FEMMES ET DÉVELOPPEMENT : L’EXEMPLE DU GUATEMALA

Par Paméla Blais

Au Guatemala, la société est historiquement de type patriarcal. La tradition fait que la femme y dispose d’un rôle de ménagère et d’éducatrice tandis que l’homme se voue à son travail permettant de fournir le revenu nécessaire à la famille. Toutefois, comme ce fut le cas il y a quelques décennies dans les sociétés occidentales, les femmes du Guatemala sont en train de s’émanciper et d’acquérir une place de plus en plus importante dans toutes les sphères de la société. Elles participent de la sorte, elles aussi, d’une manière essentielle au développement du pays[1].

Je vais ainsi, dans ce quatrième billet, m’intéresser au rôle de la femme dans le développement et à l’émancipation de la femme, plus particulièrement au Guatemala. J’étudierai la situation des femmes guatémaltèques et j’illustrerai, par l’exemple d’une coopérative artisanale, leur contribution au développement. Je vais ensuite présenter brièvement le portrait d’une femme du Guatemala qui est un grand modèle pour le développement et la lutte pour les droits de la personne dans son pays et dans le monde: Rigoberta Menchú Tum.

Puisque est abordée ici la notion de développement, il est intéressant de s’attarder quelque peu aux postulats féministes en la matière. Dans cette lignée idéologique, la chercheuse Andrée Michel, ayant étudié entre autres la situation féminine en Amérique latine, propose que nous voyions le développement en rapport avec la femme comme un concept bien au-delà de la croissance économique. Elle dénonce l’invisibilité de la femme dans la participation au développement, puisque celle-ci est souvent dénuée d’une création de profit. Toutefois, la contribution féminine à la société, par exemple dans la sphère politique et sociale, serait absolument nécessaire au développement. Dans un esprit néo-marxiste, elle affirme que c’est d’abord en travaillant sur l’équité homme-femme et en démystifiant le discours sexiste que nous arriverons à  «libérer» les classes exploitées et permettre un développement plus intégré[2].

Du côté du Guatemala, les femmes ont longtemps été victimes d’oppression et de soumission à l’homme. Bien qu’elles soient de plus en plus présentes sur le marché du travail et qu’elles commencent à réclamer l’équité des sexes, elles auraient pourtant toujours peu de pouvoir d’autorité et de gestion financière dans la famille selon la chercheuse en études féministes Marion W. Carter[3]. Le modèle patriarcal et d’inégalité, relié à des facteurs ethniques et religieux, serait fondamentalement implanté dans la société guatémaltèque, ce qui rend l’émancipation féminine difficile. Néanmoins, il ne faut pas qu’y voir du pessimisme. Carter observe aussi un renforcement féministe et d’équité en corrélation avec l’implication des femmes dans l’économie et la politique du pays. D’un autre côté, elle constate un dévouement grandissant des pères de famille dans des sphères réservées traditionnellement aux femmes[4].

La participation économique et politique des femmes guatémaltèques est ainsi synonyme de contribution au développement du pays. Elle se reflète dans des actions diverses, dont la formation de coopératives féminines dans lesquelles elles travaillent ensemble et partagent les profits pour le bien-être de leur communauté, y compris les hommes et les enfants. Personnellement, j’ai pu observer les activités d’une coopérative d’artisanat équitable, Flor del Campo, dans le village de Patzaj où je suis allée en 2005. Les femmes qui font partie de cette coopérative, membre de l’association de femmes mayas Tejidos Guadalupe, tissent des vêtements et accessoires pour les revendre entre autres au Canada, en Allemagne, aux États-Unis et en Espagne[5]. De plus en plus connues, on peut même les voir dans une vidéo sur internet chantant leur hymne personnel qui reflète leur grande solidarité et leur dévouement à leur communauté et leur travail. On comprend que la solidarité entre ces femmes leur permet de développer un plus grand sentiment d’appartenance, d’obtenir un certain pouvoir dans la communauté et de vaincre l’isolement.

Il serait impossible de parler de femmes du Guatemala sans mentionner la célèbre Rigoberta Menchú Tum, récipiendaire du Prix Nobel de la Paix en 1992. En plus d’avoir promu la situation de la femme au Guatemala par l’exemple qu’elle représente dans la société, Mme Menchú a lutté au cours des années 1980 contre l’oppression militaire et les droits bafoués des indigènes paysans, surtout en ce qui concerne le droit à la terre[6]. Rigoberta Menchú Tum, à l’âge de 51 ans, s’occupe aujourd’hui d’une fondation qui agit dans le sens de la lutte à laquelle elle s’est vouée toute sa vie. Pour en connaître plus sur la Fondation Rigoberta Menchú Tum et les projets proposés de développement et de lutte pour le respect des droits fondamentaux, visitez le http://www.frmt.org/en/ .

rigoberta_menchu

Crédit photo : http://rogerhollander.files.wordpress.com/2009/03/rigoberta_menchu.jpg

En somme, la femme est aujourd’hui un élément important dans le développement, d’autant plus qu’elle gagne en importance sur le marché du travail et sur la scène politique. On ne peut plus ignorer la contribution féminine au développement parce qu’elle est aujourd’hui omniprésente et essentielle. La femme guatémaltèque réussit par exemple graduellement à s’émanciper et à faire sa place dans la société, probablement grâce à un élément des plus importants : la solidarité. Il aurait aussi été très intéressant d’explorer plus précisément comment les femmes guatémaltèques s’impliquent dans le milieu politique, mais une chose est certaine, Rigoberta Menchú Tum est un exemple à suivre pour des milliers de femmes du Guatemala et d’ailleurs, qui désirent montrer ce dont elles sont capables et se battre pour leurs droits.

Bibliographie

Carter, Marion W. 2002. « ‘Because He Loves Me’: Husbands’ involvement in Maternal Health in Guatemala ». Culture, Health & Sexuality 4 (no. 3): 259-279.

Carter, Marion W. 2004. « Gender and Community Context: An Analysis of Husbands’ Household Authority in Rural Guatemala » Sociological Forum 19 (no. 4) : 633-652.

Michel, Andrée. 1988. « Femmes et développement en Amérique latine et aux Caraïbes » Recherches féministes 1 (no. 2) : 19-38.

Tejidos Guadalupe. 2010. « What We Do? » En ligne.   http://tejidosguadalupe.org/que_hacemos_eng.html (page consultée le 3 avril 2010).

The Nobel Foundation. 1992. « Rigoberta Menchú Tum: Biography » En ligne. http://nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/1992/tum-bio.html (page consultée le 3 avril 2010).


[1] Carter (2002), p. 276.

[2] Michel, p. 35.

[3] Carter (2004), p. 649.

[4] Carter (2002), p. 262.

[5] Tejidos Guadalupe, en ligne.

[6] The Nobel Foundation, en ligne.

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04 2010

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