LES FEMMES EN COLOMBIE
Par Laetitia Rampazzo
La Colombie est reconnue comme étant l’une des plus anciennes démocraties du continent sud-américain. Cependant, de par son histoire, le pays n’est pas le plus développé en ce qui concerne les droits de la personne, et particulièrement ceux relatifs aux femmes. Ce billet a pour but d’attirer l’attention sur ce dernier point, notamment en analysant la situation actuelle, bien différente de celle promise par le gouvernement colombien à travers les lois qui furent votées ces dernières décennies.
De nos jours de nombreux pays ont instauré dans leurs constitutions le droit des femmes, c’est-à-dire leur reconnaissance en tant que personnes ayant, tout comme les hommes des droits et une certaine protection (par exemple le droit de déposer plainte en cas de violence). Or, même si sur le papier ces derniers sont reconnus, il n’en est pas de même dans la vie de tous les jours. L’exemple colombien correspond parfaitement à cette situation : dans les faits le pays s’est plié à de nombreuses règles et lois ayant trait à ce sujet. En effet selon les Nations Unies, institution suprême en matière des droits de la personne, le pays s’est soumis en 1982 à la ratification du CEDEF ou Comité sur l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard des Femmes. Cet engagement prévoit la présentation d’un rapport périodique tous les quatre ans, et le comité alla même jusqu’à féliciter la délégation colombienne pour les efforts alors fournis[1]. Mais la Colombie reste cependant un pays sensible, emprunt au trafic de drogues et à la corruption, ne lui permettant pas toujours de se concentrer sur des réformes « sociales » telles que les droits de l’homme. Ayant néanmoins à cœur de se soumettre aux normes internationales le gouvernement fit des efforts en ce sens comme en acceptant en 2008 un « examen périodique universel » à la commission des droits de l’homme de l’ONU.
Hors des murs des institutions colombiennes, dans les villes et villages, on se rend pourtant compte qu’un véritable fossé sépare ce qui « doit être » et ce qui « est ». La Colombie est considérée comme la cinquième puissance d’Amérique latine, mais comme dans beaucoup de pays du sud cela ne s’applique qu’au niveau économique. Cherchant pour la plupart à percer sur la scène internationale afin d’accéder au développement tant recherché, beaucoup d’entre eux en vinrent à négliger des valeurs aujourd’hui défendues par les pays occidentaux, telles que l’environnement ou encore les droits de la personne.
Lorsque le projet de développement vu le jours en 1948, il donna naissance à de nombreuses théories qui évoluèrent en même temps que le monde, et ce n’est qu’en 1970 avec le « réformisme » que vint le sujet du développement participatif, amenant à la thèse des besoins essentiels. Vu comme une réponse au tier-mondisme et alors très en vogue, sa principale caractéristique fut de prôner un retour aux besoins de base dans le but de se concentrer sur divers programmes, notamment les programmes sociaux, de lutte contre la pauvreté, d’accès aux biens, de redistributions, et de développement rural intégré. Cette approche s’ouvrait à de nouveaux enjeux, principalement ceux concernant les femmes et les peuples autochtones. Étrangement, il semble que ces derniers points, s’avérant pourtant complémentaires, ne furent pas appliqués par la Colombie. Nous analyserons plus en profondeur les différents programmes concernés par la thèse des besoins essentiels dans un prochain billet, mais il semble néanmoins intéressant de souligner que le programme concernant l’évolution et le respect du droit des femmes ne fut pas une des prérogatives ardemment suivit.
En outre, face au délaissement dont elles furent victimes, de nombreuses associations virent le jour en Colombie dans le but de faire appliquer la loi, quelques victoires sont à noter telles que la reconnaissance de la violence conjugale, comme par exemple le viol, au sein d’un mariage, aujourd’hui puni par la loi. Il est néanmoins nécessaire de souligner que ce que la loi dit n’est pas toujours facilement appliquée, en effet, nombre de violences faites aux femmes reste encore aujourd’hui impunie, et c’est pour remédier à cella que les associations se battent. Mais ces dernières « dérangent », les représailles contre ces associations sont lourdes. Menaces de morts, enlèvements, meurtres, tous les moyens semblent être bons pour contrer la propagation de ce type de comités. On relate en 2003 l’assassinat d’Esperanza Amaris Miranda, militante en faveur des droits des femmes, par un groupe paramilitaire soutenu par l’armée, et ce malgré ses nombreuses plaintes auprès des autorités locales après avoir reçu diverses menaces[2]. L’article datant du 8 Mars 2005 révèle qu’il s’agit là d’un cas non isolé, divulguant celui de la présidente de la ANMUCIC, association nationale des femmes paysannes, noires et indigènes de Colombie, dont la fille fut tuée et le fils enlevé, toujours par des paramilitaires. Il est ici mis en avant le fait que le gouvernement, tout en faisant bonne figure sur la scène internationale, est loin de garantir la sécurité des défenseurs des droits de la personne parmi lesquels se trouve un grand nombre de femmes, désireuses de faire reconnaître et appliquer ce qui leur est dû.
La situation des droits de la personne semble s’améliorer en Colombie au niveau législatif de par les efforts fournis par le gouvernement, seulement, leur application et respect est plus dur quant aux mœurs de sa population. Face à un gouvernement sourd, préférant son développement économique à son développement social, une issue positive pour les femmes et le respect de leurs droits est-il encore possible en Colombie, et à quel prix ?
[1] http://www.un.org/News/fr-press/docs/2007/FEM1603.doc.htm
[2] http://www.alternatives.ca/fra/journal-alternatives/publications/nos-publications/articles-et-analyses/articles-de-l-exterieur/article/assassinee-pour-avoir-parle-des