GOODBYE MONROE!

Par Dominic Garant

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Photo 1: http://patdollard.com/2009/06/hugo-chavez-worried-that-obama-is-more-left-wing-then-he/

Cette image de Chavez donnant le livre de Galeano “Les Veines Ouvertes d’Amérique latine” est très représentative des changements en cours. Consciente de son passé de “cours arrière” des États-Unis, celle-ci résiste, en bloc. Mais il est important de se demander ce que ces changements au plan régional impliqueront pour les relations centres-(semi)périphéries, Amérique latine. Cela dépendra du rôle joué par différents acteurs régionaux. Mais avant d’en arriver à cette discussion, ce billet montrera comment le projet néolibéral d’intégration économique pour l’Amérique voulu par les centres échoua. Ensuite, il sera question des deux entités régionales, le MERCOSUR et l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), qui évoluent parallèlement mais qui ont des implications différentes pour les relations dans la région.

Durant les années 1990 et début 2000, le discours des centres en Amérique quant à l’avenir du continent se centra autour du projet d’intégration économique. Le premier sommet des Amériques de 1994 tourna principalement autour de l’abolition des barrières tarifaires, du rôle accru du secteur privé et de l’investissement étranger.[1] Pour en arriver à la Zone de Libre-Échange des Amériques (ZLÉA), prévue pour  2005, les négociations se multiplièrent. En cinq ans, il y eut seize rencontres de ministres et d’hommes d’affaires et un autre sommet des chefs d’État.[2] Avec des entreprises déjà très compétitives sur le plan international, il était clair que la ZLÉA permettrait aux États-Unis de régner économiquement sur tout le continent.[3]

Cependant, l’enthousiasme ralenti rapidement lorsque plusieurs régimes favorables aux États-Unis furent remplacés par des dirigeants critiques du tournant néolibéral des deux dernières décennies. Le plus notable est peut-être Hugo Chavez, connu pour ses critiques virulentes envers le capitalisme sauvage.[4] Mais aussi, Nestor Kirchner, un capitaliste modéré, arrivé au pouvoir dans l’Argentine d’après-crise. Luiz Inacio Lula da Silva, qui considérait que la ZLÉA était une politique d’annexion de l’Amérique latine par les États-Unis, devint le président brésilien en 2003.[5] C’est dans ce contexte que les dernières négociations en 2005 eurent lieu, sans succès.

Le vide laissé par l’échec de la ZLÉA fut rapidement rempli par des initiatives régionales qui prirent soudain de l’importance. La première organisation est la Communauté des Nations Sudaméricaines (CSN), qui fut par la suite rebaptisée l’Union des Nations Sudaméricaines (UNASUR). La CSN fut créée en 2004 à partir des deux blocs commerciaux déjà existants, c’est-à-dire le Mercosur et la Communauté andine des nations (CAN). Le MERCOSUR a établi une zone de libre-échange entre ses membres ainsi que plusieurs autres mesures afin de faciliter le commerce. Les effets furent ressentis rapidement: le commerce intra-Mercosur passa de 8 milliards USD en 1990 à 40 milliards USD en 1997. Au plan social, par contre, les améliorations ne furent pas égales, tant entre les pays qu’en leur sein.[6] De plus, les rapports de force au sein de l’organisation sont très asymétriques. Le Brésil a toujours dominé à un tel point que certains affirment que le Mercosur a toujours été un outil de politique étrangère pour le Brésil et aussi une façon pour celui-ci de contrer les États-Unis.[7] Étant donné que le Mercosur est le principal bloc fondateur de l’Unasur, il est raisonnable de penser qu’elle servira avant tout les intérêts brésiliens et pourrait éventuellement entraîner une dépendance des autres États face à une hégémonie brésilienne.[8] Cette organisation peut donc être perçue comme un contrepoids face au développement néolibéral des centres. Cependant, il s’agit d’une organisation capitaliste au sein de laquelle dominent les intérêts de la semi-périphérie (le Brésil).

La seconde initiative est l’ALBA, qui fût créée en 2004.  Cette organisation est composée de Cuba, du Vénézuela, de l’Équateur, de la Bolivie, de l’île Dominique et du Nicaragua. Selon les termes d’un des pères fondateurs, Hugo Chavez, l’ALBA est un modèle flexible d’intégration de l’Amérique latine qui place les questions sociales à l’avant-plan.[9] En effet, la santé, l’éducation, la culture et l’économie sont tous aussi importants. Lors de sa création, Cuba et le Vénézuela s’entendirent pour ouvrir 1000 centres de santé et former 5000 spécialistes des technologies de la santé au Vénézuela.[10] Il y a d’autres projets “de la grande nation” (proyecto grannacional) qui cherchent à augmenter la coopération au plan culturel et des médicaments.[11] De plus, l’organisation reconnaît les asymétries existant entre les États et elle en fait l’un de ses objectifs de faire en sorte que les États plus faibles rejoignent les plus forts.[12] L’ALBA va donc bien au-delà du développement économique pour prendre en compte des enjeux de développement plus variés. Il prend en plus en considération les jeux de pouvoir présents dans le projet de développement.

Maintenant que le projet d’intégration néolibéral promu par les États-Unis est mort, deux alternatives régionales se posent en Amérique latine. L’Unasur, d’un côté, se situe dans une certaine continuité avec le capitalisme comme idéologie de développement. De l’autre côté, la jeune ALBA cherche à rompre plus radicalement avec le capitalisme en proposant un modèle de développement avec des considérations plus sociales qu’économiques. Une chose semble cependant claire, l’Amérique  est en voie de ne plus appartenir aux États-Unis. Adieu Monroe!

Bibliographie

ALBA. “Acuerdos Grannacionales” En ligne. http://www.alianzabolivariana.org/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=2067 (dernière consultation le 18 Mars 2010).

Kellogg, Paul. 2007. “Regional Integration in Latin America: Dawn of an Alternative to Neoliberalism?” New Political Science. Vol. 2: 187-209.

Moniz Bandeira, Luiz Alberto . 2006. “Brazil as a Regional Power and its Relations with the United-States.” Latin American Perspectives. Vol. 33:  12-27.

Mecham, Michael. 2003. “Mercosur: A failing development project?” International Affairs vol. 79 : 369-387.


[1] Summit of the Americas. “First Summit of the Americas: Free Trade Area of the Americas” En ligne. http://www.summit-americas.org/Miami%20Summit/FTAA-English(rev).htm (consulté le 15 Mars 2010).

[2] Ibid.

[3] Richard L. Harris. “Resistance and Alternatives to Washington’s Agenda for the Americas: The Prospects for Regional versus Hemispheric Integration” Journal of Developing Societies vol. 21 (2005): 403-428.

[4] Ibid., 415.

[5] Luiz Alberto Moniz Bandeira, “Brazil as a Regional Power and its Relations with the United-States.” Latin American Perspectives 33 (2006), 12-27.

[6] Michael Mecham, “Mercosur: A failing development project?” International Affairs 79 (2003), 369-387.

[7] Ibid., 385.

[8] Ces préoccupations de Sean W. Burges ont été reprises par Kellogg dans Paul Kellogg. “Regional Integration in Latin America: Dawn of an Alternative to Neoliberalism?” New Political Science 2 (2007), 187-209.

[9] Cité dans Kellogg. 200.

[10] Ibid., 201.

[11] ALBA. “Acuerdos Grannacionales” En ligne. http://www.alianzabolivariana.org/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=2067 (dernière consultation le 18 Mars 2010).

[12] La Banque Vénézuelienne du Commece Externe qui est citée dans l’article de Kellogg, 202.

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04 2010

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