1978-2001 : L’AGONIE AFGHANE
Par Delphine Meunier
Depuis le coup d’État de 1978, le régime en Afghanistan est communiste, mais il n’arrive pas à s’imposer. Le 24 décembre 1979, l’URSS envahit alors l’Afghanistan pour « sauver » le régime communiste sur le point d’imploser. Le pays ne connaîtra plus jamais la paix. Nous allons pour le moment nous concentrer sur la période 1978-2001 et nous demander quels ont pu être les programmes de développement alors que le pays est ravagé. Dans un premier temps, nous étudierons la phase 1978-1989, puis 1989-2001.
La décennie suivant le coup d’État est marquée par un retournement politique. L’État met en place des mesures au nouveau visage communiste. C’est pour lui le meilleur moyen de développer l’Afghanistan. Entre autres, il redistribue 296 000 hectares de terres, modifie le système de distribution d’eau qui favorisait les mirab (contrôleur distribuant l’eau). Toutefois, ces mesures ne s’appliquent pas en province où l’État n’y a jamais eu d’autorité[1].
De plus, en économie, le gouvernement favorise le secteur industriel, minier et de l’énergie. Voici une conséquence : il faut plus de main-d’oeuvre pour soutenir ces secteurs. Comme l’agriculture passe en second plan aux yeux du gouvernement, ce sont les agriculteurs qui travaillent désormais dans ces secteurs. La main-d’oeuvre disponible en agriculture baisse de 20-30%. L’agriculture étant le pilier économique du pays, cette baisse provoque la chute du PIB de 1% à 4% par an depuis 1978. Le déficit commercial est d’un milliard de dollars, provoquant une inflation allant jusqu’à 27%[2]. Par conséquent, les politiques gouvernementales de développement échouent.
L’hostilité du régime empêche l’aide internationale d’agir en Afghanistan. C’est l’UNHCR (United Nations High Commissary for Refugees) qui initie l’aide, amenant les autres organismes à en faire de même[3]. Les États-Unis, par exemple, établissent un Programme d’Aide Humanitaire Trans-Frontalier pour soutenir les Afghans réfugiés au Pakistan et ceux restés en Afghanistan[4]. Sous l’occupation soviétique, l’aide étrangère ralentie mais ne disparaît pas.
Quels impacts eut cette invasion sur le pays, puis sur son développement ? La première conséquence est que le pays perd presque 50% de sa population à cause de l’exode et des tueries[5]. Il n’y a plus de main-d’oeuvre, les infrastructures comme les systèmes d’irrigation ne sont plus entretenues[6]. La deuxième est que l’Afghanistan devient le pays le plus miné du monde[7]. L’invasion, l’occupation soviétique et la guerre du régime contre la résistance afghane réduisirent en poussière les efforts de modernisation précédents.
Le retrait en 1989 des troupes russes relance les programmes de développement. Mais avant de moderniser, il faut auparavant reconstruire. Or, les efforts de reconstruction échouent également. La raison principale est qu’il n’y a pas une vision claire de la situation. Par exemple, la population est isolée de l’administration dont elle se méfie. Un problème de langue empêche aussi les Afghans d’exposer leur situation. Les organismes ne peuvent donc se référer aux administrations pour connaître les conditions du pays, et ils ne peuvent pas non plus faire eux-mêmes ce travail qui est censé être accompli par l’administration.
La reconstruction fut un échec parce que les efforts ne se concentrèrent pas là où il le fallait. Par exemple, l’irrigation est un enjeu capital dans un pays où l’eau est rare. Les organismes ont reconstruit les infrastructures mais ne s’occupèrent pas du problème des voleurs d’eau[8]. À cette inefficacité s’ajoute l’hostilité des Afghans qui perdent confiance en ces organismes. Ces derniers, de même, font irriguer en priorité les meilleures terres pour subvenir aux besoins alimentaires nationaux. Or, ce sont les grands propriétaires qui possèdent ces terres-là.[9] Par conséquent, l’aide afflue dès 1989 mais le manque d’information et d’organisation l’empêche d’agir efficacement.
Toutefois, l’aide va vite diminuer. En effet, en 1989, l’URSS décline. En 1991, la Guerre froide s’achève. Les deux blocs ne sont plus en compétition. Pourquoi continuer à aider l’Afghanistan puisqu’il n’y a plus vraiment d’enjeu ? L’étranger prête moins, l’Afghanistan n’a plus d’intérêt[10]. Ainsi, entre 1989 et 1995, seulement 20 millions de dollars sont envoyés[11]. Avec si peu de moyen, les Afghans ne peuvent rebâtir leur pays ravagé.
Il y eut cependant quelques points positifs entre 1989 et 2001. L’Iran commence à aider l’Afghanistan[12], les routes sont réparées, des puits construits, des graines améliorées fournies, le système de santé et d’éducation rétabli[13]. Depuis la fin des années 1990, un programme alimentaire mondial permet aux veuves (qui sont 1,5 million de nos jours pour 20 millions d’habitants[14]) d’ouvrir une boulangerie. Les impacts sont aussi divers que bénéfiques : ceci réduit la famine, créer de l’emploi et du pouvoir d’achat, donne accès à un salaire[15]. L’aide internationale permit ainsi de reconstruire un peu. Mais, en ayant plus d’informations, elle aurait pu maximiser ses effets.
Pendant la période de 1978-2001, l’Afghanistan connu des coups d’État, une invasion, puis une guerre civile. En conséquence, les projets de développement se sont presque arrêtés. Au milieu des années 1990, un nouveau groupe émerge, les Taliban (singulier : talib). Ils jugent, à juste titre, que cet élément unifiant les Afghans qu’est l’Islam fut malmené par les soviétiques. Les Taliban voient en l’Islam un rempart contre l’extérieur impérialiste et un moyen d’unifier le pays[16]. Ils sont défaits en 2001. L’Afghanistan se retrouve à nouveau sans gouvernement. Heureusement, plus que jamais, le monde tient à aider l’Afghanistan, entre autres pour que les Taliban ne reviennent pas au pouvoir. Comment s’y prendre pour reconstruire et développer un pays qui n’a connu que la guerre depuis vingt ans ?
Bibliographie
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Ewans, Martin. 2010. Afghanistan: History. En ligne. http://europaworld.com/entry/ag.hi (page consultée le 13 janvier 2010).
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Zalesne, Deborah. 2007. « Letter: Helping Afghanistan’s Widows ». New York Times (New York), 24 décembre.
[1] André Bigot et Olivier Roy, The War in Afghanistan: an Account and Analysis of the Country, Its People, Soviet Intervention and the Resistance (Worcester : Harvester, 1988), 16.
[2] United States Agency for International Development. 1990. Afghanistan Macroeconomic Database Development. En ligne. http://dec.usaid.gov/index.cfm?p=search.getCitation&CFID=7542296&CFTOKEN=79187842&id=s_5E4D6914-D566-FC5C-DC79A983FD6830AD&rec_no=60123 (page consultée le 14 mars 2010)
[3] Habib Haider et François Nicolas, Afghanistan : Reconstruction et Développement (Gémenos : Autres Temps, 2006), 114
[4] Ewans, Martin. 2010. Afghanistan: History. En ligne. http://europaworld.com/entry/ag.hi (page consultée le 13 janvier 2010), 12.
[5] Ibid., 14.
[6] Peter Marsden. « Afghanistan: the Reconstruction Process ». International Affairs 79 (2003) : 92.
[7] Ewans, Martin. 2010. Afghanistan: History. En ligne. http://europaworld.com/entry/ag.hi (page consultée le 13 janvier 2010).
[8] Habib Haider et François Nicolas, Afghanistan : Reconstruction et Développement (Gémenos : Autres Temps, 2006), 121.
[9] Ibid.,122.
[10] Rasul Bakhsh Rais, « Afghanistan: a Forgotten Cold War Tragedy ». Ethnic Studies Report 18 (2000) : 138
[11] Habib Haider et François Nicolas, Afghanistan : Reconstruction et Développement (Gémenos : Autres Temps, 2006), 120.
[12] Angelo Rasanayagram, Afghanistan: a Modern History. (New-York : I.B. Tauris, 2003), 169.
[13] Peter Marsden, « Afghanistan: the Reconstruction Process ». International Affairs 79 (2003) : 92.
[14] Zalesne, Deborah. 2007. « Letter: Helping Afghanistan’s Widows ». New York Times (New York), 24 décembre
[15] Habib Haider et François Nicolas,.Afghanistan : Reconstruction et Développement. (Gémenos : Autres Temps, 2006), 145-46.
[16] Ewans, Martin. 2010. Afghanistan: History. En ligne. http://europaworld.com/entry/ag.hi (page consultée le 13 janvier 2010), 16.