LE CONGO, UN PAYS MAUDIT?
Par Adil Boukind
Quand l’on s’intéresse à la répartition des ressources dans le cadre du développement économique des pays, un paradoxe relativement étrange apparaît. Contrairement à ce que la majorité pourrait penser, un fort volume de ressources sur son territoire n’assure pas un développement économique. Comment des pays comme les Tigres d’Asie, le Canada et la Suisse ont-ils réussit à devenir de grandes puissances? Il est clair que les ressources naturelles (gaz, pétrole, minerai) ne sont pas les facteurs prépondérant pouvant expliquer la puissance économique d’un État. Malgré tout, il semble quand même exister une corrélation entre ces deux facteurs. L’abondance de richesses naturelles semblent être source de faiblesse économique ainsi que d’instabilité politique .
Cet article se concentrera sur un autre pays: la République Démocratique du Congo (RDC). En effet, ce pays possède la particularité à la fois d’être un pays extrêmement riche dans ses ressources naturelles mais aussi d’être un des pays les plus pauvres sur le plan économique. Comment une telle contradiction est-elle possible? Cette pauvreté est-elle le résultat d’une politique nationale, ou au contraire est-elle causée par des acteurs étrangers? Nous mettrons l’accent sur l’aspect environnemental en analysant essentiellement ce domaine et en supposant que dans ce cas-ci la possession importante de richesse est contreproductive. Quel est type de lien qui existe entre la possession de ressources naturelles et la richesse (ou pauvreté) économique? Pouvons nous parler de corrélation ou bien de causalité entre ces facteurs?
Un enjeu stratégique
La RDC est considérée comme étant le centre de l’Afrique non seulement par sa géographie mais aussi par d’autres facteurs qui débouchent de cette place géographique. Pour donner quelques chiffres, le pays fait près de 80 fois la taille de son ancien colonisateur qui est la Belgique. Sa superficie importante fait de lui un des pays les plus grands d’Afrique. L’importance de sa position est en grande partie due au fait que le pays compte 9 frontières distinctes d’une distance de près de 9 000 km. Le pays joue le rôle de pays tampon. Comprenant l’importance de cet état, les États-Unis ont décidé d’être présent dans le pays notamment via des accords leur permettant de faire atterrir leurs avions dans les aéroports congolais. Ces accords sont stratégiquement importants dans le sens où ils permettent aux États-Unis d’avoir un pied au centre de l’Afrique non loin du Moyen Orient. Les accords économiques restent aussi très fort entre les deux États puisque le Congo fournit près de 8% des ressources américaines de pétrole. Cependant le pays n’est pas seulement riche en pétrole mais aussi dans d’autres produits. Le pays possède près de 50% des réserves mondiales de cobalt et 8% des réserves de cuivre. Son sol est incroyablement fertile par rapport au reste du continent. Au niveau du sol, le pays est un fort producteur d’uranium et compte parmi les quatre pays producteurs de diamants. Enfin, le pays possède le deuxième plus fort potentiel hydroélectrique au monde après la Chine. Cette pauvreté semble être inexpliquée compte tenu de tout ce potentiel.
Certains auteurs parlent de « drames »[1] pour décrire la situation en RDC. Ces drames seraient de trois types: géologique, énergétique et le dernier concernant l’agriculture. Le premier concerne la richesse de la terre en matière de minerai et de pétrole. Ce drame se traduit essentiellement par la sur-concentration dans le sud du pays des ressources citées précédemment. Ces ressources n’ont pas été réparties avec les autres états de manière homogène et seraient source de tensions. Concernant l’énergie, ce drame s’adresse au potentiel hydroélectrique non exploité. De même que le drame énergétique, le drame agraire est lié à l’eau. De part son important parc aquatique, le pays possède une importante zone forestière aidant à la biodiversité du pays. Un mot aussi fort que « drame » s’explique par la théorie des malédictions.
« La malédiction des ressources »
Un mouvement théorique tente de répondre au paradoxe dont nous avons parler plus tôt dans cet article. Comment se fait-il qu’un état riche en ressources naturelles puisse être pauvre économiquement?Les auteurs parlent pour qualifier cette « malédiction » de syndrome du hollandais[2]. Cette théorie suppose qu’une importante quantité de ressources naturelles serait une source principale de fragilité économique et d’instabilité politique. Un pays atteint de ce syndrome est donc un pays ayant une importante richesse naturelle mais n’arrivant pas à atteindre un certain niveau de richesse. Au niveau économique, cette faiblesse est due aux lois du marché: les matières premières sont des produits de natures élastiques[3] (c’est-à-dire qui sont très sensibles à la nature du marché) à cause du fait de la concurrence qui s’opère à ce niveau. L’instabilité de ce type économie ne permet pas au pays de se former une base solide lui permettant de se développer.
Une des autres conséquences pourrait être la cupidité de l’homme. Celle-ci pousse ces derniers à tenter de s’accaparer les biens de l’État pour les revendre aux acteurs étrangers (autres États, firmes multinationales, etc.). Ce phénomène a pu se constater dans le cas de la RDC avec les groupes rebelles qui se finançaient pendant la guerre des grands lacs en revendant les ressources naturelles du pays. Cette course aux richesses est bien sur sollicitée par les pays faisant des échanges avec les groupes rebelles. Une tension se crée alors à la fois au niveau national mais aussi à l’internationale rendant le développement difficile.
Finalement le développement semble difficile pour la République démocratique du Congo à cause non seulement de sa géographie mais aussi de ses « drames » dont elle est victime en matière d’écologie. Toutes ces ressources ont provoqué des tensions aussi bien économiques, environnementales ou même politiques dont il est difficile pour la RDC de s’en sortir. La jalousie des autres états envers ces ressources constitue une menace continue sur le long terme pour la RDC. La structure du pays, qui n’est pas abordée dans cet article, est aussi un de ces facteurs faisant office de barrage au développement. Il est évident que le pays ne peut pas commencer à se développer seul s’il n’a pas dépassé ses problèmes institutionnels (le problème ne peut pas vraiment être réglé). L’intervention d’une organisation neutre comme l’Organisation des Nations Unies pourrait permettre, en vertu de l’article 6 ou 7 de la charte de l’ONU, la mise en place de forces armées pour restaurer la paix d’une part et aussi diminuer le vol de ces ressources. Malgré cela, la stabilisation politique ne devra se faire que par le pays lui même.
Bibliographie
1) Marie-France Cros et François Misser – « Géopolitique du Congo (RDC) »
2) Jean Paul Mopo Kobanda – « Les crimes économiques dans les Grands Lacs d’Africains. » – Editions Menaibuc.
3) « Les ressources naturelles au service du développement de l’Afrique – Rapport sur le Développement en Afrique 2007 » – La Banque Africaine de Développement.
[1] Marie-France Cros et François Misser – « Géopolitique du Congo (RDC) »
[2] « Les ressources naturelles au service du développement de l’Afrique – Rapport sur le Développement en Afrique 2007 » – La Banque Africaine de Développement.
[3] Jean Paul Mopo Kobanda – « Les crimes économiques dans les Grands Lacs d’Africains. » – Editions Menaibuc.