Le Timor Leste et l’Indonésie: La réconciliation après le génocide

Doublement victime de génocide de la part de l’Indonésie, le Timor-Leste excuse son agresseur.  La miséricorde timoraise a pour but de stabiliser les relations difficiles avec l’Indonésie et d’enfin commencer à se focaliser sur son développement. Cela se fait malheureusement aux dépens d’une partie du peuple qui aimerait recevoir des excuses sincères des responsables.

Vérité et amitié

Selon Frédéric Durand, de 2000 à 2005, la commission réception vérité et réconciliation (CAVR) devait se pencher sur les crimes indonésiens de 1975 à 1999. Ce tribunal devait traîner en justice les membres des milices anti-indépendance et les punir (2011:92-93). Afin d’éviter ce type de procès, l’Indonésie à demandé aux Timorais s’ils pouvaient mettre en place une commission bilatérale «Truth and Friendship», plutôt que laisser l’ONU instaurer un tribunal. L’Indonésie savait que sa réputation à l’international était en jeu.

Le but de cette commission était de se concentrer sur les attaques qui ont eu lieu après le référendum et d’abandonner  tout reproche sur les agressions antérieures. Ban Ki-Moon demanda aux travailleurs de l’ONU présents lors du conflit de ne pas témoigner afin de ne pas légitimer l’initiative au cas où le Timor-Leste voudrait poursuivre les criminels de guerres (Durand 2008:138) . C’est ainsi qu’en 2008 le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono exprima «ses profonds regrets concernant des faits ayant causé la mort et des dommages matériels.» (Durand 2011:93)

Plusieurs Timorais et ONG étaient déçus de cette commission plus axée sur l’amitié que sur la vérité. En effet, le Timor aurait pu demander de vraies excuses et une compensation équivalente, voire punitive, mais le président timorais José Ramos-Horta savait que l’Indonésie se vengerait. Dans le but d’apaiser l’Indonésie le plus vite possible et de commencer à construire sa nation, il décréta en 2009 que le Timor renoncerait à poursuivre l’Indonésie à ce sujet. On peut conclure que la miséricorde est le vrai prix de la paix sur cette île. Il s’agit d’une décision difficile, mais visionnaire.

Les deux génocides perpétrés par l’Indonésie

Suite à la révolution des œillets au Portugal, le Fretilin (organisation souverainiste timoraise) profita de la chute de la dictature Salazariste pour mener une campagne de trois semaines contre les colons portugais. Selon Araujo de Corte-Real, le Fretilin demanda un appui international pour la reconnaissance du Timor, mais pratiquement personne ne répondit à l’appel. Isolé, le Fretilin déclara unilatéralement l’indépendance du Timor en 1975 (2014:42). Ce n’est que neuf jours plus tard, malgré une résolution de l’ONU, que l’Indonésie envahit le Timor (2014:42). La nation timoraise étant peu importante aux yeux du monde, on oublia rapidement la question et on toléra le de 100 000 à 200 000 individus sur une population de 650 000 à l’époque (Webster 2017:46). Il y eut aussi le génocide suivant le référendum d’autodétermination du Timor. Le 30 août 1999, quelques heures après la victoire du «oui», les forces indonésiennes rasèrent 70% des infrastructures du pays et tuèrent 1500 Timorais (Webster 2017:47). Bouvier décrit cette offense comme étant «la stratégie de la terre brûlée» (2001:197).

TEMPO/Frannoto. (2016). Mota`ain border gate connecting Indonesia – Timor Leste.

Bon voisinage

Xanana, le premier président du jeune État «…insista même sur la nécessité de laisser le passé derrière soi, et de favoriser autant que possible les bonnes relations avec l’ancien occupant» (Araujo de Corte-Real 2014:43).

Si le Timor était situé à la place de la Belgique et qu’il avait eu le même conflit avec la France, il aurait pu au moins se tourner vers un des pays voisins comme l’Allemagne. De cette façon, il aurait pu couper les ponts avec la France et critiquer celle-ci depuis la jupe de ses alliés. Malheureusement pour le Timor, sa seule frontière terrestre est avec son ancien agresseur (Araujo de Corte-Real 2014:43). Se mettre encore plus à dos son unique voisin quand l’on est en position défavorable est peut-être une solution idéologique, mais elle n’apporte pas grand-chose à une nation qui recherche la paix.

La tranquillité n’est pas la seule raison qui explique que le Timor ne demande pas réparation. Dans le but de favoriser son développement au sein de l’Asie du Sud-Est, le Timor désire devenir membre de l’ASEAN. Critiquer l’organisation et ceux qui la constituent est loin d’être le moyen le plus efficace pour y adhérer.

Bibliographie

Araùjo e Corte-Real Benjamim, Cabasset Christine et Durand Frédérique (2014) Timor-Leste contemporain l’émergence d’une nation. Paris: Les Indes savantes.

Bouvier P et Vanderput K. (2001). Timor-Leste: Le combat d’un peuple. Montréal: L’harmattan.

Durand F. (2008). Timor-Leste en quêtes de repères. Perspectives économico politiques et intégration régionale 1999-2050. Toulouse: Éditions Arkuiris.

Durand F. (2011). Timor-Leste Premier État du 3e millénaire. Paris: Éditions Belin.

Webster D. (2017). Flowers in the wall, Truth and reconciliation in Timor Leste, Indonesia and Melanesia. Calgary: University of Calgary Press.

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