Politique

Le contexte politique des Philippines en lien avec les assassinats politiques

L’une des particularités des Philippines est la lutte armée qui s’y opère depuis bientôt quatre décennies entre le gouvernement et des groupes communistes, principalement le Parti Communiste des Philippines et la Nouvelle Armée du Peuple (auxquels nous ferons référence en utilisant les acronymes anglais plus répandus CPP et NPA), dont la représentation publique est assurée par le Front National Démocratique (FND). C’est par ce dernier parti que passe l’essentiel des négociations avec le gouvernement.

Comme le souligne Amnesty International dans son rapport concernant les assassinats politiques, les droits humains et le processus de paix aux Philippines, ce conflit aura conduit à une escalade graduelle vers plus de violence et vers des atteintes toujours plus graves aux droits humains.

En effet, le CCP-NPA agit sur le modèle d’une armée de guérilla menant des actions locales et éparses consistant souvent en l’exécution sommaire ou encore l’enlèvement d’officiels  auxquels la Force Armée (AFP) et la Police Nationale des Philippines (PNP) répondent par de larges « opérations nationales anti-insurrection ». Ces dernières ont vite développé une stratégie de contre-attaque visant à cibler les sympathisants et les militants communistes en passant souvent par le biais de groupes de vigilance non-officiels encore moins soucieux de respecter les droits humains que les membres du corps armé du gouvernement.

-La Nouvelle Armée du Peuple-

-La Nouvelle Armée du Peuple-

Le processus de réconciliation nationale

Dès 1992, dans les actes du Président Fidel Ramos se manifeste le désir politique de réactiver le processus de paix et ainsi les négociations entre le gouvernement et le CCP-NPA par le biais du Front National Démocratique. Le résultat le plus probant en matière de droits humains sera la signature en 1998 par les deux parties de l’Accord Compréhensif sur le Respect des Droits Humains et du Droit Humanitaire International, acte prévoyant entre autres la reconnaissance du droit à la vie, à la liberté d’opinion, et à ses convictions politiques.

Cet accord sera complété en 2004 par la mise en place d’un comité de surveillance chargé d’assurer le respect des règles définies. Toutefois, en août de la même année, le FND, suite aux résultats contestés de la réélection en juin de la Présidente Arroyo, va mettre fin aux  négociations avec le gouvernement. Dans les faits, on aura été dans l’incapacité d’assurer la bonne application des principes énoncés dans l’accord conclu en 1998 et la lutte n’a jamais vraiment cessé.

La déclaration de l’Etat d’urgence

En février 2006, pour répondre à une menace de coup d’État contre son gouvernement, Gloria Macapagal Arroyo déclara l’État d’urgence, selon l’article 7 section 18 de la Constitution, s’assurant ainsi pendant une semaine le contrôle sur l’armée avec pour objectif de « prévenir toute forme de violence illégale », de mener une « guerre totale » contre les forces armées communistes. Cette déclaration, rappelant la proclamation de la loi martiale par Ferdinand Marcos en 1972, aura pour conséquences directes d’arrêter les négociations de paix entre le gouvernement, de conduire à une série d’arrestations et de détentions dont les motifs politiques apparaissent à peine dissimulés et surtout de venir confirmer le sentiment d’impunité entourant les actes violents commis à l’égard d’individus identifiés comme étant de gauche. L’exemple de Crispin Beltran, membre du congrès philippin dont Amnesty International se fait l’écho, témoigne de l’arbitraire et du manque de légitimité qui peuvent accompagner certaines arrestations. M.Beltran fut en effet interpellé dans un premier temps pour répondre d’actes de « rébellion » commis sous le régime de Ferdinand Marcos. Puis, suite à la réponse de son avocat, il fut accusé « d’avoir incité à la sédition » en se déclarant lors de manifestations en faveur de la démission d’Arroyo, fait qui sera contesté à l’appui de preuves. Ceci ne mettra pas pour autant fin à la détention de Beltran, la police alléguant qu’il pouvait exister un lien entre ce dernier et la menace de coup d’État.

"Alors" (Ferdinand Marcos) - "Aujourd'hui" (Gloria Macapagal Arroyo) (crédit photo Malcom Guy, Centre d'appui aux Philippines)

"Alors" (Ferdinand Marcos) - "Aujourd'hui" (Gloria Macapagal Arroyo) (crédit photo Malcom Guy, Centre d'appui aux Philippines)

Le bref aperçu contextuel que nous venons ici de dresser nous offre un éclairage intéressant sur la question des assassinats politiques. Ces actes violents paraissent en effet être inclus dans un processus de lutte interne entre le gouvernement et les membres de l’opposition communiste, voire l’opposition en général. Les moyens d’action que l’exécutif philippin a mis en œuvre dans son combat contre les factions armées de l’opposition et pour préserver le pouvoir de la Présidente Arroyo sont contestables. On peut légitimement se demander, au regard de la multiplication de ces actes ainsi que de la relative inefficacité du gouvernement philippin dans sa lutte contre les exécutions extrajudiciaires, dans quelle mesure ces assassinats viennent servir ses intérêts.

« Il y a maintenant trop d’éléments attestant de l’utilisation systématique des homicides à caractère politique aux Philippines pour que cette réalité continue d’être ignorée ».

-Nathalie Hill, directrice adjointe pour la région Asie-Pacifique au sein d’Amnesty International-

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