LA LOI SUR LES INDIENS DE 1876 : RENFORCEMENT DE L’EXCLUSION SOCIALE
Par Janie Beaupré Quenneville
Depuis le début de la colonisation, que ce soit sous l’empire français ou britannique, les relations avec les « Indiens » ont toujours été difficiles. Alors victimes d’une grande discrimination de ces colonisateurs à cause de leur mode de vie « primitif », les Autochtones étaient grandement méprisés par ces derniers. Par exemple, en 1633, Champlain leur interdisait la consommation d’alcool[i] tandis que la Loi sur les Indiens de 1876 fondait des Réserves afin de cloîtrer les Autochtones au sein des terres ancestrales[ii]. Malgré le fait que ces incidents soient arrivés il y a plusieurs années, il n’est pas sans dire que ceux-ci ont un grand impact sur les sociétés autochtones actuelles.
Selon certains auteurs, l’histoire coloniale des autochtones est directement liée au sous-développement que connaît ce peuple. Effectivement, le niveau de vie, principalement lié aux problèmes économiques des Réserves, serait équivalent à celui que l’on retrouve dans les pays du Tiers monde[iii]. Cependant, étant résidant du Canada, soit le onzième pays ayant le plus haut PIB mondial selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)[iv], il est plutôt surprenant de constater qu’un groupe puisse connaître un développement aussi faible. « photo1 »
L’exclusion sociale, provoquée par l’arrivée des Réserves, serait au centre même de cette théorie. En fait, en imposant la Loi sur les Indiens, le gouvernement a pris le contrôle de plusieurs aspects de la vie des autochtones telle la vie sociale, politique et individuelle sans bien répondre à leurs besoins dans ces domaines[v]. Cette prise de contrôle a ainsi affecté gravement la population autochtone, principalement en instaurant un climat d’isolement social[vi]. Ceci fût provoqué principalement par l’émergence de la marginalisation de la population allochtone, soit les non-autochtones, qu’a instaurée la mise en place de la loi et, par le fait même, la reconnaissance d’une mauvaise gestion interne de cette société. Ainsi, par cette loi, « le mythe de l’infériorité des Autochtones est institutionnalisé et légalisé[vii] » auprès de la population canadienne.
Lors de la mise en place de cette loi, on assiste aussi à une massification de la pauvreté provoquée par cet isolement social et engendrant une précarité économique[viii]. Ainsi, tous les problèmes que connaît une société « normale » ont été concentrés dans ces Réserves sans instaurer les ressources nécessaires afin de les prévenir. De ce fait va se développer un contexte socio-économique très inférieur à ce que l’on retrouve au Canada et au Québec en général. Ainsi, le taux de mortalité est deux fois plus élevé que celui de la population canadienne, il y a trois fois plus de suicide dans les réserves que sur l’ensemble du territoire canadien, en plus d’un taux de victimisation (nombre de victime associé à un crime comme les agressions sexuelles et les meurtres) très élevé[ix].
L’aspect économique au sein des Réserves est aussi nettement différent que celle de l’ensemble de la population. Les emplois se font plutôt rares au sein de la Réserve et les gens n’osent pas chercher un emploi à l’extérieur à cause de la marginalisation de ce groupe au sein de la population « blanche ». Ceci a des répercussions directes sur le taux d’emploi des Autochtones vivant sur une Réserve, celui-ci n’étant que de 39%[x]. Ainsi, le reste de la population bénéficie de l’aide sociale octroyée par le gouvernement.
Ce contexte de précarité économique et sociale n’est pas indifférent aux multiples acteurs concernés, soit les gouvernements et les Autochtones. Depuis quelques années, le gouvernement canadien essaie de modifier la Loi sur les Indiens afin de la rendre moins contraignante. Cependant, même si cette Loi cause actuellement un isolement de la nation amérindienne au sein des nations canadiennes et québécoises, il est très difficile de la modifier afin de satisfaire l’ensemble des Premières nations. En effet, ces derniers pensent qu’en étant isolé, il leur sera plus facile de conserver leur identité, en plus d’obtenir des droits privilégiés au sein de Réserves, principalement ceux sur les droits ancestraux[xi].
Cependant, un revirement de situation est actuellement en cours entre les gouvernements et les Premières nations. « En avril 2009, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué […] que certaines dispositions relatives à l’inscription contenues dans la Loi sur les Indiens étaient inconstitutionnelles et qu’elles violaient la disposition sur l’égalité de la Charte canadienne des droits et libertés[xii] ». La Cour a octroyé une année complète au gouvernement canadien afin de modifier la Loi pour qu’elle soit conforme à la Charte. Plusieurs consultations entre les Premières nations et le gouvernement auront lieu jusque-là afin de trouver un terrain d’entente. Reste à voir si ces modifications auront un impact sur les conditions sociales et économiques des Autochtones.
[i] Bernard Roy, p.93.
[ii] Daniel Salée, p.4.
[iii] Mylène Jaccoud, p.94.
[iv] Gouvernement du Canada, p.2.
[v] Mylène Jaccoud, p.96.
[vi] Mylène Jaccoud, p.93.
[vii] Voir Mylène Jaccoud, p.96.
[viii] Mylène Jaccoud, p.93.
[ix] Mylène Jaccoud, p.94.
[x] Centre de la collaboration nationale de la santé Autochtone, p.1.
[xi] Mylène Jaccoud, p.98.
[xii] Affaire indiennes et du Nord Canada, en ligne.
Bibliographie
Canada. Affaires indiennes et du Nord Canada. 2010. Modifications à la Loi sur les Indiens touchant l’inscription des indiens et à une bande indienne McIvor C. Canada. En ligne. http://www.ainc-inac.gc.ca/br/is/vor-fra.asp (page consultée le 6 mars 2010).
Canada. Ambassade du Canada. 2009. Données comparatives Canada/France. En ligne. http://www.canadainternational.gc.ca/france/assets/pdfs/commerce/TableauEconomiqueComparatifOct2009.pdf (page consultée le 6 mars 2010).
Centre de collaboration nationale de la santé des Autochtones. Feuillet d’information L’emploi : un déterminant social de la santé des Premières nations, Inuit et Métis. En ligne. http://www.nccah-ccnsa.ca/myfiles/FR-EMPLOYMENT-FR.pdf (page consultée le 6 mars 2010).
Jaccoud, Mylène. 1995. « L’exclusion sociale et les autochtones ». Lien social et politique 34 (automne): 93-100.
Roy, Bernard. 2005. « Alcool en milieu autochtone et marqueurs identitaires meurtriers ». Alcool et Amérindiens : usage et intervention 4 (no 1): 85-128.
Salée, Daniel. 2004. « Peuples autochtones et enjeux politiques ». Peuples autochtones et enjeux politiques 23 (no 1): 3-7.