LA DÉMOCRATISATION DE LA RDC : UNE SOLUTION POUR LE DÉVELOPPEMENT?
Par Sydney Taylor-Wingender
« La démocratie pluraliste, nous indique Maurice Duverger, correspond à un degré élevé d’industrialisation et les zones d’industrialisation sont aussi les grandes zones de démocratie. Les zones de sous-développement […] de l’Afrique sont aussi les zones d’autocratie » (Duverger 1992, 100). Cette citation traduit une tendance assez répandue à croire que la démocratie est un préalable indispensable au développement. Alor que des efforts de démocratisation en Afrique sont déployés, il est légitime de questionner la causalité entre la démocratie et le développement. Le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) semble être adéquat pour cette analyse, puisque, pour certains, la RDC a virtuellement cessé d’être un État (Reyntjens 2007, 315). Il sera donc pertinent de vérifier si le développement y est possible alors que le régime démocratique en place ne semble pas adéquat. Nous allons faire un bref compte-rendu de la place de la démocratie dans ce pays, pour finalement découvrir en quoi le développement est un préalable à la démocratie, et non le contraire.
Il est nécessaire de faire une revue des événements qui ont marqué la démocratisation de la RDC afin de bien comprendre dans quel contexte politique se situe son développement actuel. On a pu percevoir les premiers efforts de démocratisation dès 1990, lorsque le Président Mobutu a annoncé la fin du régime à parti unique et l’ouverture du Zaïre à la démocratie. En pratique, la situation ne fut guère améliorée, alors que Mobutu resta président, que des centaines de nouveaux partis furent créés – n’étant, pour la plupart du temps, que des artifices des élites (Reyntjens 2007, 307) – et que des mouvements de rébellions, comme l’Alliance des forces pour la libération du Congo-Zaïre de Laurent Kabila, firent leur apparition. C’est suite aux élections – mouvementées – de 2006 qu’on a pu qualifier le régime comme étant « démocratique »; du moins, c’est ce que les propos du présent Président Joseph Kabila semblent soutenir. Quoique cette étape a été franchie, le politologue Filip Reyntjens rajoute ceci : « it remains to be seen how coherent this opportunistic, heterogeneous and fragmented power base will prove » (Reyntjens 2007, 314). Autrement dit, l’État congolais est toujours en reconstruction, et le fonctionnement de son régime reste encore précaire. Voyons à présent en quoi le développement précède la démocratie, et non l’inverse.
Le Président Joseph-Désiré Mobutu
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Dans son ouvrage traitant des limites de la démocratie en Afrique subsaharienne, Timothée Ngakoutou souligne que « la démocratie et le développement sont liés pour diverses raisons fondamentales. La démocratie est la base du mode de fonctionnement de l’État, qui lui-même influe sur tous les aspects des efforts de développement » (Ngakoutou 2005, 55). Ceci nous laisserait croire que, afin d’assurer un développement stable et durable en RDC, il serait nécessaire de renforcer les bases démocratiques du régime politique. Cette déduction n’est pas incorrecte, puisqu’il est vrai que le développement nécessite une stabilité démocratique afin de se déployer le plus efficacement possible. Cela dit, on ne peut arrêter l’analyse à ce niveau, puisqu’il est fondamental d’étudier la question de l’émergence de la démocratie dans les pays en développement. C’est en lisant l’article de Andre Mangu sur la transition démocratique de la RDC qu’on peut admettre ceci :
Credible elections cannot be held at the end of the transition without adequate infrastructure or an efficient administration. The fundamentals of the economy need to be put in place. Resources must be generated. The Congolese people and their leaders must return to work in order to rebuild their country. (Mangu 2003, 173).
En d’autres mots, il est difficile de légitimer le processus démocratique sans une infrastructure, une administration, une économie et des ressources adéquates. Ainsi, quoiqu’il soit juste d’affirmer que la démocratie est un préalable nécessaire au développement, il est encore plus convenable de souligner l’importance d’un certain niveau de développement afin de permettre la démocratisation. Parallèlement, la légitimité de l’État congolais est d’autant plus difficile à établir dans une population où le secteur informel est privilégié. En effet, dans son chapitre sur la pauvreté et la démocratie en Afrique, Michael Bratton nous indique la chose suivante : « destitute people are twenty-five percentage points more likely than well-to-do people to direct political demands along informal channels. In order of importance, the poor majority chooses to approeach traditionnal authorities, religious leaders, and other local notables» (Krishna 2008, 55). Autrement dit, la présence d’un État fort et surtout légitime ne peut s’accomplir sans d’abord avoir abordé la question de la pauvreté.
Alors que le régime démocratique en RDC est encore précaire et que sa légitimité est compromise par les formes informelles d’autorité, il est important de miser sur la reconstruction matérielle et économique de ce pays avant même de repenser son régime. Bien que « il existe un lien indissociable entre démocratie et développement » (Ngakoutou 2005, 55), c’est le développement qui permettra l’essor de la démocratie, qui, à son tour, pourra permettre un développement plus prospère. Alors que les enjeux auxquels fait face la RDC sont clairs, il serait intéressant de porter une analyse sur le rôle de la communauté internationale dans ce processus, en se demandant de quelle manière il serait possible pour les pays du Nord de lutter contre la pauvreté et de favoriser la démocratisation en RDC sans faire preuve de néocolonialisme ou d’ethnocentrisme.
Bibliographie
Duverger, Maurice. 1992. Sociologie politique. Paris : Puf.
Krishna, Anirudh, dir. 2008. Poverty, Participation and Democracy : a global perspective. New York : Cambridge University Press.
Mangu, Andre Mbata B. 2003. « From war to peace : the Democratic Republic of Congo in transition ». South African Journal of International Affairs 10 (hiver/printemps) : 159-174.
Ngakoutou, Timothée. 2005. Les limites de la démocratie subsaharienne. Paris : Harmattan.
Reyntjens, Filip. 2007. « Democratic Republic of Congo : Political Transition and Beyond ». African Affairs 106 (avril) : 307-317.