L’EXEMPLE DE LA COOPÉRATIVE UCIRI
Par Marit Firlus
We will not fight solely to improve the prices of our main product, our coffee. We know fully well that our pride and freedom can not be bought nor can they be sold. Our health, our homes, our warehouse, our common heritage, our school, our families, our languages, our local customs and our celebrations are of equal importance to us. [1] (règle de base No. 5, UCIRI)
La région entre Zacatepec et Tehuantepec à l’ouest de la ville Oaxaca est montagneuse et rocailleuse. Elle a toujours été peuplée par les Zapotèques, les Mixes, les Miztèkes et les Chontales, quatre d’un total de 16 ethnies autochtones domiciliées dans l’État mexicain qui Oaxaca, qui ont vécu longtemps d’une agriculture de subsistance. Aujourd’hui, cette région est largement exploitée pour le café et elle est le berceau de la Coopérative UCIRI (Unión de Comunidades Indígenas de la Región del Istmo – Union of Indigenous Communities of the Isthmus Region) représentant 55 communautés autochtones qui vivent de la production du café équitable [2].
Le cas d’UCIRI nous permet de mieux comprendre l’émergence, la consolidation et le fonctionnement d’une coopérative engagée dans le commerce équitable. Il nous montre également comment les standards définis par le FLO (Fair Trade Labelling Organizations International) sont implémentés et de quelle manière ils influencent la vie des communautés marginalisées.
L’histoire du succès d’UCIRI commence en 1981 alors qu’un groupe de paysans autochtones et une équipe de missionnaires jésuites se sont retrouvés pour discuter des problèmes de pauvreté des paysans tels que le manque de nourriture, de services médicaux, d’accès aux moyens de communications, à l’électricité ou à l’éducation [3]. Les paysans décidèrent de s’organiser pour améliorer les conditions de vente du café, seule source de leurs revenus. L’initiative des paysans visait surtout à obtenir un prix plus haut pour leur produit en évitant les intermédiaires. En 1986, la coopérative obtient la licence d’exportation. En 1988, elle coopère à la fondation du premier logo du commerce équitable Max Havelaar. Une année plus tard, elle est membre fondateur de la CNOC (Coordinación Nacional de Organizaciones Cafetaleras – la direction nationale des organisations du café) et aujourd’hui elle est une des coopératives les plus grandes et constantes du commerce équitable [4].
photo 1 (assemblée générale d’UCIRI): http://www.uciri.org/english/about%20us/org_struc.htm
La constance et le succès d’UCIRI s’expliquent par la mise en pratique de standards de la FLO et des principes du commerce équitable. Ces derniers exigent des échanges commerciaux plus directs et à long terme sous forme de partenariat commercial et permettent l’accès au préfinancement et autres formes d’assistance financière. De plus, la vente de café se fait à un prix plus juste qui permet de couvrir les coûts d’une production durable ainsi que le réinvestissement des profits dans des projets sociaux pour l’éducation, la santé et l’environnement [5].
En participant au réseau du commerce équitable, l’UCIRI était capable de conclure des contrats à long terme avec des succursales de TransFair et Max Havelaar dans différents pays [6]. Ces contrats rendent possible un marchandage direct avec les partenaires au Nord en évitant des intermédiaires comme les coyotes locaux (acheteurs aux marchés locaux) et les agences gouvernementales. Le prix minimum fixé de 1,26 USD par livre est considéré comme inadéquat parce qu’il n’arrive pas à couvrir les coûts pour les besoins essentiels des paysans. L’échange direct leur permet de mieux vivre de leurs revenus, car il est basé sur la solidarité avec les organisations du commerce équitable au Nord qui cherchent à payer le prix le plus haut possible aux paysans [7].
Le mécanisme de préfinancement oblige les partenaires au Nord à donner un crédit allant jusqu’à 60% de la valeur du contrat avec les paysans et ce, avant la récolte [8]. Le crédit sert à payer les paysans avant qu’ils livrent la marchandise pour que ceux-ci puissent réaliser la culture du café. Le préfinancement empêche également que les paysans vendent leur récolte aux autres acheteurs (non-équitables) et qu’ils cherchent d’autres sources de financement [9]. Après avoir démontré sa crédibilité en remplissant les exigences des contrats avec les organisations du réseau du commerce équitable, l’UCIRI a aujourd’hui accès à différentes sources de financement comme des agences gouvernementales, des banques privées et des organisations de développement [10].
La structure organisationnelle, selon le principe démocratique de «usos y costumbres» (us et coutumes), de l’UCIRI contribue largement à sa constance. Chacune des communautés engagées dans l’UCIRI a son propre conseil d’administration qui s’occupe des activités locales. Les communautés votent pour leurs représentants au sein du Conseil d’administration général qui unit toutes les communautés pour discuter des problèmes, partager leurs observations et prendre des décisions. Le Conseil d’administration général ou l’Assemblée générale est aussi responsable de déterminer comment seront utilisés les bénéfices fait par la coopérative dans les projets de développement dans les secteurs de la santé, de l’environnement, de l’éducation ou de l’économie. Par exemple, ces fonds ont contribué à l’amélioration du réseau d’autobus public, à la création de projets pour des femmes et des jeunes ou à la construction d’hôpitaux [11].
En regardant le site officiel de l’UCIRI et les photos publiées sur ce dernier, on peut presque sentir combien le commerce équitable a augmenté la confiance des paysans en eux-mêmes et au sein de la coopérative. Il est vrai que même en participant au commerce équitable, ce ne sont pas tous les problèmes des petits producteurs qui ont été résolus. Ceci sera d’ailleurs le thème de mon prochain billet. Néanmoins, la mise en pratique des standards et principes du commerce équitable et la participation dans ce réseau ont aidé les paysans de l’UCIRI à améliorer leurs conditions de vie et leur ont permis de vivre de leur récolte [12].
photo 2 (structure organisationnelle selon le principe « usos y costumbres »):http://www.uciri.org/otras_paginas/arbol_uciri.htm
——————————–
1 UCIRI. En ligne.
2Waridel, pp. 84-85.
3 Waridel, pp. 86-87.
4 Fridell, pp. 183-191.
5 WFTO et FLO; FLO.
6 VanderHoff Boersma, pp. 5-6.
7 Fridell, pp.193-195.
8 FLO
9 Renard et Pérez-Grovas, p. 140.
10 Fridell, p. 196.
11 Waridel, pp. 90-91.
12 Renard et Pérez-Grovas, p. 141.
Bibliographie
Fair Trade Labelling Organizations International (FLO). Standards Génériques Commerciaux du Commerce Équitable. 2009. En ligne. http://www.fairtrade.net/fileadmin/user_upload/content/GTS_Feb09_FR.pdf (page consultée le 10 mars 2010).
Fridell, Galvin. 2007. Fair Trade Coffee: the prospects and pitfalls of market-driven social justice. Toronto, Buffalo, London: University of Toronto Press.
Renard, Marie-Christine et Victor Pérez-Grovas. 2007. « Fair Trade Coffee in Mexico: at the center od debates ». Dans Raynolds, Laura T., Dougles Murray et John Wilkinson, dir., Fair Trade. The Challenges of transforming globalization. London et New York: Routledge, 138-156.
UCIRI. UCIRI’s basic rules. En ligne. http://www.uciri.org/english/about%20us/rules.htm (consultée le 10 mars 2010).
VanderHoff Boersma, Franz. 2002. Poverty Alleviation through Participation in Fair Trade Coffee Networks: The Case of UCIRI, Oaxaca, Mexico. Fair Trade Research Group, Colorado State University.
World Fair Trade Organization (WFTO) et Fair Trade Labelling Organizations International (FLO). 2009. Charte des Principes du Commerce Équitable. En ligne. http://www.fairtrade-advocacy.org/images/stories/publications/FTAO_charter_of_fair_trade_FINAL_FR_V2.pdf (page consultée le 10 mars 2010).
Waridel, Laure. 2002. Acheter, c’est voter. Le cas du café. Montréal: Les Éditions Écosociété, Équiterre.