« Building Global Democracy » – Réflexions sur un panel

par François-Xavier Plasse Couture

Ce blog est un résumé du panel Building Global Democracy (BGD) élaboré par le BGD Convening Group pendant le Forum Social Mondial (FSM) 2009 se tenant à Belém au Brésil. Building Global Democracy est un projet de recherche participative qui débute tout juste et qui doit s’écheloner sur une période de cinq ans. Ce projet qui « vise à promouvoir la connaissance et l’action pour un plus grand engagement public et un plus grand contrôle populaire dans le gouvernance des affaires mondiales[1] » implique des universitaires, des activistes et des décideurs politiques venant d’un peu partout autour du globe.

Ce panel accordait bon nombre de temps de parole aux participants qui désiraient poser des questions ou lancer de nouvelles pistes de réflexion. Ainsi, à l’égard du fonctionnement de la conférence, les panélistes du BGD faisaient chacun leurs courtes présentations, en parlant du sujet de leur recherche et ce sur quoi il était important de se pencher, puis par la suite le débat était ouvert à tous. Ce qui était particulièrement intéressant durant ce panel, c’est que loin d’adopter une attitude élitiste, les panelistes ont abordé les discussions avec un esprit d’ouverture et ne prétendaient pas avoir toutes les réponses à leurs questions. Ils voulaient entendre ce que les participants du FSM pensaient, quels étaient les points suscitant les débats et ceux faisant plus ou moins consensus. Ce blog est donc un bref résumé des idées présentées par les panelistes du groupe de recherche Building Global Democracy.

Les panelistes présents étaient Diana Brydon (University of Manitoba) représentant l’Amérique du Nord, Jessica Byron (University of West Indies) représentant les Caraïbes, Heba Raouf Ezzat (University of Cairo) représentant le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Alla Glinchikova (Russian State Humanitarian University) représentant l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale, Anand Kumar (Jawaharlal Nehru University) représentant L’Asie du Sud, Alfred Nhema (Pan African Development Center) représentant l’Afrique Sub-Saharienne, Peng Zongchao (Tsinghua University School of Public Policy and Management) représentant l’Asie de l’Est et Jan Aart Scholte (University of Warwick) représentant l’Europe de l’Ouest. Il est à noter que l’auteur n’a pu assister aux deux premières présentations qui furent données par Heba Raouf Ezzat et Peng Zongchao. Aussi, deux membres du BGD n’ont pu être présents au panel au FSM à savoir Sitiveni Halapua (East-West Center, University of Hawaii) représentant la région du Pacifique et Moema de Miranda (University of Minas Gerais) représentant l’Amérique Latine.

Pour Alla Glinchikova, venant d’un pays où l’ouverture démocratique tarde à s’agrandir (la Russie), il faut se poser la question : Qu’est-ce qui est commun aux démocraties libérales de type occidental et aux « démocraties autoritaires » telle la Chine ou la Russie ? Selon elle, la démocratie dans les pays ayant une réalité postcoloniale ou postsoviétique ne peut être atteinte que par leur intégration à une démocratie à l’échelle globale. En effet, il serait erroné de chercher à créer une démocratie globale en commençant par l’échelle nationale.

C’est en instaurant une démocratie globale qu’on pourra instituer des régimes réellement démocratiques dans le monde postcolonial ou postsoviétique. Une démocratie globale impliquerait en effet que les élites nationales ne forment qu’une seule élite globale qui inévitablement, chercherait à instaurer la démocratie. C’est cette élite qui détiendrait également les ressources pour atteindre le but mentionné. Le cas contraire, lorsque les démocraties nationales seraient instaurées avant d’atteindre la démocratie globale, constituerait un grand danger pour les démocraties occidentales. Les élites nationales des pays postcoloniaux et postsoviétiques n’ayant pas encore une culture démocratique bien établie chercheraient à conserver les avantages que la classe dirigeante d’une dictature obtient.

Enfin, Alla Glinchikova termine en expliquant que la démocratie peut se diviser en trois aspects, soit l’aspect politique (démocratie représentative, etc.), l’aspect social (l’éducation, les médias, etc.) et finalement les valeurs. Si ce dernier aspect n’est pas solidement instauré à tous les niveaux de la société, il y a peu de chance, selon Dr. Glinchikova, qu’un régime politique puisse demeurer démocratique à long terme.

Jessica Byron, de University of West Indies, a fait une brève présentation des trois grandes questions qui allaient guider ses recherches. Premièrement, quels mécanismes pourront donner une voix aux petits (en termes de superficie et de population) pays dans une démocratie globale achevée ? Deuxièmement, est-ce que le régionalisme est inévitablement exclusif ou peut-il être inclusif ? Et Finalement, quelle place occuperont les jeunes dans la nouvelle démocratie globale ?

Pour Alfred Nhema, trois questions sont prépondérantes. Premièrement, qu’adviendrait-il des « failed states » dans l’optique où une démocratie globale serait atteinte ? Menaceraient-ils la stabilité de cette dernière, et comment est-ce que les habitants de ces « failed states » assureraient-ils leur représentation au niveau global ? Deuxièmement, quels seront les types d’institutions qui administreront cette démocratie globale ? Et troisièmement, quelles seront les fondations sociales, politiques et économiques d’une telle démocratie planétaire ? Le modèle occidental doit-il demeurer la seule référence ?

Le Pr. Anand Kumar de la Jawaharlal Nehru University y est allé d’une longue présentation, qui selon nous, fut la plus éloquente d’entre toutes. Tout d’abord, le Pr. Kumar tente de définir quelque peu la démocratie globale en posant les questions : « What ? Why ? How ? and Where ? » Ainsi, dans l’expression « Global Democracy » il y a le thème de la « Globalization » (ou Mondialisation) et « Democratization » (Démocratisation). La mondialisation peut être comprise en étudiant ses aspects économiques, politique (régional vs global), et de « culturalisation » (et les limites de ce phénomène). Pour ce qui est de la démocratisation, on peut questionner le phénomène quant à ses limites à travers le débat entre représentation et participation, ou encore via les problématiques autour des partis politiques (majoritarisme versus le fonctionnarisme).

Pour le Pr. Kumar, la mondialisation possède cinq facettes : soit l’aspect de la finance, l’aspect des commodités, le travail, la technologie et l’aspect du transfert d’information. La mondialisation est caractérisée par des dynamiques d’homogénéisation, d’ethnicisassion, d’hybridation et de marchandisation. De plus, il soutient que la présente forme de mondialisation a lamentablement échoué quant à la réduction de la pauvreté, à la protection de l’environnement, à l’inclusion des minorités et des nations sans État et plus généralement dans le traitement des identités au sein d’État unitaire. Pr. Kumar va même plus loin en affirmant que le modèle de mondialisation actuel doit être transcendé. Pour ce faire, il faut s’entendre sur un système de valeurs mondiales (« global values ») au-delà celles portées par le modèle de l’État-nation. Il soutient que l’on doit établir un système de valeurs globales qui est à la fois au-dessus (au niveau plus haut que national) et au-dessous (au niveau plus régional ou même local) de l’État westphalien.

Finalement Diana Brydon, a eu le mot de la fin avec une brève intervention sur son sujet de recherche qui porte sur la justice cognitive (« cognitive justice »). Dans une optique qui semble très influencée par Foucault, elle s’interroge sur les relations entre le savoir et le pouvoir politique, les formes d’organisations politiques que cela entraîne et sur les autres modes de connaissance qui peuvent être abordés.

Ce panel soulève en fait davantage de questions qu’il n’apporte de réponses, mais c’est peut-être cela les premiers pas d’une démocratie globale : se questionner ensemble comme citoyens du monde au sein d’un forum social mondial.

[1] Building Global Democracy. [En ligne] http://www.buildingglobaldemocracy.org/ (page consulté le 9 février 2009)

About The Author

admin

Other posts by

Author his web site

06

03 2009

Your Comment