LE DÉVELOPPEMENT PEUT-IL ÊTRE DURABLE?
Par Benjamin Peyre
Au cours de l’évolution des théories du développement, la branche néolibérale et mondialiste de ces théories a eu comme moteur principal de son paradigme la croissance. Quelle est donc cette croissance qui semble dicter la pluie et le beau temps au sein des États? Par croissance, les économistes désignent d’une manière générale le Produit Intérieur Brut ou PIB d’un État. Celui-ci est défini comme la valeur totale de la production interne de biens et services dans un pays. Un pays est qualifié de « développé » lorsque celui-ci fonde sa politique sur une croissance stable. Néanmoins, les considérations environnementales ont pris le pas sur l’idée d’une croissance non régulée. Dès lors, un consensus politique permit l’émergence du concept de « développement durable ». Cet article aura pour but de montrer dans quelle mesure le développement durable n’est qu’une adaptation politiquement correcte des premières théories développementalistes. Dans un premier temps, nous verrons par quels processus l’idée de développement et de croissance économique sont devenu synonymes puis, dans un second temps nous essayerons de mettre en évidence quelques paradoxes propres au concept de développement durable.
L’idée de développement, née aux alentours des années 1950 et présentée notamment par le discours du président Américain Truman, peut se résumer en 4 points principaux. Tout d’abord, le constat que les pays occidentaux sont développés et les autres sous-développés. L’idée que les causes de ce sous-développement sont internes aux pays du sud : ces derniers souffrent d’un manque de progrès technique et économique. L’idée également que l’occident doit diffuser ce progrès pour développer les pays du sud. Enfin, cette mission se veut humaniste : il s’agit se « supprimer la souffrance des populations », « éradiquer les maladies », etc. Cela implique notamment que la croissance devienne le moteur du développement. Selon cette théorie, les bénéfices de la croissance ont des retombées sociales pour toute la population ; les pauvres eux-mêmes profiteraient automatiquement des créations d’emplois et de la production accrue des biens et des services. Il s’agit donc de moderniser les pays du Sud en développant leurs industries, leurs productions, leurs échanges commerciaux[i]. Ainsi, la croissance économique est devenue synonyme de développement. (image)
Parmi les modifications importantes que connût la notion de développement, figure la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Le développement était perçu comme inévitable, malgré les critiques adressées au développementalistes suite aux catastrophes écologiques des années 1960 (assèchement de la mer d’Aral[ii] et ses conséquences). Ainsi, sans jamais remettre en cause les principes de croissance économique, ils ont su intégrer les causes environnementale et sociale dans le concept de développement durable.[iii]
Le concept de développement durable est connu de tous, il est la dernière mode. Des ministères portent son nom, des programmes académiques l’enseignent. Institutions publiques et entreprises privées s’appliquent à développer durablement au moyen de politiques et de rapports d’actions. Néanmoins, comme le soulignait Einstein : “On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui les ont engendrés”. Ainsi, à la proposition de Maurice Strong du 4 avril 1992 : « Notre mode de développement, qui conduit à la destruction des ressources naturelles, n’est pas viable. Nous devons en changer. », fait écho la déclaration de Georges Bush Senior en 1997 : « Notre niveau de vie n’est pas négociable. »[iv].Cet exemple souligne l’opposition fondamentale entre l’idée d’une croissance illimitée foncièrement insoutenable et la volonté de durabilité suggérée par le concept de développement durable.
À cet oxymore conceptuel, viennent s’ajouter les dérives de cette « idéologie ». Ainsi, Le risque de dégradation le plus important est que le label « développement durable » soit récupéré pour appuyer des politiques ou justifier des actes n’ayant aucun rapport avec la notion même du développement durable. À cela, on peut également se demander pourquoi les pays riches, maintenant développés industriellement, imposeraient-ils aux pays en développement une vision limitative de leur développement industriel? Un autre risque est celui d’une communication mal équilibrée dans sa diffusion. Soit la communication ne serait pas suivie d’actions soit, au contraire la communication ne dévoilerait pas le contenu d’une information confidentielle.
La liste de problèmes inhérents au concept de développement durable peut encore s’étendre, ce que nous retiendrons c’est qu’aux nombreux problèmes menaçant la planète, la réponse proposée demeure le modèle de développement occidental auxquels sont venus se greffer des considérations sociales et environnementales. Malgré tout, avec l’adjectif durable ou non, il est synonyme de croissance économique, dont le modèle économique est inefficace pour répondre à la finitude des ressources naturelles. De plus, comme le montre L’Île aux fleurs (Ilha das Flores), un court métrage documentaire brésilien réalisé par Jorge Furtado, le modèle de développement néolibéral, ne fait qu’accentuer l’exploitation des ressources et les inégalités sociales. Le développement n’est ni durable, ni équitable. « Une prise de conscience mentale est absolument nécessaire pour empêcher la chute. »[v]
[i] Wolfgang Sachs, Gustavo Esteva, 2003, Des ruines du développement, éd Le serpent à plumes
[ii] Alexey Yablokov, 2009, « La mort de la mer d’Aral », les observateurs, 27 aout
[iii] Nicolas Kuzyk, mai 2008, LE DÉVELOPPEMENT EST- IL DURABLE ?, centre universitaire de formation en environnement université de Sherbrooke
[iv] Les renseignements généreux, L’idéologie du développement, publication en ligne
[v] Nicolas Kuzyk, mai 2008, LE DÉVELOPPEMENT EST- IL DURABLE ?, centre universitaire de formation en environnement université de Sherbrooke, p.1
Bibliographie
Nicolas Kuzyk, 2008, LE DÉVELOPPEMENT EST- IL DURABLE ?, centre universitaire de formation en environnement université de Sherbrooke
Wolfgang Sachs, Gustavo Esteva, 2003, Des ruines du développement, éd Le serpent à plumes