Pistes d’«amélioration» pour le Forum Social Mondial

Quand on s’intéresse au Forum Social Mondial un tant soit peu sérieusement et honnêtement, on ne peut que constater l’espoir que ce dernier suscite en ce sens qu’il constitue vraiment une phénomène novateur. Ainsi, le Forum Social Mondial est un espace de réflexion et de construction d’alternatives viables au système actuel, trop injuste pour être acceptable. S’y retrouvent donc tout les individus, ONG, mouvements sociaux et autres, qui pensent qu’un autre monde est possible. En tant qu’espace, le FSM ne prend pas de décisions au nom de tout ses membres et n’agit pas de lui-même en leur nom. Toutefois, on note que vu l’extrême diversité des points de vue, les alternatives concrètes peinent à émerger ou tout du moins à être largement connues et adoptées. Certains disent que le FSM devrait abandonner un de ses principes de base qui est de ne pas parler au nom des participants et réformer sa structure, passant d’un espace ouvert et non-représentatif à un acteur politique unitaire, se rapprochant du même coup de ce qu’on pourrait appeler un lobby altermondialiste.

Je ne partages pas cet avis et penses que faire du FSM un groupe de pression altermondialiste global serait le priver de ce qui fait sa spécificité, ce que je nomme le « réseau d’unicités ». En ce sens que chaque individu ou mouvement a des différences de points de vue mais que tous peuvent trouver leur place au sein d’un réseau ouvert et porteur de quelques positions communes très larges mais très fortes comme l’opposition au néolibéralisme et la promotion du respect des droits humains par exemple.

S’inscrivant en droite ligne de la volonté de ne pas faire du FSM un acteur politique unitaire, le but de cet article est donc de trouver un moyen d’avoir plus d’impact en termes de visibilité et d’action, autant au niveau global que local sans altérer la philosophie d’ouverture qui caractérise le FSM.

Pendant le Forum, étant témoin du processus des conférences, ateliers et de tout ce qui fait d’un Forum un Forum, je remarquai de concert avec un certain nombre de participants la disproportion de l’information et des tentatives de «conscientisation» par rapport à la recherche de pistes d’actions (et de solutions) réelles et concrètes aux problèmes dénoncés par tous les participants.

Par exemple, j’ai assisté à un atelier sur les exactions de compagnies minières britanniques en Amérique du Sud perpétrées envers les populations locales qui osaient contester le pillage de leurs ressources naturelles et la destruction de leur environnement. Les organisateurs de cet atelier ont passé les trois heures qui leur étaient octroyées à nous exposer la situation concrète. Cela fut fort intéressant mais il aurait été encore plus enrichissant de réserver un certain temps (une heure par exemple) à chercher tous ensemble une réponse à la question essentielle selon moi : que pouvons-nous faire pour stopper ces injustices, destructions et exactions ?

Car comme disait un de mes compagnons de voyage, il est dommage d’aller au FSM pour connaître encore plus de problème mais aucune nouvelle piste de solution…

Peut-être cette vision des choses est-elle partielle et partiale mais je ne peux parler que de ce que je sais (i.e pas grand chose) et expérimentes (même remarque que précédemment). Après tout, je ne suis qu’un étudiant de première année universitaire !

Mais revenons au coeur du sujet. Suite à mon expérience de Belém, il m’est venu une idée que je pensais intéressante (J’ai entendu plus tard qu’une assemblée sectorielle en avait eu une semblable donc je suis pas un génie…une autre fois peut-être !). L’idée serait d’organiser quelques mécanismes incitatifs non-obligatoires pour rendre les ateliers plus créatifs (je n’aimes pas beaucoup le mot «productif» pour des raisons qui me semblent évidentes) et orientés vers l’action tout en gardant la partie plus informative et réflexive.

Ces incitatifs sont basés en grande partie sur deux choses :

– Premièrement, une assemblée des mouvements sociaux spécifique à chaque objectif/axe thématique (une pour les menaces environnementales, une autre sur les sujets économiques, une troisième sur la sécurité globale et ainsi de suite, suivant de ce fait les principaux sujets débattus au sein de la mouvance altermondialiste). Ces assemblées sectorielles tiendraient réunion à la fin de chaque journée afin d’effectuer une synthèse de ce qui a été évoqué dans les ateliers pertinents durant les 24 dernières heures. Par ce mécanisme, nous pourrions avoir plus d’idées et un matériau brut substantif sur lequel travailler à la fin du Forum.

– Deuxièmement, une invitation faite à chaque «équipe d’atelier» (la combinaison des participants et des organisateurs d’un atelier) de fournir un document écrit à la fin de leur atelier (une simple feuille manuscrite serait parfaite) à un «bureau de collecte/agglutination». Ce document présenterait plusieurs «pistes d’actions» concrètes (qui sont dans mon esprit différentes des plans d’action, ces derniers étant plus rigides et définitifs) que chaque  équipe d’atelier propose pour aider à régler les problèmes soulevés durant leur présentation ou leur atelier.

Chacune de ces pistes d’action spécifiquement proposées par chaque atelier serait par la suite archivée dans un programme des pistes d’action. Ce sont exactement les mêmes structure et procédure organisationnelle que pour le processus d’auto-programmation se déroulant avant l’ouverture du Forum. La seule différence serait le basculement d’une procédure d’entrée vers une une procédure de sortie (en langue de Shakespeare de l’input à l’output).

L’intérêt d’une telle procédure est qu’elle propose des solutions uniquement au nom des participants spécifiques de chaque atelier et non au nom du Forum dans son ensemble. Il y a donc des sorties, des «résultats» du Forum mais ce dernier garde ce caractère d’espace ouvert, cosmopolite, non-unitaire et non-représentatif qui fait toute son unicité.

En fin de compte, grâce à ce mécanisme de «compilation des propositions de pistes d’action», je penses que nous aurons une trace durable dans un seul document (il est très clair, je l’espères, que ceci n’est pas le moins du monde une déclaration finale ou un programme commun unitaire) de la plupart des fantastiques solutions émergeant du FSM durant une semaine mais qui s’évanouissent trop souvent dans les airs alors que les participants embarquent dans l’avion du retour…

En adoptant un tel incitatif, nous contribuerions à faire avancer le forum vers son objectif  de constituer un espace d’émergence de solutions alternatives sans pour autant altérer sa philosophie d’ouverture envers toutes les idées alternatives et de refus du rôle d’acteur politique unitaire.

De surcroît (et finalement !), ce système permettrait, il me semble, de faire taire la majorité des critiques partiellement fondées qui soutiennent que le Forum est plus un espace de «pensée magique» (dans l’idiome de William le «wishful-thinking») que le bouillonnant chaudron d’idées et actions alternatives qu’il était censé être (ou appelé à le devenir) lors de ses débuts il y a presque dix ans.

Voici ma très mince et humble contribution personnelle à la discussion et réflexion sur le futur du FSM. Je serais très heureux et honoré d’avoir quelques réactions de votre part à propos de ce petit mécanisme de «collecte des pistes de solution». C’est, il me semble, un incitatif non-obligatoire assez intéressant pour faire bouger encore plus les gens vers un (des) autre(s) monde(s) que nous souhaitons tous vraiment et profondément, j’en suis sûr, même si parfois le désespoir nous fait percevoir ce(s) projet(s) comme une utopie plutôt que comme une réalité en devenir…

Et comme il était écrit (en anglais) sur un mur lors du FSM de Mumbai : « Il n’y a pas de garantie que nous ferons mieux mais il n’y a aucune raison de ne pas essayer »

Anthony Côte

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05 2009

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