles-ci ne touchent que les locaux bien sûr…
Je suis ici terriblement cynique, mais je ne fais que rapporter le ton
rapidement perceptible dans les petits quartiers. Rassurons-nous, le forum
attire également son lot d’enthousiasme, particulièrement chez les
étudiants, les églises, et les petits vendeurs d’artisanat !
Sur les sites du forum, les deux universités principales de la ville,
l’organisation va bon train. Situés dans la verdure, les lieux sont
agréables (notamment pour le campement de la jeunesse) et les
installations en pleine élaboration. Les transports sont des plus faciles
(peut-être deviendront-ils de véritables cauchemars avec l’affluence
prévue mais enfin) entre l’aéroport et le centre, le centre et les lieux
du forums, et entre les deux lieux du forum même. Je tente de m’informer
concernant le mode de distribution d’eau etc, mais s’il y en a qui ont la
fibre ecologique, sachez que vous vous retrouverez ici en terre de plastique ! Les rivieres debordent de rebus de bouteilles, petits verres, sacs et emballages de toute sorte, une gourde (ou la réutilisation de la même bouteille) est on ne peut plus appropriée !
Arrivons donc au forum pleins d’enthousiasme, gagnés de l’effervescence
que l’on sent ici monter tranquillement, mais en gardant toujours en tête
que nous sommes au Brésil, dans un état qui plus est fort inégal, dans une
ville dont certains habitants ne perçoivent des sauveurs altermondialistes
que la cause et non la solution à leurs maux (combien de fois par jour
j’entends des « ça va être encore du blablabla et tout l’argent qui est mis
pour parler, pourquoi ils le mettent pas pour que le pays soit vraiment
changé »), ou encore un attrait mercantile bien apprécié…