ALCOOLISME CHEZ LES AUTOCHTONES BRÉSILIEN ET CANADIEN : UN PROBLÈME INTERNATIONAL

Par Janie Beaupré Quenneville

Que ce soit en Amérique du Nord, en Amérique du Sud ou en Nouvelle-Zélande[i], les peuples autochtones sont tous stéréotypés autour d’un même aspect : un individu sale, ignorant, paresseux et alcoolique[ii]. De ce fait, au Canada et au Québec, les autochtones sont traités avec mépris, en plus de connaître une très grande exclusion sociale[iii]. Outre ce stéréotype, il est vrai de dire que l’alcoolisme est un des problèmes le plus importants au sein de cette communauté représentant 5% de la population mondiale[iv]. Dans ce cas, il est à se demander pourquoi les peuples autochtones sont affligés par ce problème et si l’aide internationale est adéquate pour régler cette situation. À des fins comparatives, je mettrai de l’avant les causes et les conséquences de l’alcoolisme chez les peuples autochtones canadien et brésilien, en plus d’expliquer brièvement l’intervention de la communauté internationale à ce sujet.

Un des premiers aspects expliquant le problème d’alcoolisme chez les autochtones est la colonisation[v]. Que ce soit au Canada ou au Brésil, c’est à partir des échanges commerciaux entre les Européens et les peuples autochtones que l’alcool a été intégré dans les coutumes. À cette époque, les dirigeants politiques « voyaient dans la distribution d’alcool aux Amérindiens une condition essentielle, ou du moins favorable, à la poursuite du commerce des fourrures et, par extension, à la prospérité économique des colonies du Nouveau Monde [vi]». Ainsi, la consommation d’alcool a donc été promue par les Européens.

Par contre, l’évolution historique va créer des disparités au sein de cette consommation puisque les autochtones canadiens ont subi un plus grand mépris que les autochtones brésiliens. Au Canada, les Amérindiens ont été contraints de respecter des lois plutôt sévères contre la consommation d’alcool. De 1633[vii] à 1985[viii], l’alcool a été proscrit à cette communauté, étant plutôt associé à une élite et un prestige « blanc ». C’est en voulant atteindre ce même prestige que les autochtones canadiens vont accroître leur consommation pour ainsi l’intégrer de plus en plus dans leur mode de vie[ix].

Au Brésil, l’histoire est totalement différente puisque ces derniers n’ont pas subi de restriction sur la consommation d’alcool. En fait, ils ont littéralement intégré les « boissons fermentées » dans leurs rites et leurs fêtes, allant même jusqu’à remplacer les différentes herbes préalablement utilisées comme le tabac et le cannabis[x]. Ainsi, l’alcool a pris une place importante au sein de la tradition « indigène » augmentant ainsi considérablement leur consommation.

Il semble que d’une manière ou d’une autre, l’alcoolisme soit prépondérant chez les peuples autochtones colonisés lors de l’expansionnisme européen. À titre comparatif, les Maoris, peuple autochtone de la Nouvelle-Zélande opprimé lors de la colonisation britannique, connaissent actuellement le même niveau de vie que les groupes énumérés précédemment[xi]. Malgré la distance qui les sépare, les conséquences sur le développement interne de ces communautés sont les mêmes : isolement social, violence, taux de mortalité élevé, précarité économique, taux de chômage élevé et j’en passe[xii]. De ce fait, le niveau de vie de ces autochtones est généralement équivalent à celui que l’on retrouve dans les pays du Tiers-monde[xiii].

Par contre, puisque ce problème semble généralisé, ne serait-il pas important que la communauté internationale s’intéresse à cette situation ? Bien que le problème de développement soit cerné par la communauté internationale, et reconnue par l’Organisation des Nations Unies avec la mise en place de la Déclaration des droits sur les peuples autochtones, il semble qu’il n’y ait pas une très grande percée du côté de l’alcoolisme. En fait, l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI) a mis en place le Programme de partenariat avec les peuples autochtones visant à favoriser une collaboration entre les différents groupes autochtones de la région Amérique latine et Caraïbe avec les autochtones canadiens.

Principalement, ce programme vise à augmenter le développement par l’échange des connaissances de chaque groupe[xiv]. Cependant, il ne vise en rien le problème de base, soit l’alcoolisme, mais tente plutôt de régler les conséquences sans attaquer le centre du problème. Cette intervention s’inscrit plutôt dans une « déglobalisation », soit une intervention visant à valoriser l’économie locale par le commerce équitable et une production locale. Cependant, dans les deux cas, les groupes autochtones ne sont pas développés économiquement et industriellement, et n’ont donc pas de productions locales sur lesquelles baser ce type d’intervention.

En somme, l’alcoolisme chez les peuples autochtones est rependu au sein de plusieurs pays. Ce problème généralisé est une entorse au développement mondial, minant les efforts de la communauté internationale à enrayer le sous-développement. Malgré tout, et en analysant les problèmes de développement au sein de la communauté autochtone, il est tout à fait légitime de se demander si les efforts de développement qu’ils posent sont justifiables et s’ils visent les bons enjeux.


[i] Bernard Roy, p.90.

[ii] Esther Jean Langdon, p.19.

[iii] Mylène Jaccoud, p. 96.

[iv] Nations Unies, en ligne.

[v] Claude Gélinas, p.57.

[vi] Voir Claude Gélinas, p.57.

[vii] Bernard Roy, p.93.

[viii] Alexandra Pronovost, p.36.

[ix] Alexandra Pronovost, p.36.

[x] Esther Jean Langdon, p.29.

[xi] Bernard Roy, p.90.

[xii] Claude Gélinas, p.59.

[xiii] Mylène Jaccoud, p.94.

[xiv] Agence canadienne de développement international, en ligne.

Bibliographie

Canada. Agence canadienne de développement international. 2009. Programme de partenariat avec les peuples autochtones. En ligne. http://www.acdi-cida.gc.ca/acdi-cida/acdi-cida.nsf/fra/JUD-327123948-NQF (page consultée le 26 mars 2010).

Gélinas, Claude. 2005. « Une perspective historique sur l’utilité de l’alcool dans les sociétés amérindiennes de la région subarctique ». Alcool et Amérindiens : usage et intervention 4 (no 1): 53-83.

Jaccoud, Mylène. 1995. « L’exclusion sociale et les autochtones ». Lien social et politique 34 (automne): 93-100.

Jean Langdon, Esther. 2005. « L’abus d’alcool chez les peuples indigènes du Brésil : une évaluation comparative ». Alcool et Amérindiens : usage et intervention 4 (no 1): 15-53.

Nations Unies. Journée des droits de l’homme. 2009. Discrimination contre les populations autochtones. En ligne. http://www.un.org/fr/events/humanrightsday/2009/discrimination_indigenous.shtml (page consultée le 26 mars 2010).

Pronovost, Alexandra. 2009. « Réparer le cercle : la responsabilité de l’Autochtone alcoolique ». Régulations sociopénales et peuples autochtones 42 (no 2): 31-51.

Roy, Bernard. 2005. « Alcool en milieu autochtone et marqueurs identitaires meurtriers ». Alcool et Amérindiens : usage et intervention 4 (no 1): 85-128.

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04 2010

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