INITIATIVE LOCALE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU HONDURAS
Par Sarah Veilleux-Doyon
Au Honduras, 70 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté ou de l’extrême pauvreté. 40 % du revenu national provient de l’envoi d’argent de la part des émigrés[1]. Le revenu national brut est de 1600 $ US par habitant. L’agriculture représente 13 % du PIB[2]. Le gouvernement et deux compagnies; Dole et Chiquita possèdent 60 % des terres agricoles[3]. Le pays, qui a bénéficié de l’aide de la Banque Mondiale et du FMI et respecté les plans et structures développés par ceux-ci pour parvenir à se développer, continue d’évoluer dans la misère. Le Honduras, ainsi que sa population sont-ils voués à être exploité par les grandes multinationales qui profitent des ressources naturelles et rendent difficile l’accès à la nourriture? Nous verrons donc comment certaines initiatives locales tentent de contrer cette réalité et favoriser un développement différent du pays en étudiant le cas du COMAL. Puis, nous porterons notre attention sur l’impact du récent coup d’état sur ses activités.
Heureusement, les multinationales ne sont pas les seules à posséder des terres agricoles. Plusieurs petits fermiers ou campesinos tentent du mieux qu’ils peuvent de produire leurs biens et survivre dans ce monde de géants. En 1997, suite à une discussion entre petits agriculteurs et producteurs, préoccupés par la situation difficile; le manque d’accès au marché et la précarité de la sécurité alimentaire, COMAL a été créé[4]. COMAL, signifiant réseau d’Amérique latine pour le marketing communautaire, est une alternative au développement économique habituel. C’est un regroupement de 42 associations de petits producteurs et d’ONG, qui forment un réseau de commerce plus juste et abordable pour les familles défavorisées en favorisant la consommation de produits locaux. Ce qui distingue ce réseau des autres associations similaires, c’est qu’il ne se préoccupe pas seulement des agriculteurs et des producteurs, mais aussi des consommateurs.
La façon préconisée par COMAL pour aider les familles à faibles revenus à se nourrir est, d’octroyer des prêts à des taux d’intérêt bas aux agriculteurs afin qu’ils soient en mesure de se procurer des engrais et d’autres biens qui augmentent leurs capacités de production et donc permettent de réduire les prix de vente. Aussi, les familles qui ne sont pas en mesure de payer leur facture de nourriture hebdomadaire peuvent obtenir des crédits de la part de COMAL, qui accepte de se faire payer en biens ou en monnaie UDIS; monnaie propre à l’organisation[5]. (photo1)
crédit photo: http://www.cafod.org.uk/about-us/where-we-work/honduras/looking-for-alternatives
En octroyant les prêts aux agriculteurs, COMAL leur permet de devenir compétitifs sur le marché hondurien qui est très difficile d’accès pour les petites entreprises depuis l’accord de libre-échange. Effectivement, l’accord de libre-échange a inondé le marché de produits fortement subventionnés en provenance des États-Unis tel que le maïs et le riz[6]. Mais il ne suffit pas de faire baisser les prix des produits locaux, il faut aussi éduquer la population sur les avantages à consommer localement. Ainsi, le réseau emploie des Honduriens pour instruire la population aux bienfaits d’encourager les producteurs de leur communauté et ainsi faire rouler l’économie locale. Aujourd’hui, COMAL fournit 16 000 familles à travers 400 magasins dispersés à travers le pays[7].
En tant que Nord-Américain, on pense souvent qu’ouvrir notre marché aux pays moins développés leur permettra d’avoir accès à des biens à prix plus bas ce qui aidera nécessairement la population. On pense très peu aux conséquences néfastes de l’accord de libre-échange, qui dans ce cas-ci a compliqué la vie des petits producteurs et des campesinos qui devaient trouver un moyen de réduire leurs prix afin de rester compétitifs.
Malheureusement, malgré tout les bienfaits de cette initiative de développement économique alternatif, le coup d’État de juin 2009 n’a pas avantagé le réseau. Effectivement, le 28 novembre 2009, la police nationale, l’armée ainsi que des agents d’unités d’investigations criminelles lourdement armés ont pénétré dans les locaux de COMAL à Siguatepeque. Les biens de l’organisation ont été endommagés ou volés et les employés intimidés. Le matériel d’enseignement et de formation a été volé tout comme les outils d’analyse de la situation politique et les publications du mouvement non violent de résistance. Les soldats considèrent ce matériel comme preuves d’activités subversives[8]. Les employés interrogés affirment avoir peur d’autres représailles puisque l’organisme s’est prononcé contre le coup d’État expulsant le président Zelaya. En somme, l’avenir s’annonce difficile pour COMAL puisque l’initiative locale ne semble pas obtenir les faveurs du nouveau gouvernement en place. Espérons que la situation politique instable au Honduras n’empêchera pas le regroupement de poursuivre ses activités qui permettent à plus de 16 000 familles de se nourrir et à plusieurs d’améliorer leur niveau de vie grâce aux prêts et à la création d’emplois.
En somme, on peut considérer que le Honduras, ni aucun autre pays n’est confiné à se faire exploité par les grandes multinationales. Dans le cas du Honduras, COMAL est l’exemple parfait d’une alternative de développement qui permet à la population d’avoir accès à plus de ressources alimentaires. Ce sont les organisations comme celle-ci qui permettent d’espérer un avenir plus rose pour les populations locales. Par contre, il devient évident que le régime en place influence grandement la facilité d’action et de réalisation d’initiatives comme COMAL. Les pays ou la démocratie est bien établie, semblent avoir plus de chance de réussir à implanter au moyen d’initiatives locales une autre forme de développement plus respectueux des populations.
Bibliographie
ACDI. 2009. Honduras. En ligne. http://www.acdi-cida.gc.ca/honduras-f (page consultée le 9 février 2010)
CAFOD. 2006. Looking for alternatives. En ligne. http://www.cafod.org.uk/about-us/where-we-work/honduras/looking-for-alternatives (page consultée le 9 février 2010)
Cooper, M et Parekh, M. s.d. « Soutenir l’économie local ». Agripade; au delà du profit 2, 21.
Food First. 2009. Honduran Coup Security Forces Raid Campesino organization day before elections. En ligne. http://www.foodfirst.org/en/node/2669 (page consultée le 2 février 2010)
Lemoine, Maurice. 2009. « Retour des « gorilles » au Honduras ». Le monde diplomatique (Paris), 1 juillet. En ligne. http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-07-01-Honduras (page consultée le 9 février 2010)
MERILL, T. 1995. « Honduras », US Library of Congress. En ligne. http://countrystudies.us/honduras/66.htm (page consultée le 9 février 2010)
Rights Action. 2009. Honduras military raid campesino organization day before the election. En ligne. http://www.rightsaction.org/Alerts/Honduran_coup_resistance_day156_alert99__112909.html (page consultée le 9 février 2010)
[1] Maurice Lemoine, en ligne
[2] ACDI, en ligne
[3] T. Merill, en ligne
[4] M. Cooper et M. Parekh, p.21
[5] CAFOD, en ligne
[6] Ibid
[7] M. Cooper et M. Parekh, p.21
[8] Food First, en ligne