LE MONDE DE L’APRÈS-DÉVELOPPEMENT EN ACTION
Par Benjamin Peyre
En se donnant pour slogan « un autre monde est possible », le Forum Social Mondial entend aborder des problématiques telles que l’auto-suffisance, la diversité culturelle, le contrôle communautaire des biens publics, la valorisation d’un équilibre entre l’activité humaine et la nature, privilégier l’autonomie plutôt que la dépendance, permettre l’inclusion démocratique et la participation, etc. Cependant, l’objectif premier n’étant pas d’en rester au stade de la théorie, de nombreuses mesures concrètes sont mises en œuvre. L’objet de cet article sera d’ailleurs de présenter un échantillon de cette diversité d’alternatives. Notre attention se portera en premier lieu sur le concept de ville en transition puis, dans un second temps nous essayerons de présenter ce qu’on désigne par « permaculture », pratique couramment utilisée dans ces mêmes villes. Enfin, nous aborderons les circuits-courts, l’un des piliers de la Transition, tels que proposés par les AMAP ou encore les GASAP.
Le mouvement de Transition est né en Grande-Bretagne en septembre 2006 dans la petite ville de Totnes. L’enseignant en permaculture Rob Hopkins avait créé le modèle de Transition avec ses étudiants dans la ville de Kinsale en Irlande un an auparavant. Il y a aujourd’hui plus de 250 initiatives de Transition dans une quinzaine de pays (voir la liste officielle). Le concept de Transition vise à inciter les citoyens d’un territoire (village, commune, ville ou quartier d’une ville) à prendre conscience du pic pétrolier (c’est-à-dire le moment où la production de pétrole plafonnera et à partir duquel elle finira par décliner) , de ses profondes conséquences (fin des engrais et pesticides dont dépend l’agriculture à gros rendement, disparition de nombreux produits à base de pétrole, problèmes de transports…), et de l’urgence de s’y préparer en mettant en place des solutions. Bien sûr, chaque collectivité locale trouvera par elle-même les solutions qui lui conviennent en fonction de ses ressources et de ses enjeux. Le modèle de Transition offre un cadre de travail cohérent mais non coercitif. Néanmoins, certaines actions sont suggérées comme par exemple la constitution d’une monnaie locale. Elles offrent un outil puissant de préservation de la richesse locale, notamment en la mettant relativement à l’abri des soubresauts de l’économie et de la finance mondiale, et en encourageant les échanges entre acteurs économiques locaux[i]. Autre pratique envisagé : la valorisation des circuits courts. Un circuit court est un circuit de vente qui fonctionne avec le moins d’intermédiaires possibles, sur une base régionale ou locale. Leur intérêt est multiple; réinstaurer le lien entre producteur et consommateur, favoriser l’agriculture de petite échelle, biologique et diversifiée, etc. Les villes en transition proposent également de recycler et échanger. Si le recyclage s’est beaucoup développé ces dernières années, il est encore lié à des transports longue distance. Une centrale d’échange, où les particuliers déposent leurs objets et que d’autres peuvent récupérer, serait une excellente alternative à la mise en décharge ou au transport lointain pour recyclage. De la même manière, développer le compostage, est essentiel pour contrebalancer le renchérissement des engrais et des pesticides.[ii]
La permaculture est l’un des principaux fondements du concept de Transition. La permaculture a été définie dans les années 70, au moment de la première crise pétrolière, comme une « “agriculture soutenable” (permanent agriculture), passant des plantes annuelles et de la monoculture à des systèmes multi-étagés utilisant des arbres et des plantes pérennes productives et utiles »[iii]. Entre autres, elle vise à ce que le plus grand nombre d’individus se l’approprie, c’est pour cela que les principes de permaculture sont le prolongement de la position qui veut que « la seule décision éthique est de prendre la responsabilité de notre propre existence et de celle de nos enfants »[iv]. L’intention étant que, en formant rapidement les individus à un ensemble fondamental de principes, ces individus pourraient aménager leurs propres environnements et construire des territoires toujours plus autonomes, interconnectés et durables.
Comme nous l’avons vu plus tôt, les circuits-courts sont l’un des piliers des villes en transitions. Les AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en France, tout comme les GASAP (Groupes d’Achat Solidaires de l’Agriculture Paysanne) en Belgique, participent de ces circuits courts. Il s’agit en fait d’un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs et une ferme locale, fondé sur un système de distribution hebdomadaire composée des produits de la ferme. C’est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des consommateurs, qui paient à l’avance la totalité de leur consommation sur une période définie par le type de production et le lieu géographique. Ce genre d’initiative permet entre autres d’apprécier les bénéfices environnementaux « d’une nourriture qui n’a pas parcouru des centaines de kilomètres, avec moins d’emballages, issus d’une agriculture bénéfique pour la biodiversité, protégeant les sols et l’eau, moins polluante et moins énergivore ; de favoriser le retour des particularités alimentaires locales et régionales ; d’améliorer l’économie locale par une augmentation des emplois; de bénéficier de l’amélioration des liens sociaux, de la responsabilité sociale, du sens de la communauté et de la confiance… »[v]
Monnaies locales, agriculture locale, permaculture, circuits-courts, recyclage, etc. ne représente qu’une partie du travail initié par les groupes altermondialistes. Cet éventail d’actions dont le but est d’ancrer les théories de l’après-développement dans le concret, est loin d’être exhaustif. Afin de se donner une meilleure idée de ce à quoi peut ressembler une ville en transition, nous vous recommandons de visionner ce documentaire retraçant la vie d’un éco-village[vi] dans le Missouri.
Bibliographie
Hobkins, Rob. 2008. The Transition Handbook. From Oil Dependency to Local Resilience. Totnes: Green books.
Bang, Jan Martin. 2005. Ecovillages: A Practical Guide to Sustainable Communities. Gabriola Island: New Society Publishers.
Mollison, B. 1990. Permaculture: a practical guide for a sustainable future.Washington: Island Press.
[i] Dufresne, Jacques, 2009, in L’Encyclopédie de la Francophonie, « 2009, année de la monnaie et de la solidarité locales? », consultation en ligne.
[ii] Hobkins, Rob, 2008, The Transition Handbook. From Oil Dependency to Local Resilience, Totnes, Green books.
[iii] Ibid.
[iv] Mollison, B, 1990, Permaculture: a practical guide for a sustainable future, Washington, Island Press, p.579.
[v] « Qu’est-ce qu’un AMAP ? », consultation en ligne (http://www.reseau-amap.org/amap.php)
[vi] Bang, Jan Martin, 2005, Ecovillages: A Practical Guide to Sustainable Communities, Gabriola Island, New Society Publishers.